Battles. Partie 3. Paul à Bath. Un présent étrange.
Le cadeau était un phallus doré qu'on ne pouvait utiliser comme objet sexuel car il était de petite taille. Paul le montra à Sheffield.
-C'est elle qui vous rend hommage ou c'est lui ?
-C'est lui.
-C'est assez cru.
-C'est un homme jeune, brutal et direct.
-Un tentateur.
-Je dirais plutôt que c'est un monstre. Ne me dites pas que c'est un modèle.
-Il en a été un.
-Mais plus maintenant.
-Il veut être votre champion.
-Et moi, le sien ?
-Vous le voyez bien. Vous vous souvenez du roman de Henry James « Le Tour d'écrou ? »La gouvernante qui imagine que les deux enfants dont elle a la charge sont envoûtés par des domestiques disparus. Il y a un envoûtement...
-Oui, cela est certain. Mais il y a plus que cela. Il y a une dimension du fascisme qui est bien réelle. En eux. En lui.
-Et maintenant ?
-L'affrontement vient. J'ai déjà pris des cours de tir. C'est un tireur d'élite, lui, mais je ne ressens aucune peur.
Voilà qui changeait Sheffield de ses patients habituels, malheureux de leurs amours, de leur enfance, de leurs divorces et tous strictement anglais...Paul était un aventurier à ses yeux et il ne souvenait pas d'en avoir rencontré un d'aussi haut en couleur. Aussi les semaines suivantes prirent-elles vite une couleur particulière. Il ne pensait plus qu'à un nouvel écrit sur le fascisme et l'éducation des esprits. La maladie et cette mise à l'écart volontaire clarifiaient ses choix. Il se tendait plus que jamais vers son pays. Plus vite il écrirait, plus vite il se confronterait...
Quand il revit Sheffield, il lui dit.
-J'avais pensé à un essai bref sur la rééducation ; je vais modifier mon projet.
-Quel sera t'il ?
-Je vais écrire un roman et mettre face à face le détenu et le rééducateur. C'est le premier qui l'emportera. Je pense à une fresque sur mon pays...
-C'est ambitieux. Qu'en pense votre épouse ?
-Oh, quand elle vient, elle me questionne. Elle trouve mon idée plutôt bonne.
-Sait- elle à quoi ressemble Markus Winger ?
-Oui. Elle a vu une photo.
-Pas moi.
A la séance suivante, Paul la lui montra.
-Il est mort.
-Oui, docteur.
-Et vous êtes face à lui.
-Il m'a rééduqué.
-Mais vous allez continuer d'écrire votre livre. Il le sait, bien sûr.
-Oui.
-Il vous parle.
-Oui.
-Je lui ai demandé où il était. Une feuille pliée en quatre et une enveloppe doublée de rouge. C'est un code entre nous.
-Il a répondu ?
-Oui. Il a dit qu'il était juste là.
-Je peux voir ?
-Naturellement, docteur.