LUCAS ET KIRYLL. Monstres et épreuves dans la villa Ada.
Lucas et Nicolas se sont enfuis d'un hôpital pour enfants malades avec l'aide d'un jeune italien, Stefano. Celui-ci les conduit à la villa Ada, dans le nord de l'Italie. Là, chacun des enfants dooit parcourir plusieurs salles où il a des visions. Celles que parcourt Lucas le mette face à Ah Thor, l'image de la mort...
Aux quatre directions cardinales, il vit une image de lui-même. Il se découvrit d'abord possédé par Ah Thor à l'âge de quatre ans, quand il était tombé si malade et sentit triste. Il se vit combatif à l'école primaire quand il était dans une phase ascendante où il reprenait des forces. C'étaient là des images connues qui le rassurèrent. Les deux autres, par contre, le surprirent. Il avait une trentaine d'années, il était fort et semblait ne plus avoir aucun souvenir de son enfance marquée par la maladie. Son allure décontractée était sportive et séduisante. Il faisait signe à une jeune femme qui avançait vers lui. Tous deux étaient bien appariés. Des fiancés peut-être. Plus déconcertante encore était la dernière image de lui qui apparaissait. Il avait plus de quarante ans et parlait des déserts lointains, des savanes et des océans où étaient en péril des animaux fragilisés, des mammifères, des poissons et des crustacés. Il parlait simplement, non comme l'administrateur d'une grande société mais comme un explorateur qui veut alerter les foules. Portant une chemise beige et un pantalon kaki, il avait au pied des chaussures de sport et au poignet un de ses grosses montres qu'on imagine à ces vainqueurs de la brousse ou à ses habitués des océans. Il parlait, il parlait et sa voix était d'or. Il savait galvaniser.
Lucas comprenait mal. Devait-il rejeter l'enfant malade pour adopter l'enfant en bonne santé alors que rien ne l'assurait qu'il était guéri ?
Devait-il choisir un chemin de vie : la vie tranquille ou la vie trépidante ? Lui demandait-on de ne défendre aucune autre cause que le bonheur personnel ou au contraire de partir en croisade pour la cause animale en parcourant les terres et les mers ?
Le temps lui étant compté, il porta un regard admiratif sur le quadragénaire charismatique sans avoir le temps de se demander si un jour il serait vraiment lui.
Des images multiples de catastrophes naturelles, de pollution, de destructions dues à la cupidité humaine l'assaillirent. Dauphins agonisants, gorilles maltraités, lions tués, animaux domestiques abandonnées défilaient. A peine en prenait-il connaissance que d'autres lui succédaient : volcans en éruption, centrales nucléaires défaillantes, sols toxiques, produits agricoles dénaturés et dangereux, montagnes de nourriture, montagnes de plastiques, paysages brûlés, désertifiés...
Ce fut lui qui recula, avant même que le flot d'images ne se tarissent. Il cria qu'il préférait l'explorateur et comme, à ces mots, le hublot s'obturait, il pensa avoir fait un choix judicieux.
Restait l'épreuve de la statue. Elle lui semblait moins inquiétante mais il restait méfiant. C'était à tort car elle s'était dématérialisée. Elle n'existait plus que dans son esprit où elle demeurait, telle une belle œuvre d'art qui tirait l'admiration. Il ne lui restait plus qu'un pouvoir esthétique.
-Il y aura encore des visions et des épreuves !
Lucas s'armait, chaque hublot dans la salle devant s'ouvrir. Il ne savait pas encore qu'il se trompait.
Une nouvelle fois, il se trouva face à une ouverture dans le mur. Celle-ci, protégée par un verre épais, s'emplit à sa grande surprise d'un liquide rougeoyant qui, par sa densité et son intensité, évoquait de la lave. Au sein de cette masse en fusion, se formeraient, il l'attendait, de nouvelles visions qui l'éclaireraient plus encore sur les choix qu'il devait faire. Lucas attendit longuement, fasciné par ce grand embrasement, ces coulées et ces vapeurs mais rien d'autre n'eut lieu que ce fabuleux spectacle de la lave aux couleurs changeantes. Il resta là, ne voulant se détourner ni montrer une quelconque déception jusqu'à ce que le volet se fut refermé. La pièce redevint toute claire et il comprit non seulement que le spectacle auquel il venait d'assister ne recevrait aucune explication mais aussi qu'il n'y en aurait plus d'autre. Il resta encore longuement immobile au milieu de la salle, près de la table laissée vide puis il sortit et retrouva le salon. Comme il n'y retrouvait pas Nicolas et ignorait quel avait été le parcours de ce dernier, il préféra ne pas s'éterniser dans un décor qui l'intimidait et, rejoignant résolument le hall d'entrée, il gagna le jardin.