Battles. Partie 4. Paul en visite au château d'Estralla.
-Il faut venir les voir.
-Au château d'Estrella ?
-Oui, je vous y accueillerai avec bonheur ! Il vous suffirait d'y arriver un vendredi après-midi et d'en repartir le dimanche assez tard...
Paul ne put s'empêcher de rire.
-Madame Egorff, dans les six mois à venir, mon agenda est plein. Je continue même de travailler chez moi le samedi et le dimanche !
-Ils méritent que vous veniez ! C'est important.
Elle argumenta encore et au sortir de leur entretien, il n'était plus si catégorique. Que se passait-il donc là-bas qui méritait qu'il y aille ? Car il n'en doutait plus, il irait...
C'était encore l'hiver quand il l'appela pour fixer une date. Il monta dans une voiture avec chauffeur, accompagné d'un garde du corps. Un premier rendez-vous était fixé sur une zone de chantier où Magda faisait ériger une nouvelle demeure. Personne ne s'y trouvait. Celle qu'il devait rencontrer étant injoignable, Paul, après avoir attendu, reprit sa route. Bientôt, la voiture noire roula dans un froid minéral traversé par un soleil qui annonçait le printemps. On sortait de l'hiver ambranien, saison où tout semble se paralyser. Rien de semblable en Angleterre où il n'arrive jamais qu'on soit à ce point contraints de déblayer la neige...A l'entrée du château, de hautes grilles s'ouvrirent et Paul pensa à ces contes pleins de sortilèges qu'avait écrits Magda des années auparavant. Il fut charmé par la façade du château. Une folie dix-huitième si gracieuse avec ses pierres bicolores ! Il s'attendait à être accueillie par la maîtresse des lieux mais une femme de chambre prit son sac de voyage et l'installa à l'étage dans une chambre somptueuse, tendue de bleu pâle. Quel roi était-il ?
Surprise, la gouvernante des lieux regarda tour à tour le garde du corps, le chauffeur et cet homme important qui arrivait là et s'écria :
-Madame est sortie. Elle ne devrait pas en avoir pour longtemps...
-Mais...
-Elle va vite revenir.
-En ce cas, je préfère attendre en bas.
On guida chauffeur et garde du corps vers les cuisines. Paul demanda du thé qu'on lui apporta très chaud avec des pâtisseries qui lui rappelèrent celles que sa mère lui offrait quand il était tout jeune, à Marembourg. Comme personne ne venait, il regagna sa chambre. Elle était chaude et confortable. Ragaillardi, il voulut redescendre au ré de chaussée car il lui semblait y entendre la voix de son hôtesse mais une fois sorti de sa chambre, il trouva le couloir ombreux plein de mystères et eut envie de le parcourir. Les portes avaient beau être fermées, on vivait là bien qu'il n'entendît aucun bruit. Parvenu au bout du corridor, Paul constata qu'à l'encontre des autres, un appartement était visible. La porte en était ouverte et il découvrit un grand salon tendu de jaune. Derrière un canapé, une porte s'ouvrait sur une pièce tendue de blanc et nantie d'un piano à queue. Des partitions étaient posées çà et là sur des commodes et des consoles en bois précieux, de grande valeur. Il y avait une chambre aussi, précieusement meublée et dans un ordre relatif. Un lit à baldaquin en occupait une partie et un lustre en cristal pendant au plafond. Tout y était exquis des miroirs ciselés aux tableaux de maîtres...N'entendant personne, Paul s'y attarda, curieux de savoir qui pouvait y vivre puis il entendit du bruit dans la salle de bain. Il aurait pu faire machine arrière mais sa curiosité fut la plus forte.