Battles. Partie 3. Clair obscur.
5. Eva, Kalantica et préparatifs de départ.
Paul séjourne toujours à Bath et consulte le docteur Shieffield, qui est psychiatre. Celui-ci le sonde toujours sur sa relation à son défunt instructeur en prison. Pour Paul, celui-ci n'est pas vraiment mort. Il frappe encore. Eva, la traductrice et amante de Paul, meurt sordidement; mais le grand roman de Paul sur l'echec de toute dictature, paraît. Il s'agit de "Kalantica."
Paul retourna à Bath. A la clinique, il vit Sheffield.
-Je vous ai dit aller quelques jours à Londres pour en finir avec lui.
-C'est exact.
-Il s'est présenté à moi, m'a tourné en dérision, m'a tenté aussi et j'ai tiré. Il manque quelques balles dans mon revolver. Il n'a pas été très long à quitter ce monde. Il a eu l'air surpris jusqu'à la fin.
-A l'hôtel ? C'est là qu'il s'est montré ?
-Dans la chambre que j'avais retenue, oui...
-Et vous êtes là, si libre ?
-On est venu au début mais ensuite, non. Je n'ai pas dû faire beaucoup de bruit...
-Tout de même ! Le corps n'a pas été découvert ?
-Il a disparu. Je veux dire, après le meurtre, je suis sorti prendre l'air. A mon retour, la chambre était intacte. Il savait que j'allais tirer. Il a laissé faire.
-Pourquoi ?
-La force peut naître de la faiblesse et les mots peuvent beaucoup...Celui que j'ai vu était vraiment celui de la prison, glaçant, impérieux, du moins au début. Il fallait que je le tue car dans mon roman, c'est un personnage fort.
-On dirait que ça vous a semblé facile...
-En effet. Il ne pouvait que demander à disparaître pour pouvoir sans doute être mythifié ensuite....
-Admettons, Paul mais tout de même ! Vous me l'avez présenté comme le prototype du fasciste. Et c'était facile...
-Il n'était plus si cohérent. Moins insinuant, moins puissant...Du reste, il s'est laissé surprendre. Et puis, à un moment, la pièce était pleine de brouillard. Je sais, cela peut paraître bizarre...
-Ce qui est important, c'est de savoir si vous, vous trouvez cela bizarre.
-Oui. J'avais le dessus. C'était comme s'il n'avait plus la même vitalité, comme s'il se caricaturait lui-même aussi...
-Et c'est tout.
-Non. Le corps a disparu, le revolver aussi. Ce fasciste, moi, j'ai été capable de tuer ! Je ne pensais pas avoir un pouvoir de mort sur quiconque mais je l'ai eu sur lui. Sa peau blanche qui luisait et cet objet...
-Un objet ?
-Oui, un objet sexuel, un phallus de petite dimension...Je vous l'avais montré. Il l'avait avec lui ce jour-là.
-Le signe du rapport sexuel que vous alliez avoir ...Son unique arme...
-Non, il avait un revolver.
-Vous ne m'avez pas vraiment répondu, là...
-Non.
Paul se tut et regarda Shieffield Celui-ci était plongé dans ses pensées...
Sa formation de psychiatre lui avait appris à accepter le matériau brut que lui livrait un patient pour ensuite le retravailler avec lui. Ici, Paul parlait d'un mort qui devait être tué une seconde fois, d'un redoutable tueur qui commettait des bévues surprenantes et d'un meurtre qui n'attirait pas l'attention alors qu'il se déroulait dans un lieu public. Et c'était sans parler d'un cadavre qui se volatilisait, de documents secrets qui entraient brusquement en sa possession et de deux émanations du même personnage crucial qui se volatilisaient.
Paul racontait avec force et ne se coupait jamais. Il revenait de lui-même sur un point qui lui semblait confus et mêlait, sans y voir de contradiction, les événements naturels et surnaturels. C'était cette cohérence et cette force qui impressionnaient le psychiatre et lui faisait défendre la position de son patient. Le meurtre de l'instructeur ne pouvait être que symbolique et le lien de celui-ci avec les deux disparus du Kent flagrant pour l'unique Paul. Ces documents exceptionnels qu'il mettait en avant devaient provenir d'une autre source. Quant à ces femmes avec qui il avait eu des liaisons, il n'avouait son ambivalence avec elle que pour charger davantage l'instructeur.