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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
22 août 2022

George D. Celui qui meurt. Partie 1. Cette vie qui est passée...

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George et la fin de Wham

Andrew et moi, on a été d’accord pour cesser de former un groupe alors même qu’on était au sommet ! Du jour au lendemain, on a annoncé une série de concerts d’adieux. Je crois qu’Andrew a pris ça pour un coup de marketing. Voilà, on se mettait en pré-retraite à vingt-quatre ans et quelques mois plus tard, on renaitrait de nos cendres avec, qui sait, un coéquipier fraîchement rencontré. Il avait tort. « Wham », c’était lui et moi, le souci étant que je faisais tout ou presque. Les mélodies, les paroles, les arrangements, les orchestrations, autant ne pas se leurrer, c’était toujours moi. Lui, il avait de bonnes idées pour des clips, des apparitions télé, de nouveaux concerts à négocier. Pour les premières de couvertures où on portait des tenues invraisemblables, il n’avait pas son pareil. Ça ne suffisait plus. Je voulais une carrière en solo. Il a eu l’intelligence de le comprendre et jamais il ne m’en a voulu. « Wham », c’était fini pour nous mais au téléphone, des années durant, il m’a chanté « Club Tropicana » chaque fois qu’on s’appelait. Il le faisait sans nostalgie, en vrai pote d’adolescence. Seulement, le mienne comme la sienne était finie et seul, je traçais une route pleine de disques d’or et de record à l’audimat…

J’avais commencé à changer d’apparence. Ma voix s’était modifiée et bien sûr mon répertoire. Pour l’ambiguïté, je n’ai rien fait. J’ai continué de donner le change parce que le travestissement en Angleterre, pour peu qu’on observe certaines règles, ne choque pas tant que cela et la beauté physique non plus, même si, à certains signes discrets, on voit qu’elle n’est pas strictement hétérosexuelle.

Des années et des années de carrière…Je vends toujours mais moins qu’au moment où j’étais « glamour » ... Je n’ai jamais été sans angoisse, j’étais très introspectif mais très jeune, je n’en souffrais pas, pas plus que je n’étais gêné de des « uniformes » divers dans lequel je chantais et de tous les sous-entendus qui s’y accrochaient. Ce doit être ça vieillir, perdre cette facilité à livrer une image légère, se mettre à la contrôler absolument avant de la sentir vous échapper, se rendre compte qu’on a mis trop longtemps à ne plus mentir.

La vie passait. Il y a des moments où je ne pouvais plus rien faire, d’autres où j’étais malade et d’autres enfin où je retrouvais cette merveilleuse créativité des premiers temps, comme si rien ne m’était arrivé. J’étais toujours contacté. Je signais toujours des contrats. Je vivais plus ou moins bien…

Il y a six mois, j’ai commencé à rêver du trou noir dans lequel nécessairement je tomberais parce que revenaient dans ma vie les incontournables enfermements de la dépression et que j’y ajoutais mes vieux amis : les comprimés, les pilules, les poudres et les verres d’alcool. Il n’y avait rien à fuir, bien sûr, mais plus grand-chose à affronter non plus. J’avais connu le star système, les joies et les peines d’un succès planétaire ; j’avais menti sur mon identité sexuelle avant de m’éveiller enfin à ce que j’étais et de le revendiquer. J’avais connu la chute dans les sondages et le silence des médias puis tout d’un coup leur réveil et ma renaissance. Et puis j’avais connu l’amour et la perte. Il y a temps où comprend que tout est irrémédiable. On peut continuer de faire le singe, bien sûr et puis quoi ?

Paul a essayé de me faire parler mais j’ai esquivé, ce qui n’était pas simple. Beaucoup de mes vrais amis étaient morts et j’en avais de nouveau, auxquels je n’ai rien dit. Mes sœurs étaient devenues lointaines malgré l’apparente bonhomie des relations qu’elles avaient avec moi. Mon père s’était remarié depuis longtemps déjà et Lesley était défunte. La danseuse morte.

Fin novembre, l’étouffement est venu. J’ai traîné quelques jours seul et j’ai beaucoup bu. Je ne sortais pas. Je laissais des mots à la femme de ménage pour qu’elle sorte Carey, ma chienne Labrador mais j’évitais de la croiser.

Mi- décembre, je suis parti à Heathrow en laissant derrière moi mon ordinateur et des dossiers bien en ordre. J’ai payé mon aller pour la France en liquide. British Airways. Je n’avais qu’un sac de voyage. L’hôtesse de l’air, quand je lui présenté ma carte d’embarquement à l’entrée de l’appareil, m’a souri d’un air entendu. Elle m’avait reconnu. Quand même…

Je n’ai laissé aucun message à Paul. Pourquoi m’étais-je mis à le détester ? J’ai agi de même avec mes deux sœurs. Il ne faudrait pas que je les laisse trop longtemps dans l’incertitude lui comme elles…

Quand l’avion a décollé, j’étais enveloppé dans un désarroi si profond que rien ne semblait pouvoir l’endiguer. Et puis, j’ai entendu la voix de A. J’en ai été totalement bouleversé. Cela faisait si longtemps ! Elle était douce, cette voix et attentive. Un Brésilien qui parlait anglais avec un léger accent…

Je sais, tu ne vas pas bien. Tu es dans un cercle aussi : tout ce que tu avales, tout ce qu’on te vend…George : tu as raison de t’en aller. Tu vois, tu es si prisonnier de toi-même que quand bien même je continuais à te parler, tu ne m’entendais pas. Maintenant, ton âme s’ouvre. Va dans le sud, ne reste pas à Paris. Comment je sais cela ? Tu te le demandes ? J’étais ton ange et je le reste. Je sais. Ils ne te laisseront pas seuls, tu verras…

Intérieurement, je l’ai tancé. Que me disait-il là ? Il était mort depuis si longtemps…

J’ai toujours veillé sur toi.

C’est faux.

C’est vrai. Tu penses que tu vas à Paris car tu es à bout et que c’est là que tu as su pour moi…Tu feras ce qui est à faire. Tu peux avoir ce courage, j’en suis sûr. Mais non, écoute, c’est non. Tu ne dois pas céder à la tentation de venir me rejoindre. Ce n’est pas le moment. C’est trop tôt, George. Pas comme ça. Va dans le sud. Laisse-toi guider. Je suis ton ange…

Ce que j’avais à dire, je l’ai dit. Ne me fais le coup de mes chansons, de ma musique et de mon œuvre…Qu’est-ce qu’il reste ?

L’amour qu’on a pour ton œuvre. Tu es fatigué alors tu te rends plus compte que tu es aimé pour ce que tu as su leur dire, pour ce que tu as déposé dans leurs âmes. Ils t’aiment et ces jeunes gens que tu vas rencontrer, ils vont t’aimer aussi. Courage, George. Ton ange va suivre cela de près. Tu ne tomberas pas.

N’est-ce pas déjà fait ?

Ah, tu dis ça car je ne te parlais pas si souvent…Non, non, ce n’est pas fait. Il y a tant de bruits, de gens autour de toi mais tu es debout, Georges, tu sais ça ?

Non.

Si. Ils te le diront.

J’ai ravalé mes larmes.

 

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