Battles. Partie 2. Angleterre. Paul et son fils Colin.
Ce n'était pas le moment de dire à Colin qu'il n'était pas sûr de vouloir rentrer un jour...Son garçon était pudique. Il ne prenait pas certains sujets de front, la prison par exemple et la détention pour motifs politiques. Son père devait avoir des séquelles de son passage à Étoile. Les services secrets américains étaient de mieux en mieux renseignés sur ce qu'on y faisait subir aux détenus et il avait eu accès à quelques dossiers. Mon Dieu...Comment avait-on traité son père !
-Tu te sens en sécurité à Londres ?
-J'ai une belle petite amie...
-Père, je ne plaisante pas.
-Il n'y a que quelques mois que je suis ici et tu l'as dit, je suis un exilé. Je fais attention à qui je vois et je n'accorde d'interviews qu'à certains magazines. Pour le reste, je vis dans un immeuble sécurisé, mon appartement est sous alarme et j'ai une arme. J'ai appris à tirer.
-Tu n'es pas inquiet ?
-Non. Je devrais l'être sans doute.
-L'Ambranie a une représentation diplomatique en Angleterre, n'est-ce pas...
-Oui. Je crois comprendre ce que tu essaies de me dire.
-Jamais de courrier bizarre, de rencontre ?
-J'ai été abordé à mon arrivée par d'autres ressortissants ambraniens qui voulaient frayer avec moi, me convoquer à leurs dîners et me faire adhérer à ce je sais quelles associations...Mais j'ai fui. Une sorte de prémonition...A cause de mon arrivée peu classique en Grande Bretagne, j'ai pensé qu'il ne fallait pas rejoindre un groupe de ce type ou un autre. Je reconnais que pour eux, ça a dû être vexant...
-Peut-être mais c'est sage.
Paul n'épilogua pas mais il rassura son fils :
-Je sais ce qui m'est arrivé. Si je dois me défendre, je le ferai. Mais changeons de sujet, veux-tu ? Parle-moi de Lisa.
-Elle est restée à Boston, je la vois beaucoup moins. Je sais que vous êtes contactés plusieurs fois et qu'elle projette de venir te voir. Elle a vingt-trois ans, tu vois, et a n'a pas encore terminé son cursus en médecine mais elle est amoureuse et veut se marier. Elle devait venir en même temps que moi mais a différé...
-Qui est l'heureux élu ?
-Un médecin chef d'un hôpital où elle a fait un stage. Je l'ai vu plusieurs fois.
-Et ?
-J'ai du mal à en parler. Un quadragénaire un peu bourru, à cheval sur son boulot...
-Bon mais il y a autre chose : Lisa est fâchée contre moi.
-Elle avait à peine quinze ans quand on est arrivé en Amérique. Elle t'adorait et elle a mal vécu que tu la fasses partir. Elle ne voulait pas être séparée de toi et elle l'est depuis des années. Maintenant, elle se demande qui tu es.
Paul soupira.
-Et elle se sent très américaine...
-C'est clair. Mais elle viendra.
-Vraiment ?
-Oui, père et moi aussi, je reviendrai.
Cette conversation était lourde mais elle lui donnait de l'espoir. Il avait retrouvé Lisbeth et Colin. Il retrouverait Lisa.
Et en effet, elle vint. Son frère l'accompagnant, elle tenta de faire bonne figure. Paul avait laissé derrière lui une adolescente mince aux cheveux blond-roux ; il retrouva une jeune femme aux formes pleines et aux cheveux courts. Elle avait les mêmes yeux que Lisbeth et bien des traits de son caractère dont l'irritabilité. Ses débuts aux États-Unis avaient été difficiles mais comme elle aimait les études, elle s'était posée des défis et s'en était bien sortie. Cependant, dès qu'il s'agissait de ses parents biologiques, elle restait farouche, leur préférant John et Mary Frankenheimer, ceux qui les avait accueillis au départ, Colin et elle.
-Tu vas bien ?
-Oui, père.
-C'est difficile pour moi-aussi, tu sais. Tu as tellement changé !
-Au point que tu ne peux pas me reconnaître, n'est-ce pas ?
-Mais Lisa, si je te reconnais. Il y a une distance entre nous...
-Une grande distance.