Battles. Partie 2.
A Stockholm, Paul fut reçu par quelques hommes politiques, un ministre et un petit nombre de journalistes à qui il parla. On le logea dans une maison de maître d'un quartier périphérique où ses hôtes furent très déférents. Il visita la ville, sous bonne escorte et on lui adjoignit un chauffeur et un guide. Ce dernier se trouva être d'un blond commun en Suède mais trop évocateur pour Paul qui préféra écourter les visites sous couvert qu'il était encore fatigué suite à sa troisième opération. Personne ne commenta mais on céda.
Peu avant de s'envoler pour Londres, il revit le chirurgien qui l'avait opéré du cerveau. Celui-ci choisit la franchise :
-Vous savez, j'ai paru très sûr de moi mais ce que j'ai fait était si expérimental ! On vous avait déjà enlevé des implants dans le cerveau et les organes génitaux et j'ai été surpris de devoir vous opérer à nouveau. Des analyses nous ont montré que nous n'avions que partiellement réussi. Vous restiez partiellement sous contrôle...
-D'où la nouvelle intervention...
-Oui. Vous savez, je suis à la fois horrifié et admiratif. Comment des chirurgiens opérant dans une prison lointaine peuvent-ils parvenir à un tel degré de sophistication ? Je vous assure que ce qu'ils ont fait demandait un savoir-faire exceptionnel...
-Mais tout est bien désormais, non ?
Nikvist parut gêné.
-Cela peut paraître peu médical, monsieur Kavan, mais je n'en suis pas certain. J'ai pensé à un autre type de marquage...
-Inopérable.
-Oui, monsieur Kavan.
-Psychique ?
-C'est ce que je suppose. Vous seriez désireux d'agir avec droiture et tout d'un coup, vous tiendriez des propos irrecevables ; vous commettriez des actes répréhensibles que, bien sûr, personne ne comprendrait...Et sur le plan sexuel, vous auriez des phases où, disons, vous retrouveriez la sexualité que vous aviez auparavant pour en adopter où vous agiriez très différemment...
Le médecin se racla la gorge et baissa les yeux.
-Je voudrais le bien et ferais le mal alors que je ne le veux pas ?
-Vous savez, c'est une idée qui me taraude. Ça pourrait ressembler à cela, oui.
Paul parla avec sagesse.
-Je comprends. Ne vous inquiétez pas. Le suicide m'est toujours apparu comme le refuge des lâches mais j'ai eu un père philosophe qui ne pensait pas de même et citait des textes à l'appui. Vous me parlez de phases de normalité qui seraient suivies d'autres, totalement incohérentes...
-Par recoupements, oui je vois venir cela.
-J'ai recouvré ma mémoire. Je suis de nouveau doté d'un sens moral. J'aviserai.
-Vous aviserez ?
-Oui, vous m'avez compris !
-Ne pensez-vous qu'à cette seule solution ?
-Non, bien sûr que non car j'espère ne pas être réduit à cette extrémité. N'ai-je pas été Battles ?
-Si ; donc vous combattrez.
-Je combattrai.
-Vous avez mon estime et mon admiration, monsieur Barne.
-Merci. J'en ai besoin ! Et puis n'oubliez pas !
-Quoi ?
-J'aime la liberté.