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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
29 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLl. Une villa des Mystères ?

VILLA FANTASTIQUE

4. Miroirs et fantômes. Lucas, Nicholas et leur guide italien Stefano arrivent en Italie du nord, dans une villa mystérieuse où des épreuves attendent les deux enfants...

Tout était mystérieux dans cette grande maison à la façade dépouillée. Ils le découvrirent dès qu'ils en poussèrent la porte. Alors que le parc regorgeait de statues de satyres et des naïades, de bancs et de chaises de jardins, de fontaines et de gloriettes, l'entrée de la villa était surprenante. Une fois poussée la lourde double porte de chêne foncé, on pénétrait dans un hall aux murs brun et orange et orné de motifs floraux art nouveau. De hauts candélabres ainsi que des crédences chargées de compositions florales aux dominantes blanc et jaune conféraient à ce vaste couloir une dignité imposante. On débouchait ensuite dans un vaste salon plein de canapés profonds, de tables basses, et de rayonnages de bibliothèque. C'était un bel espace, assurément et on retrouvait les couleurs du hall, le vieil or, l'orange et les dégradés de brun conférant à l’atmosphère du lieu une certaine dose de mystère. Des statues de griffons ou de longs visages peints ou sculptés ornaient la salle et les murs. La particularité des visages étaient d'être sans regard. Seuls de minces traits indiquaient les paupières closes. Il y avait des fleurs aussi mais c'était des orchidées, absentes dans le hall d'entrée.

Aucun des enfants ne pouvaient se sentir à l'aise dans un lieu pareil tant il était grandiloquent. Ils se rapprochèrent bien d'une des bibliothèques mais l'alignement d'éditions anciennes aux riches couvertures les déconcerta. Ils n'osèrent pas s'installer dans un des canapés et consulter les revues d'art qui étaient posées ça et là sur des tables basses. S'asseoir par terre pour jouer était inconcevable. Observer de près les œuvres d'art qui peuplaient la pièce ne leur plaisait pas car elles les inquiétaient. Ils ne les comprenaient pas mais Stefano leur avait bien recommandé et de les regarder avec attention et d'en choisir une dont ils garderaient l'image en tête. Ils s'appliquèrent donc à le faire.

Lucas, à force de déambuler, finit par élire une sculpture de femme longiligne à long visage triste. Elle avait les yeux clos. Nicolas, quant à lui, préféra un animal hybride mi dragon mi chat qui semblait poser sur lui un regard interrogateur et féroce. Une fois leur choix fait, ils s'assirent en tailleur et s'entraînèrent à garder en eux l'image précise de ces deux œuvres. Il n'y avait rien d'intellectuel là-dedans car aucune analyse de leur choix ne s'imposait. C'était un exercice de mémoire, à la fois strict et douloureux car, ils en avaient bien eu conscience, tant l'étrange femme émaciée que l'animal mythologique au regard inquiétant les déstabilisaient. Bientôt, cependant, tout fut clair. Ils avaient en eux, bien installées dans leur mémoire, ces deux œuvres et leurs aventures pouvaient se poursuivre. Le vaste salon ouvrait sur de nombreuses pièces mais Stefano avait bien indiqué que deux d'entre elles seraient accessibles. Les autres, ne présentant pas d'intérêt pour les enfants, ne seraient pas visibles. Il était déconseillé d'en forcer les portes mais ni Lucas ni Nicolas ne songèrent à le faire, la tâche qui leur incombait leur paraissant déjà déjà très lourde.

 

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29 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Cérémonies secrètes dans la villa Ada. (1)

chiens KITSCH

Lucas et Nicholas, deux enfants malades, se sont enfuis de l'hôpital où ils risquaient de finir leurs jours pour suivre un jeune italien, Stefano. Celui-ci les conduit en Italie du nord, à la villa Ada. Dans le dédale de la grande maison, Lucas a des visions; ces fantasmagories ont valeur d'initiation...

Il revenait à Lucas d'entrer le premier dans un des salons. Il eut bien un pincement au cœur quand s'ouvrirent les lourdes portes mais il n'hésita pas. Il s'avança à pas menus dans une grande salle qui était aussi dépouillée que la précédente était chargée. Ici, nul rayonnage de livres, d’œuvres d'art et de fleurs. Une table basse de forme rectangulaire avec un dessus de marbre blanc et des pieds de bois doré en forme de têtes de griffon constituait l'unique mobilier. L'éclairage, provenant du plafond, était diffus. La pièce était flanquée de fenêtres circulaires closes et leur présence intrigua d'abord le jeune garçon, sans qu'il comprît pourquoi. C'était leur disposition qui était étrange. En effet, s'il était logique que cette pièce ait des ouvertures donnant sur le parc, il l'était moins qu'elle en eût qui s'ouvrait sur une autre pièce. Il était également bizarre que ces fenêtres soient bombées et évoquent des hublots...

Il faisait frais dans cette pièce à l’atmosphère étrange et il régnait un silence plus pesant encore plus intrigant que dans l'immense salon. Se souvenant des recommandations de Stefano, l'enfant s'appliqua à se concentrer. Il récita les mantras connus et désormais aimés encore et encore.

 Paix. Paix. Force du guide intérieur.

Joie. Absence de crainte. Force.

Force orgueilleuse. Puissance. Souffle.

Vent. Force. Lumière de la vie. Force de vie.

Au fur et à mesure qu'il parlait, il lui semblait que son maintien était plus solide et que ses vêtements (blancs pour l'occasion) devenaient lumineux. C'était là une impression étrange qui n'était pas forcément rassurante. Il ne comprenait rien à ce qui se passait.

Mentalement, il visualisa la statuette de femme qu'il avait élue et fit le geste de la déposer sur la table. Elle se matérialisa alors et il la retrouva telle qu'elle était. Sa silhouette demeurée élancée et très fine et son visage effilé hiératique et dévastée. Il sembla cependant que sa matérialisation entraînait un changement dans la pièce car une des fenêtres-hublots s'ouvrit lentement. Le volet qui l'obstruait se releva silencieusement et peu à peu, Lucas découvrit qu'il s'agissait là non d'une ouverture sur l'extérieur mais d'une sorte de niche, de cavité dans laquelle était susceptible d'apparaître des formes qui, peu à peu, prenaient vie. Il vit d'abord une sorte de boule brune très brillante qui paraissait flotter dans la cavité sans qu'il pût discerner si elle le faisait dans l'eau ou dans l'air. Il s'agissait d'une sorte de magma qui peu à peu prit forme animale. Lucas vit se former des pattes avant, des pattes arrière, apparaître une queue à une extrémité et une tête canine de l'autre. Des oreilles y apparurent puis des yeux et une truffe. C'était un chiot que le jeune garçon identifia immédiatement comme étant Lucky à un âge si jeune qu'il n'avait pu le voir ainsi. Il devait encore téter sa mère. Stupéfait par cette heureuse surprise, Lucas montra sa joie :

-Tu es là, mon beau chien !

A grande vitesse maintenant, l'animal se transformait. Il devint tel que l'enfant l'avait vu quand il avait quitté la maison familiale. Toujours très heureux, Lucas attendit que se remette en place cette communication silencieuse qu'il avait avec son animal de compagnie et voyant son bon regard confiant, il fut sûr que ce serait le cas. Pourtant, ce que fit le golden à la bonne tête aimable et au beau pelage brun clair fut différent. S'immobilisant dans une pause rigide qu'il n'adoptait jamais dans la vie, étant trop débonnaire, il parla avec une voix humaine. Eut-elle été faible ou aiguë, Lucas en aurait ri mais elle était grave et docte. Il ne put que se raidir.

-Bonjour Lucas. As-tu des questions à me poser ?

-Oui, Lucky.

-Je t' écoute.

-Tu es vraiment Lucky ? Mon chien à moi ne parle pas comme un homme d'habitude.

-Je le sais mais c'est bien moi ! Attention : tu ne disposes que de peu de temps pour me parler. Je vais bientôt disparaître comme je suis apparu. Fais vite.

-Ils vont comment ? Mes parents, je veux dire.

-Ils ne comprennent pas et ils sont tristes mais tu sais comment ils sont ! Incapables de se résigner, ils pensent que tu t'en es sorti. Ils ne savent pas ce qui t'es arrivé mais ils ont confiance. On te retrouvera. Attention, hein, il leur arrive d'être accablés. Mais l'espoir est le plus fort !

-Et les recherches ?

-La police a une piste en France, dans la région de Bordeaux. Un type louche qui a déjà enlevé des enfants. Ils vont mettre la main dessus et il leur faudra du temps pour se rendre compte qu'ils ont fait fausse route. C'est bon pour toi, ça, ça te donne du temps pour remplir ta mission.

-Ma mission, je n'en sais pas grand chose.

-Oui mais ça, ça fait partie de ton devenir. Tout t'apparaîtra au fur et à mesure.

-Je n'ai plus le même nom, plus la même apparence. Est-ce qu'un jour je serais redevenu Lucas et vivrais de nouveau avec eux ?

-Tout dépend de la façon dont tu contourneras les obstacles. Et puis, il faudra aussi que tu restes constant. Si tu perds cette envie de les revoir, ils s'écarteront de toi et toi d'eux.

-Je pourrais donc choisir de ne plus les revoir pour rester comme ça ! C'est tentant, c'est vrai. Je vais mieux. Je ne suis pas malade comme avant ! Mais me séparer d'eux pour toujours...

-Qui dit ça ? Il faut que tu sois en meilleure santé pour aller vers Signorella et Honey. C'est ce qui est important pour le moment.

-Je ne sais toujours pas qui est Honey. On m'a dit ce nom, voilà tout. Et l'autre, personne ne m'en a jamais parlé.  

CHIEN TROIS TETES

-Je viens de le faire !

-Mais qu'est-ce qu'il y aura ?

-Tu changeras encore et là, tu verras s'ouvrir de nouveaux chemins. Il te faudra faire les bons choix.

-Combien de temps ça va durer ?

-Tu n'aimes pas cette période de ta vie ?

-Si, elle est bizarre et magique. Mais je ne voudrais pas qu'elle soit trop longue !

-Ce n'est pas à toi de décider de cela. Souviens-toi : fais les bons choix.

-Tu reviendras encore ?

-Lucas, je suis ton chien !

Cependant, les contours de l'animal devenaient moins fermes et sa voix humaine, jusque là très claire, se modifiait. C'était désormais un mélange de gémissements marquant le contentement et e jappements courts et joyeux. Pour finir, l'enfant se retrouva face à une boule informe qui décrut en taille jusqu'à devenir un minuscule point. Le liquide qui emplissait la cavité se mit à ressembler à une eau de mer limpide, telle qu'on la trouve sous les tropiques, mais il n'y vit aucune forme de vie. Lentement, un volet descendit et obtura le hublot laissant le jeune garçon dans cette même ambiance froide et bleutée qu'il avait rencontrée en entrant dans la pièce.

Revenant au centre de la pièce, il y retrouva la statue de femme. La silhouette restait longiligne, presque émaciée mais les paupières qui jusque là étaient restées closes, commençaient à se soulever, donnant au regard impersonnel de la femme cette expression d'intériorité un peu mystérieuse qu'on voit aux bouddhas fabriqués en série vendus dans les bazars. Mal à l'aise, l'enfant craignait que cette créature de bronze ne devînt vivante. Déjà, elle changeait, la tonalité du bronze devenant plus rose... Il pensa alors à une des longues phrases qu'avait déroulé pour lui Stefano et il la répéta.

-Lumière de la nuit, lumière du jour. Souffle léger. Cœur ardent. Vraie force. Pivot de la vie. Racine de mes jours. Origine de ton désir.

Les mots défilaient et il en inversait l'ordre, se laissant bercer tout en restant conscient de leur pouvoir défensif.

-Cœur ardent, Lumière du jour. Origine de ton désir. Racine de mes jours...

Il tenait en respect cette statue qui demandait à vivre et il sentait qu'il le fallait.

-Faiblesse des regards. Force de tes mots. Lumière de la nuit. Lumière du jour. Origine de ton désir. Bleu du ciel. Fontaine de vie. Racines de ta vitalité. Ouverture de tes mains...

 

29 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Cérémonies secrètes dans la villa Ada. (2)

FEMMZ FANTASTIQUE

Lucas et Nicolas ont fui un hôpital pour enfants malades avec Stefano, leur jeune guide italien. Les voilà dans une mystérieuse villa du nord de l'Italie. Passant de salle en salle chacun à leur tour, ils reçoivent une sybilline initiation...

De nouveau, il se sentait fort et pur. La force était en lui. Il avait besoin d'elle car déjà s'ouvrait une seconde fenêtre, tout aussi étrange que la première. Celle-ci lui parut d'abord pleine d'eau de mer. Elle était claire et très mouvante. Le soleil la traversait et lui donnait une nuance émeraude. Il l'entendait bruisser cette mer qui lui apparaissait et en était heureux mais il n'y vit paraître aucune forme de vie animale ou végétale. Au bout d'un moment,les eaux semblèrent se figer et se transformèrent lentement en mur lisse, de couleur bleu tendre. D'autres murs apparurent puis une fenêtre et une porte. Lucas comprit qu'il était dans une pièce mais ne parvint à la rattacher à aucune maison. Nulle part il n'avait vu de bureau de bois clair, d'étagères couvertes de livres de jeunesse, de lit simple à montants de cuivre et de lampe de chevets dont le pied de bois était orné d'une sculpture de fée ailée. Entra dans la pièce une fillette d'une dizaine d'années aux longs cheveux bruns ramassés en queue de cheval. Elle portait un pull-over bleu marine, une jupe plissée de la même teinte, des collants d'hiver en laine et des bottines. Elle s'assit à son bureau, se tenant bien droite sur sa chaise et veilla bien à ce que son dos ne touche pas le dossier. Puis, elle ouvrit un cahier et attrapa un dictionnaire français-latin posé près d'elle. De toute évidence, elle travaillait. Cette enfant qui se concentrait ainsi, bougeant parfois les lèvres pour prononcer des mots incompréhensibles, il ne la reconnaissait pas encore mais il savait qu'elle lui était familière. A cette image de collégienne au travail s'en substituèrent d'autres. Il la vit assise dans une salle de cours, studieuse et posée, prenant souvent la parole après avoir levé le doigt. Elle n'était pas la plus jolie de la classe, loin de là , ses vêtements étaient sévères et son appareil dentaire enlaidissait son sourire. Rien de tout ceci ne semblait l'affecter. Elle jouait un rôle qu'elle aimait : celui de la bonne élève.

Un peu plus âgée, elle jouait au basket dans la cour de son collège, lors d'un cours. Elle passait un premier examen. Il la retrouvait au lycée où elle était devenue élégante. Elle avait désormais les cheveux mi-longs et un joli sourire. Il la voyait s’asseoir auprès d'un grand garçon à l'allure timide qui paraissait beaucoup l'apprécier. Ils étaient ensemble à l'université puis en centre de formation des professeurs où leur couple était solide.

Cette fois, il l'identifiait, cette fille brune si sûre d'elle. C'était sa mère. On vantait en cours sa vivacité d'esprit et son esprit cartésien. Voilà quelqu'un qui ne s'encombrait pas de doutes existentiels mais s'estimait chargée d'une mission claire : enseigner avec efficacité en école primaire, encourager le dépassement de soi et la réussite dans un système accessible à tous. Dans sa classe, il la découvrait à l'écoute, certes, mais autoritaire et exigeante. Il était mal venu avec elle d'être lent ou hermétique à une matière. Les enfants l'aimaient dans l'ensemble mais la craignaient aussi car elle avait le jugement hâtif...

 

BARTABAS

Au fond, elle lui apparaissait sous un jour très nouveau. Il la connaissait comme mère, cette jeune femme, mais ignorait ses comportements professionnels. La découvrir ainsi était intimidant et gênant aussi. Elle avait dû en prendre pour son grade la jeune institutrice quand son fils unique était tombé malade...C'était là un effondrement de ses théories personnelles sur la santé et l'éducation. Elle n'aimait pas du tout qu'il en fût ainsi.

Lucas, qui avait observé son évolution, ne comprit pas son entêtement. Il se sentit tiraillé entre la compréhension et l'agacement. Ce fut ce dernier qui l'emporta...

Les minutes se succédèrent puis, comme elle était apparue, la jeune femme disparut sans que jamais il ne la vit dans son rôle de mère, ce qui le glaça.

29 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Monstres et épreuves dans la villa Ada.

MMMMMMMMMMONSTRE

Lucas et Nicolas se sont enfuis d'un hôpital pour enfants malades avec l'aide d'un jeune italien, Stefano. Celui-ci les conduit à la villa Ada, dans le nord de l'Italie. Là, chacun des enfants dooit parcourir plusieurs salles où il a des visions. Celles que parcourt Lucas le mette face à Ah Thor, l'image de la mort...

Aux quatre directions cardinales, il vit une image de lui-même. Il se découvrit d'abord possédé par Ah Thor à l'âge de quatre ans, quand il était tombé si malade et sentit triste. Il se vit combatif à l'école primaire quand il était dans une phase ascendante où il reprenait des forces. C'étaient là des images connues qui le rassurèrent. Les deux autres, par contre, le surprirent. Il avait une trentaine d'années, il était fort et semblait ne plus avoir aucun souvenir de son enfance marquée par la maladie. Son allure décontractée était sportive et séduisante. Il faisait signe à une jeune femme qui avançait vers lui. Tous deux étaient bien appariés. Des fiancés peut-être. Plus déconcertante encore était la dernière image de lui qui apparaissait. Il avait plus de quarante ans et parlait des déserts lointains, des savanes et des océans où étaient en péril des animaux fragilisés, des mammifères, des poissons et des crustacés. Il parlait simplement, non comme l'administrateur d'une grande société mais comme un explorateur qui veut alerter les foules. Portant une chemise beige et un pantalon kaki, il avait au pied des chaussures de sport et au poignet un de ses grosses montres qu'on imagine à ces vainqueurs de la brousse ou à ses habitués des océans. Il parlait, il parlait et sa voix était d'or. Il savait galvaniser.

Lucas comprenait mal. Devait-il rejeter l'enfant malade pour adopter l'enfant en bonne santé alors que rien ne l'assurait qu'il était guéri ?

Devait-il choisir un chemin de vie : la vie tranquille ou la vie trépidante ? Lui demandait-on de ne défendre aucune autre cause que le bonheur personnel ou au contraire de partir en croisade pour la cause animale en parcourant les terres et les mers ?

Le temps lui étant compté, il porta un regard admiratif sur le quadragénaire charismatique sans avoir le temps de se demander si un jour il serait vraiment lui.

Des images multiples de catastrophes naturelles, de pollution, de destructions dues à la cupidité humaine l'assaillirent. Dauphins agonisants, gorilles maltraités, lions tués, animaux domestiques abandonnées défilaient. A peine en prenait-il connaissance que d'autres lui succédaient : volcans en éruption, centrales nucléaires défaillantes, sols toxiques, produits agricoles dénaturés et dangereux, montagnes de nourriture, montagnes de plastiques, paysages brûlés, désertifiés...

 

monstre

Ce fut lui qui recula, avant même que le flot d'images ne se tarissent. Il cria qu'il préférait l'explorateur et comme, à ces mots, le hublot s'obturait, il pensa avoir fait un choix judicieux.

Restait l'épreuve de la statue. Elle lui semblait moins inquiétante mais il restait méfiant. C'était à tort car elle s'était dématérialisée. Elle n'existait plus que dans son esprit où elle demeurait, telle une belle œuvre d'art qui tirait l'admiration. Il ne lui restait plus qu'un pouvoir esthétique.

-Il y aura encore des visions et des épreuves !

Lucas s'armait, chaque hublot dans la salle devant s'ouvrir. Il ne savait pas encore qu'il se trompait.

Une nouvelle fois, il se trouva face à une ouverture dans le mur. Celle-ci, protégée par un verre épais, s'emplit à sa grande surprise d'un liquide rougeoyant qui, par sa densité et son intensité, évoquait de la lave. Au sein de cette masse en fusion, se formeraient, il l'attendait, de nouvelles visions qui l'éclaireraient plus encore sur les choix qu'il devait faire. Lucas attendit longuement, fasciné par ce grand embrasement, ces coulées et ces vapeurs mais rien d'autre n'eut lieu que ce fabuleux spectacle de la lave aux couleurs changeantes. Il resta là, ne voulant se détourner ni montrer une quelconque déception jusqu'à ce que le volet se fut refermé. La pièce redevint toute claire et il comprit non seulement que le spectacle auquel il venait d'assister ne recevrait aucune explication mais aussi qu'il n'y en aurait plus d'autre. Il resta encore longuement immobile au milieu de la salle, près de la table laissée vide puis il sortit et retrouva le salon. Comme il n'y retrouvait pas Nicolas et ignorait quel avait été le parcours de ce dernier, il préféra ne pas s'éterniser dans un décor qui l'intimidait et, rejoignant résolument le hall d'entrée, il gagna le jardin.

  

29 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Réconfort et promesses de départ.

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Dans la villa Ada, Lucas, enfant malade, a eu d'étranges visions. Son guide, Stefano, un italien rieur, le réconforte...

Assis sur un banc près d'une fontaine ombragée, Stefano l'y attendait. Il chantonnait quand Lucas s'assit à côté de lui.

-C'est une chanson à la mode, comme tu les aimes ?

-Non. C'est une mélodie que j'ai inventée.

Il s'agissait d'une litanie aux rythmes entêtants qu'aucune parole n'accompagnait. Elle était mélancolique mais l'enfant l'aima car elle était pleine de douceur.

-Tu as trouvé ça difficile , Lucas?

L'Italien venait de reprendre la parole.

-Oui.Dur à comprendre.

-Tu es fatigué ?

-Non.

-Alors, c'est bien.

Dans l'été bruissant, ils demeurèrent longtemps en silence l'un à côté de l'autre puisque l'autre garçon ne venait pas. Il finit tout de même par sortir de la villa. Il était très pâle, marchait comme un automate et avait des égratignures aux bras. Comme il arrivait près d'eux, Stefano dut se lever précipitamment pour l'empêcher de tomber. Il dut le porter jusqu'à la maison de gardien où il le mit au lit. Nicolas n'avait pas prononcé un mot depuis qu 'il les avait retrouvés. Il s'endormit tout de suite laissant Lucas inquiet. Aux demandes qu'il fit à Stefano sur le pourquoi d'une telle réaction, l'Italien opposa un mutisme irritant. Ils ne quittèrent pas la maisonnette le jour suivant et celui d'après, Lucas erra seul dans le parc de la villa Ada. Il y entendit avec bonheur le chant des oiseaux et le bruit des cigales, caressa de la main les courbes des statues et but l'eau des fontaines en en retenant dans ses mains jointes. C'était un parc enchanteur. Il s'allongea dans l'herbe, à l'ombre et passa beaucoup de temps à observer le ciel à travers les branches des arbres. L'air sentait l'herbe tiède, le pin maritime et le miel. On ne devait pas être très loin de la mer, il le devina et il se mit à rêver d'elle, cette Méditerranée bouillonnante qui se dérobait à sa vue. En rentrant dans la maison de gardien, il interpella Stefano :

-On va encore rester ici ?

-Non. Nicolas est en meilleure forme et peut voyager.

-Tu ne veux pas nous dire où on va ?

-Si. D'abord à Naples puis à Pouzzoles.

-Pourquoi on va là ?

-Parce que.

La conversation était gaie. Lucas aimait taquiner l'Italien. Le dernier soir, tous trois cuisinèrent des spaghettis et de la sauce tomate. Ils rirent beaucoup.

Le lendemain, ils partaient.

 

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29 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Effervescence à Naples.

 

Naples - Sept 2009 (2)_jpg

5 Signorella à Naples.

Après de nombreuses épreuves, deux enfants, Lucas et Nicolas arrivent à Naples où ils connaissent un temps de répitLa surprise fut immense pour Lucas. Il ne s'agissait plus cette fois de rester cachés quelque part dans un lieu isolé. Ils étaient à Naples et qui plus est en plein centre historique. Ils marchaient avec Stefano qui se montrait singulièrement bavard et bien informé. C'était stupéfiant ! D'autant que pour la première fois ils n'étaient plus des reclus mais des promeneurs anonymes savourant le bonheur d'une belle promenade. Modifiant leur allure vestimentaire, l'Italien avait veillé à ce qu'ils ne ressemblent pas à ces vacanciers caricaturaux qui prennent des photos en ville en restant bien groupés de peur qu'on les vole. Il avait donc proscrit, les couleurs trop vives, les grosses casquettes, les chaussures de sport voyantes et les sacs à dos bourrés de chips et de canettes de soda. Portant des vêtements sobres, ses deux protégés ressemblaient à s'y méprendre aux jeunes italiens qu'ils croisaient. En un tournemain, Stefano avait de nouveau teint les cheveux de Lucas qui, de nouveau était brun. Quant à Nicolas, il n'arborait plus ses lunettes à grosses montures blanches. En blanc ou bleu marine, ils portaient des vêtements simples et faisaient profil bas.

Pour que leurs découvertes soient belles, Stefano leur avait donné de petits guides de la ville ainsi que des appareils jetables car il aurait été stupide de ne pas prendre de photos. Il était bien entendu, cependant, que seuls les monuments seraient photographiés...

Tantôt en voiture, tantôt en transports en commun, il les promenait et suscitait le ravissement. Piazza del plebiscito, les enfants contemplèrent émerveillés la basilique Saint-François de Paule entourée d'une vaste colonnade. Ils adorèrent cette place de forme elliptique qui est le cœur de la ville. Ils furent impressionnés par le Castel Nuovo qui surplombe toute la ville portuaire et par sa composition architecturale très hybride. On y accédait par un arc de triomphe. Stefano leur dit qu'il s'agissait du musée archéologique de la ville et que Naples ayant eu une histoire aussi riche que mouvementée, ce lieu contenait d'innombrables trésors. Lucas , qui malgré sa maladie, avait été un élève curieux et un boulimique de nouvelles découvertes, en fut persuadé. Il voulait visiter les lieux. Stefano l' assura qu 'ils reviendraient tous deux, l'endurance de Nicolas étant limitée.

 

29 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Marcher dans Naples. Été et bonheur.

DESSIN NAPLES

A Naples, après bien des épreuves, les enfants Lucas et Nicolas se remettent de leurs émotions en compagnie de Stafano, leur guide habituel et de Signorella, une italienne mystérieuse. 

Le pendant de cette forteresse paraissait être le célèbre Château de l’œuf. C'était une construction magnifique située sur l’îlot de Mégaride, à l'intérieur du golfe de Naples. La légende soutenait qu'un œuf caché soutenait la structure du bâtiment...Lucas adora cette énorme forteresse, sa terrasse et son port touristique aux couleurs méditerranéennes. Il insista pour faire une grande promenade sur le port et Stefano, bon prince, poursuivit ses commentaires. Il n'avait rien d'un Napolitain, étant italien du nord, mais les deux enfants ne s'offusquaient pas de lui découvrir soudain une solide connaissance de cette ville qu'il avait l'air de connaître comme sa poche. C'était ses jours là un guide éclairé doublé d'un professeur d'histoire...Attendu qu'il avait déjà présenté de lui des images très contrastées, celle-ci en était une nouvelle ! Les enfants étaient d'autant plus ravis qu'ils déjeunaient dehors et pouvaient faire des emplettes. Il s'agissait souvent de sucreries ou d'objets décoratifs aux formes bizarres, un concours ayant été lancé entre Lucas et Nicholas pour savoir qui trouverait le plus affreux. Dans les rues du quartier espagnol, ils avaient l'embarras du choix entre appareil photo en plastique avec visionneuse des plus belles curiosités de la ville et poupées en costume folklorique. Nicolas faillit emporter la mise avec un coffre de pirates peint de couleurs hideuses mais en dénichant un Neptune tout plastique au visage particulièrement raté puisqu'il louchait, Lucas sortit vainqueur de l'épreuve. Il eut droit à une énorme glace dans une des nombreuses pâtisseries de la Galeria Umberto primo.

Lors de ces temps heureux, évoquer les épreuves subies dans la Villa Ada parut mal venu. En un sens, les deux enfants en furent heureux car ils connaissaient une période de félicité où tout était jeu et découverte. Lucas, cependant, fut ennuyé de rien pouvoir demander car l'itinéraire de Nicolas lui resta mystérieux. Entré dans une pièce qui ressemblait à celle qui avait accueilli Lucas, il s'était de toute évidence mal sorti de ses visions. Mais le tout était de savoir en quoi elles avaient pu le terrifier. Il s'était juré dès le départ d'aider cet enfant fragile et voilà qu'après y avoir réussi, il marquait le pas. Psychologiquement, Nicholas, même s'il donnait le change en riant beaucoup, était fragilisé. Quant à son état physique, il n'était pas bon. Les marques qu'il avait sur les bras cicatrisaient mal, il était pâle malgré son hâle artificiel et redevenait malingre. Obstiné, Lucas tenta sa chance mais l'Italien l'arrêta.

 

NAPLES DESSIN

-Tu ne peux pas l'interroger sur la villa Ada.

-Il a peur, ça l'aiderait.

-Ce n'est pas sûr du tout et de toute façon, tu n'es pas autorisé à le questionner.

-Alors, fais-le, toi !

-Non.

-Tu vas laisser comme ça, alors ?

-Je m'occupe de lui.

 

Il ne mentait pas. Le soir, dans la belle maison du Pausilippe qui les accueillait, il donnait au garçonnet efflanqué des médicaments pour se reprendre. La nuit, il se réveillait et allait s'enquérir de lui. Si l'enfant n'allait pas mieux, au moins son état ne dégénérait-il pas...

Toujours aux aguets, Lucas se rendit compte que son ami parlait dans son sommeil. Il disait des mots sans suite d'un ton affolé. Il n'était pas compliqué de comprendre qu'il évoquait des visions féroces...

-Lumière verte, lumière rouge, rigoles de sang, grande déesse, forêt brûlée, maison détruite...

 

21 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. En fuite. Bonheur et malheur.

dessIN ENFANTSSSSS

A Naples ou ils ont suivi un jeune italien, Stefano, Lucas et Nicolas, deux enfants qui veulent échapper à la mort, poursuivrent leurs aventures. Nicolas, cependant, ne va pas bien...

Il avait donc vu des paysages dévastés où triomphait la mort et il s'était battu. Il le disait à mots couverts. Était-ce l'étrange statue de monstre qu'il avait choisie dans le salon qui l'avait attaquée ou un personnage issu d'un des hublots ? Pourquoi était-ce des morsures ? Avait-il perdu beaucoup de sang ?

Refusant d'écouter Stefano, Lucas insista pour savoir mais son ami se montra glacial. Il ne dirait rien. Il semblait lié par un pacte étrange qui lui imposait d'être muet sur ces faits. Son discours implicite était clair : s'il se taisait, il s'en tirerait. Or, ce fut le contraire qui se produisit. Il sortit encore un peu avec eux puis, au bout de deux jours, il parut épuisé. Il resta alité.

Se sentant impuissant, Lucas interrogea de nouveau l'italien :

-Il va devoir rester ici, dans la maison ?

-Il ne va pas bien.

-Ce sera pire s'il reste !

-Comment cela, Lucas ?

-Tu es vraiment énervant. Je t'avais dit qu'il fallait le faire parler et l'aider à passer cette épreuve ! Mais toi, tu m'as dit de ne pas être curieux !

-Ne cherche pas à comprendre.

-Justement si !

-Bon, d'accord. Ce qui est difficile pour lui, ce sont ces épreuves. Elles sont très difficiles et actuellement, il regrette de s'être lancé dans cette aventure. Il regrette aussi d'avoir abandonné l’hôpital. Et pour finir, il a la nostalgie des siens.

-Mais il était content de partir !

-Oui mais là, il change.

-Et que faire ? Il ne peut pas rentrer de toute façon !

-Qu'est-ce que tu en sais ?

-Tu le reconduirais ?

-Non, ce n'est pas mon rôle.

-Il s'enfuirait ?

-Peut-être.

-Et comment ?

-Il y a bien des façons de s'en aller.

-Le bateau ?

-Pas pour aller chez lui.

-La route ? Le train ?

-Oui, c'est possible.

-Il y a d'autres moyens mais tu ne me les dis pas !

-En effet. Tu as remarqué, il est très fiévreux...Il faut commencer par cela !

Lucas se sentit tout bête. Partir, Nicholas, dans son état de faiblesse ? Il fallait ne pas avoir de tête pour l'imaginant courant à la gare de Naples ou sur le port !

Mais peut-être que « partir », ça voulait dire autre chose ! Il y avait un autre moyen d'être remis aux siens...

Affolé, Lucas pensa soudain aux armes à feu que Stefano transportait et dont il leur avait appris le maniement. Ses armes étaient toujours rangées soigneusement et depuis qu'ils étaient arrivés dans cette grande ville ensoleillée, il n'en était plus question. On ne s'entraînait plus car le danger qui régnait dans les maisons isolées où ils avaient trouvés refuge n'existait pas ici. Lui, se servir d'un revolver, il s'en moquait mais Nicholas ? S'il lui prenait l'envie de chercher ça et là dans la maison, il le ferait...Stefano n'était pas toujours aux aguets et lui-même ne passait pas son temps à épier son jeune compagnon. Cette arme, il mettrait la main dessus. Eut-il été en pleine forme et très querelleur, il l'aurait braqué sur eux juste avant de s'enfuir, mais il était malade. Il ne les attaquerait pas, non...Il revit le visage amaigri et pâle de Nicholas juste avant leur fuite puis pensa à celui qu'il avait maintenant. Y avait-il une si grande différence ? Depuis qu'ils s'étaient enfuis, il ne pensait pas à la mort, Ah Thor le laissant tranquille. Mais cette même mort qui prenait ses distances avec lui talonnait son jeune compagnon d'errance. Allons, utiliser ce revolver pour quitter ce monde, ce serait un bon moyen d'en rejoindre un autre, plus paisible. Bien sûr, il se débrouillerait pour quitter la villa et se cacher quelque part d'abord et là, où il serait, il agirait...Lucas frémit. La vie en lui était si forte qu'il n'imaginait pas qu'on pût décider de la quitter. Depuis son départ, cependant, il avait mûri. Ce qu'il entrevoyait de Nicholas sonnait étrangement juste mais comme souvent, il s'aveugla. Il parla de nouveau au jeune guide italien qui parut trouver ces propos stupides.

-Il est prêt du but, comme toi.

-Le but est à Naples.

-Je n'ai pas dit ça.

-Alors, où est-ce ?

-Je réponds à ce type de question ?

Et en effet, il demeura muet.

Tout changea cependant et dès le lendemain, il eut rendez-vous avec Signorella. Il était prévu qu'il la rencontre plus tard mais Stefano ne pouvait quitter la belle villa du Pausilippe, à cause de l'état de santé de Nicholas. Ce serait donc cette femme qui entrerait en scène pour mener Lucas là où il devait aller.

  

21 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Caterina Signorella.

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A Naples où ils se réfugient, Lucas et Nicolas, deux enfants en fuite, font la connaissance d'une italienne, Caterina Signorella...

Grande, mince, assez belle, Caterina Signorella était médecin. Elle était brune et avait les yeux dorés. Son phrasé, lent et distingué, contrastait avec le débit rapide du jeune italien, le premier guide. Elle était napolitaine d'origine et son érudition, contrairement à celle de l'ange italien qui avait pris les deux garçons en charge, n'avait rien de factice. De Naples, elle savait beaucoup.

Ils commencèrent par marcher, comme Lucas l'avait fait précédemment mais cette fois, il n'était que deux. Naples restait pour lui une ville étonnante par sa beauté et sa vitalité. Il avait grandi dans une petite ville grise aux longs hivers et s’émerveillait des couleurs de la ville et l'omniprésence du soleil. La maladie l'ayant souvent contraint à mener une vie sédentaire, il s’étonnait des bateaux qui entraient et sortaient du port, que ce soit pour emmener les passagers dans les îles proches ou les conduire vers des destinations plus lointaines. Ainsi, le monde était vaste et il pouvait être parcouru. C'était là une belle nouvelle, d'autant plus précieuse que la présence du volcan, à Naples, rendait toute existence humaine plus précieuse...

Signorella ne reprit pas la visite là où Stefano l'avait laissé. Elle changea les axes. Ils alternèrent les errances dans les marchés où ils achetaient de quoi pique-niquer et les visites d'église ou de maisons de maître. Toutes n'étaient pas dans les guides et beaucoup signalées comme immuablement fermées au public ou encore ouvertes à des horaires si changeants que nul ne parvenait à les voir. Avec elle, rien de cela n'advenait. Ils découvraient des villas entières, fleurant bon le siècle précédent, des maisons-musées où s'étalaient des meubles magnifiques et où les armoires étaient encore pleines de vêtements. Dans les rues, elle lui montrait d'étranges crèches sous verre et de curieuses statues de la Madone veillant sur les carrefours et les habitations environnantes. Lucas était bien jeune pour saisir toute l’ambiguïté de cette ville où le paganisme et l'amour des délices terrestres le disputaient au catholicisme et à ses dogmes mais ce bouillonnement qui rendait Naples unique, il le saisissait. Qui des dieux du panthéon romain ou du Christ en croix l'emporterait ? C'était difficile à pronostiquer et surtout le vainqueur n'était jamais le même.

On pourra s'étonner qu'un enfant si jeune se plaise dans des églises aussi monumentales que celle de San Gennaro ou du Gesu Nuovo ou encore qu'il aime follement la chapelle Sansevero ! Mais il allait ainsi de Lucas car il trouvait dans ces lieux une célébration de la vie après la mort qui l'emportait. Il en aimait l'aspect théâtral et la grandeur et jamais il ne plaignait, questionnant sans cesse son élégante hôtesse napolitaine.

Il ne lui parut pas déplacé non plus de se rendre avec elle au cimetière de Poggioreale où il découvrit d'abord des marchandes de fleurs. Avec Signorella, il déambula longuement entre les tombes avant d'aller sous terre. Il est vrai que, dans ce cimetière, certains caveaux étaient aussi vastes que des immeubles de plusieurs étages. Il n'était donc pas surprenant qu'ils contiennent des salles souterraines voûtées dans lesquelles s'entassaient des crânes et des ossements. La plupart d'entre eux étaient encastrés dans les murs mais d'autres figuraient dans des sortes de boites. A première vue, l'ensemble était insolite que macabre mais l'enfant se dégagea vite de tout jugement négatif. La ville était immense et n'avait cessé de croître. Elle existait aussi dans l'antiquité. Aussi la mort y faisait-elle partie du quotidien des gens à cause du volcan certes mais aussi à cause de la multiplicité des invasions, des guerres et des conquérants qui, pour asseoir leur pouvoir, réglaient leurs comptes à leurs ennemis. Toute vie était précieuse et toute mort honorable. C'est ce que disait ce grand cimetière très fréquenté. Que l'on soit enterré « en haut » dans un beau cercueil et à une belle place ou que l'on soit « en bas » avec d'autres inconnus, réduit à la simple expression de son squelette, on avait le droit d'être en paix, heureux pour l'éternité et vénéré. Aussi Lucas s'y sentait-il heureux...

 

21 novembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Une ville à découvrir, un enfant qui s'enfuit...

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Nicolas et Lucas, deux petits fuyards, se réfugient à Naples chez une femme étrange, Caterina Signorella, mais l'un des enfants disparaît...

Caterina Signorella n'oubliait pas que, malgré tout, elle s'adressait à un enfant de douze ans. Elle lui faisait donc prendre le bateau pour aller dans les îles, errait avec lui sur le port pour manger du poisson et choisissait pour lui des plages populaires pleines d'enfants. Il y nageait avec délices avant de s'étendre au soleil. Il riait. Elle riait.

Les excursions devenant lointaines, il alla chez elle. C'était plus pratique, selon elle, pour aller vers les villes antiques que Lucas voulait voir et pour Capri aussi, où il voulait retourner. Quant au Vésuve dont il ne s'était pas encore approché, elle semblait en retarder la découverte sans lui fournir d'explication. Il ne lui en voulait pas car il l'adorait. Elle était tellement vive d'esprit et ouverte et sagace ! Qu'aurait-il voulu de plus ? D'autant que désormais, elle parlait de dormir sur place « pour mieux voir ». Elle connaissait des hôtels simples, loin du fracas touristique. Ils y seraient très bien.

A Capri, c'était une auberge tranquille tenue par une amie à elle qui ne recevait que si on lui plaisait. La nuit, l'odeur du jasmin était omniprésente. A Ischia, ils dormirent dans une maison prêtée, petite et toute blanche. A Pompéi, l'hôtel était au contraire bondé et bruyant mais plein de jeunes gens faisant un stage en archéologie. A Herculanum, c'était un bel hôtel huppé où tout le monde parlait à voix mesuré.

Lucas dormait d'un sommeil sans trêve après des journées de visite ou de vacances et de farniente. Signorella mettant en toutes choses une grande grâce, les petits déjeuners étaient copieux mais délicats, les repas délicieux qu'il s'agisse de pique-nique ou de ristorante plus cérémonieux et les dîners chaleureux. Elle lui apprenait beaucoup de mots en italien et n'omettait jamais de lui répondre sur ses demandes historiques ou archéologiques. Il adorait parler avec elle, le soir surtout, quand, à cause de ces cheveux noirs qu'elle avait, de l'ovale de son visage et de l'éclat doré de ses yeux, la Méditerranée lui paraissait si précieuse. Il en apprit beaucoup sur le monde grec et romain, la Naples médiévale, le passage des Français, des Allemands et des Espagnols, les raffinements du dix-huitième et les conséquences du Risorgimento. Naples s'ancrait donc bien dans l'histoire mais pour lui elle restait la terre des mythes. Comme Caterina Signorella s'en rendait compte, elle ne faisait jamais d'exposés purement didactiques mais les émaillait d'historiettes et d'anecdotes qui les rendaient plus humaines. Et elle mettait en avant les enfants du petit peuple de Naples qui, tous autant comme autant, avaient contribué à la grandeur de la ville....

Lucas aurait bien passé le reste de ses jours à contempler la maison des Vetii à Pompéi ou à visiter encore et encore la villa d'Axel Munthe à Capri car il en oubliait les raisons de son séjour avec l'énergique Italienne mais la réalité le rattrapa.

Stefano appela un matin alors qu'ils étaient chez Caterina. Nicholas avait disparu dans la nuit. Il était encore tôt et le jeune guide connaissait suffisamment la ville pour commencer ses recherches. Naturellement « le Plan » s'appliquait. A ces mots, Lucas bondit.

-Il est parti avec ses affaires ?

-Oui.

-Il t'a pris une arme?

-Oui, je crois.

-Pourquoi tu n'es pas inquiet ?

-Beaucoup vont le chercher.

-Comment ça ?

-«Le Plan »

-C'est quoi ?

Bien sûr, aucune réponse ne vint.

Sur le pied de guerre, il interrogea sa belle hôtesse. Celle-ci se montra encourageante. Nicholas n'était qu'un enfant. Il aurait vite peur. Quant à cette arme qu'il transportait, il serait certainement maladroit et laisserait entendre qu'il en possédait une si on l'inquiétait. Or, Naples était pleine de gens mal intentionnés. La Camorra y régnait. Un enfant solitaire, plutôt bien habillé et ne parlant ni l'italien ni le napolitain aurait tôt fait de se faire remarquer. Quelqu'un préviendrait la police si jamais il se trouvait en trop mauvaise posture et voilà tout...

Ce discours logique lui plut tellement qu'il se sentit rassuré. Du reste, Signorella l'emmena voir un spectacle de marionnettes qui l'amusa beaucoup. Au départ pourtant, il s'était estimé trop âgé pour ce genre de divertissement...

 

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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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