ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 1. Car il est amoureux, mais pas de moi...
Isée, jeune enseigante, est fascinée par Philipp Hammer, l'Américain à qui elle donne des cours. Elle va inventer pour lui un troisième portrait de femme américaine.
-Pas totalement. En fait j’écris une sorte de roman sur un peintre qui est un faussaire. J’y passe trois heures chaque matin. Je ne peux pas dire que je suis très content pour le moment mais je pense que je vais y arriver.
-Qu’est-ce qui est difficile ?
-Le personnage principal s’appelle Anthony Gilbert. Il est tellement antipathique ! Il fait des faux extraordinaires et il a déjà fait de nombreuses…
-Escroqueries ?
-Oui, c’est le mot. Il y a des années qu’il gagne beaucoup d’argent avec de parfaites copies de Gauguin, Renoir, Van Gogh ou encore Braque et Picasso. Mais là, il est au point où il va se faire prendre…
-Il peint moins bien ?
-Non. Seulement il se méfie peut-être moins et il n’est pas le seul sur terre à être intelligent…On est déjà sur…
-Ses traces.
-Oui. En fait, je ne veux pas en dire plus sur ce roman.
-D’accord. Je peux vous poser une question personnelle ?
-Oui.
-Êtes-vous seul ?
-A Paris, oui. A New York, non. Il fait de la musique. On s’est disputés et j’avais besoin de respirer…Il avait cet appartement au Panthéon et cet ami américain qui avait envie de vivre dans le mien…Et ce livre aussi…
-Qui est-il ? Comment s’appelle-t-il ?
Il sourit au clin d’œil que représentait ma question.
-Il s’appelle Vincent. Français par sa mère, américain par son père. Deux façons de prononcer son prénom…
Il me regardait Hammer et je le regardais aussi. Son regard en disait des choses, de ces « choses » à la fois lourdes et légères qui donnent toutes ces couleurs à l’amour ; car il était amoureux, c’était clair…mais pas de moi.
Autour de nous, on riait et s’amusait. C’était une atmosphère typiquement parisienne et à sa tonalité particulière, à la fois urbaine et un peu précieuse, je me rendais compte que j’adorais ma ville. Je pensais qu'étant entré dans une conversation plus intime, nous allions continuer le jeu des confidences mais il n'en fut rien. Mon intimidant Américain changea de trajectoire.
-Vous me devez une dernière histoire donc une troisième femme américaine !
-Je vous écoute !
-23 novembre 1963. Dallas. Texas.
-JFK.
-Bien sûr.
-Louise Falker. Soixante-dix ans. Je vous laisse libre pour ce qui la concerne. Le meurtre du beau président la rend heureuse ? Malheureuse ? Elle était là, dans la foule ? Elle était chez elle ? Intelligente. Classe moyenne mais cultivée. Vit seule.
-Elle est Noire ?
-Si vous voulez...Je pense plutôt à une Blanche pauvre...
-Un ou deux chats ?
-Bien vu !
Nous étions dans la rue et bientôt j’allai le saluer. Je rêverais cette nuit même que je couchais avec lui et j’avais hâte d’y être mais au matin, je saurais que rien n'était possible et je maintiendrai ce lien qui me rattachait à lui. J'inventerai un troisième personnage de femme forte au sein du monde américain...