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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
6 avril 2024

Battles. Partie 3. Il s'appelle Marius Winger.

 

159070

-Le plus important à mes yeux est ma femme dont je suis resté séparé pendant des années et dont je devais divorcer. Et j'ai des collègues journalistes qui sont de bons amis. Il y a aussi mon fils qui est en Amérique et qui est régulièrement en contact avec moi. Il me rend visite aussi.

-Vous êtes arrivé ici plein d'espoirs : que vouliez-vous ?

-Dès que je suis arrivé ici j'ai voulu que ma vie serve l'Ambranie. Pas celle qui existe aujourd'hui mais celle que je voudrais voir revivre. Je me suis engagé dans ce que j'ai écrit et j'ai attaqué une dictature. Le fait que j'ai parlé m'a attiré des soutiens mais aussi des inimitiés. J’ai fait beaucoup de rencontres et notamment celle de deux femmes. J'ai eu une liaison charnelle avec l'une et amoureuse avec l'autre. Dans le second cas, j'aurais aimé que notre relation se poursuive mais elle est compromise.

-Deux liaisons donc...

-Oui. Ma femme est arrivée en Angleterre avant moi. Sans être divorcés, nous sommes éloignés l'un de l'autre après des années de séparation forcée. Je ne vivais plus rien d'intime en tant qu'homme, je voulais retrouver cela : l'approche, l'émotion, le désir, l'inclination...

-Et qui avez-vous rencontré d'abord ?

-Une jeune anglaise Daphné. Elle est très séduisante et je me suis attachée à elle. Elle vient d'une famille aristocratique apparemment très artiste. Voyez-vous, je suis tombé sous son charme mais quand il fallut traduire Kalantica, j'ai travaillé avec une traductrice avec qui j'ai eu une liaison soudaine, très charnelle.

-Vous vouliez peut-être vous rassurer.

-Non car j'ai heurté Daphne en ayant une aventure avec cette femme étrange. Ça pouvait être du vaudeville mais hélas, non. Tout était très violent. J'éructais, commandais, possédais...

-Cette traductrice aimait cela ?

-Elle était demandeuse mais c'était une situation forcée, artificielle...

-Et cette jeune anglaise a saisi que vous la délaissiez ?

-En un sens. J'ai cherché à rester le même avec elle mais elle est devenue défiante.  Je l'ai accompagnée chez ses parents, dans le Kent et elle s’y trouve bien.

-Fort bien ! Et ? 

-Je suis inquiété par un personnage qui sort tout droit de mon passé carcéral en Ambranie. C'était mon rééducateur en prison ou tout au moins son sosie.

-Il vous inquiète vous ?

-Il me nargue et atteint les autres. C'est à cause de lui que j'ai heurté Daphne en allant vers cette autre femme qui aime être dominée. Elle est étrange. Elle aussi, je pense, est manipulée.

-Elle vous a fait penser à d'autres femmes ?

-Eva, par sa dépendance, m'a rappelé des jeunes filles qui étaient prisonnières à Étoile. On les contraignait à se prostituer, ce qu'en temps normal, elles n'auraient jamais fait. J'étais conditionné, je les contraignais, je leur faisais du mal en fait.

-Et ce « fantôme » aurait fait en sorte que vous rapprochiez de cette Eva qui, elle-même, était sous influence...

-Oui, je vous l'ai dit.

-Vous avez obéi et l'avez maltraitée...

-Je vois les choses ainsi.

-Et l'autre ? La jeune anglaise qui vous plaisait...

-Il la suit de temps en temps ou plutôt ils la suivent. Et ils l'ont agressée dans le parking privé de son immeuble.

-Ah, ils sont deux !

-L'un ressemble à mon instructeur car il est grand et blond et l'autre non. On dirait un jeune turc. Ils ont la trentaine.

-Anglophones ?

-Ils ont un accent allemand.

-Mais vous, ils vous atteignent ?

-J'ai reçu des menaces sur mes comptes internet, ce qui n'arrivait pas avant. On fait de moi des portraits déplaisants. J'étais un porte flambeau, je deviens un sujet ambigu.

-Mais pas d'agression physique ?

-Non. Des messages privés.

-Sur votre ordinateur ?

-Non, glissés sous ma porte ou laissés à la réception d'un hôtel. Rien de manuscrit.

-Qui les signe ?

-Personne.

-Mais vous savez de qui ils viennent.

-Absolument.

Sheffield se tut et Paul reprit avec élan :

-Faut-il vraiment que je parle ? C'est le discours d'un fou...

Le psychiatre fit un signe de tête négatif. Paul reprit :

-Écoutez :  quand j'étais en Ambranie, c'était clair. J'étais un dissident et la police secrète voulait m'arrêter. Elle y est parvenue et on m'a jugé. On m'a envoyé à Étoile et là, on m'a rééduqué. J'allais devenir une sorte de machine apte à louer les qualités d'un dictateur. J'aurais été l'un des chantres de ce régime. Mais l'instructeur qui m'a décérébré est mort lors de mon transfert à Dannick car des partisans m'ont libéré. Or, sans que je sache comment, il est là de nouveau, il œuvre.

-Cela, je l'ai compris. Mais la vraie question est pourquoi ? Vous le savez ?

-Car justice n'est pas faite. La sienne, du moins. Alors il agit et il m'influence. Il fait surgir le mal en moi. Et pire, il me porte à croire dans certains cas que c'est une marque de fabrique. D'où mon retrait professionnel, éditorial et je le crains bien, amoureux.

-Une chose me surprend et je vais vous dire laquelle. Quand on identifie quelqu'un, on le nomme. Vous ne le faites pas. Dire son nom est difficile ?

-Oui.

-Oui ? Alors, vous ne le ferez pas ?

Paul soupira.

-Je ne peux pas abandonner. J'ai encore un livre à publier. Le plus fondamental sur ce régime de terreur qui détruit mon pays.

Le psychiatre hocha la tête. Il appréciait Paul.

-Quel en est le sujet ?

-Le système carcéral à Étoile. Je l'ai déjà évoqué mais là, c'est un roman. La figure centrale est celle de l'instructeur.

-Bien ! Revenons à notre sujet : comment s'appelait cet instructeur ?

-Je n'aime pas dire son nom.

-Mais vous vous le répétez mentalement...

Paul ne put qu'apprécier la sagacité du psychiatre.

-Bien, d'accord. Il s'appelle Markus Winger.

-Il était jeune, vous dites ? Ou dois-je dire il est jeune ?

-Il a vingt -sept ans.

-Et celui de Londres, quel est son nom ?

-Je ne sais pas. L'autre non plus.

-Vraiment ? Vous ne pouvez nommer ni l'un ni l'autre ?

-Non.

-Mais si par exemple, vous interrogiez votre instructeur-car il l'est toujours à ce que je comprends- il vous donnerait ces noms ?

Paul parut gêné.

-Il me les donnerait.

-Eh bien, posez-lui la question.

-Non, je ne peux pas.

-Pourriez-vous me dire pour quelle raison ?

-Je crains que la situation ne se durcisse encore...

-Alors, vous ne dites rien pour ne pas le froisser.

Paul resta sans répondre. La sagacité de Shieffield le confondait.

 

 

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