ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 1. A Paris, pour créer...
Phillip Hammer et Isée Cendre. Deux portraits de femmes américaines créés ensemble déjà et une séduction qui se dessine...
La séance fut bien plus courte que précédemment et de façon curieuse, il ne tint pas à ce que nous abordions le même thème la semaine suivante. Je fus très surprise.
-Un bar à vin a ouvert récemment en bas de chez moi. J’y suis déjà allé une fois et je pense que vous y serez bien !
Donc, nous sortions !
C’était en effet un joli lieu qui évoquait les bistros parisiens du début du vingtième siècle. Beaucoup de boiseries et de miroirs. Il était assez tout et l’endroit, tout en étant fréquenté, n’était pas comble. Nous nous assîmes sur des chaises hautes, de part et d’autre d’une table rectangulaire et commandâmes des planches de charcuterie et de salade avec, comme entrée en matière, un verre de bon bordeaux rouge. Il semblait curieux de tout mais bizarrement ne m'interrogeait pas sur mon histoire.
-Elle ne vous plaît pas ?
-Elle me plaît.
-Vous n'êtes guère intervenu dans sa création.
-Je me demande parfois si vous n'êtes pas américaine. Vous parlez de cette femme qui a perdu son mari le 11 septembre comme si vous étiez une native. C'est une très bonne histoire, très crédible.
Comme à son habitude, il parlait français puis anglais et j'étais sous le charme. Je compris néanmoins qu'il souhaitait ce soir-là me faire parler de moi.
-Alors, vous habitez aux Invalides ?
-Oui
-Mais votre école se trouve…
-Près du jardin des plantes.
-C’est loin !
-Oui, mais c’est assez nouveau. En fait pendant six ans j’ai vécu dans ce quartier. J’allais travailler à pied.
-Vous avez déménagé, alors ?
-Je me suis séparée de mon compagnon et j’ai dû déménager.
-Ah ! Et lui est toujours là ?
-Non. Il travaille pour une société d’informatique qui s’est transférée à la Défense et il a préféré y habiter.
-Vous préférez ?
-Je vous demande pardon ?
-C’est plus simple pour vous. Vous passez devant l’immeuble où vous viviez avec lui mais il n’est plus là…
-Je n’ai pas la tentation de le revoir. Chez moi, c’est très avéré.
-Qui ne voulez-vous pas revoir ? Comment s’appelle-t-il ?
-Paul.
Hammer portait une chemise blanche sans cravate, ouverte jusqu’il fallait, une belle veste bleu-marine et un jean avec une ceinture. Avec cela, il était rasé de près. Ses cheveux bruns, soigneusement coupés par un coiffeur qui n’était certainement pas le dernier des derniers entouraient sa belle tête massive au nez court et légèrement busqué et aux yeux marron-doré. Il me semblait, sans avoir besoin de me pencher, sentir son eau de toilette en devinait l’origine. Guerlain. Habit rouge. Il avait bon goût et il me troublait. Je commençais à rêver de lui et bien sûr au plus fort de mes songes, il était nu. Je n’allais pas tarder, je le sentais, à m’ébattre avec lui en rêve…
-Isée ? Vous êtes toujours avec moi ?
-Euh, j’étais dans mes pensées…
-Ce doit être cet homme. Il avait votre âge ?
-Deux ans de plus que moi…Je revoyais les moments où j’allais travailler à pied. C’est un tel luxe, à Paris. Vous n’imaginez pas…
-Cette école, elle vous plaît, je crois.
-Beaucoup. Là je viens d’accueillir une nouvelle classe. C’est un niveau intermédiaire. Des étudiants qui commencent à bien utiliser un français très concrets mais doivent passer à l’abstrait et parfaire leurs connaissances. Ils sont quinze. Je crois que je vais bien m’entendre avec eux.
-Qui vous plaît le plus dans ce groupe ?
-Carla, une Italienne à la retraite qui veut absolument mieux parler. Elle a soixante-quatre ans et franchement j’aimerais être comme elle à cet âge : Elle est si posée et si curieuse intellectuellement…
-Beau portrait. Qui est l’autre ?
-Bo Yung, une Coréenne de vingt-quatre ans. Elle est jolie et brillante. Ce doit être quelqu’un de très fort.
-C’est tout ?
J’aurais dû hésiter mais ne le fis pas et me mordis les lèvres ensuite.
-Eh bien, il y a Zacharie. Il vient du Montana et doit avoir trente ans. Je m’étonne de sa présence car un étudiant tel que lui, on en rencontre beaucoup l’été mais pas tellement en cette période. C’est la première fois qu’il vient en France, je crois. Il a l’air très sportif. Il m’a parlé d’une somme importante qu’il avait gagnée suite à un pari et il a décidé de venir à Paris. Il veut prendre des cours car ça lui ouvre des possibilités de logements moins chers. Il a l’ait d’être très drôle et en même temps, il est studieux. J’ai l’impression qu’il capte très vite. Je pense qu’il saura très vite bien se débrouiller au milieu d’un tas de Français…
-On passe aux autres ?
Il n’y avait aucune ironie dans sa voix mais je sentais bien que continuer à lui faire ainsi les présentations auraient été fastidieux.
-A début de chaque session, on remarque comme ça quelques étudiants. C’est juste cela.
Cette fois, son sourire devint plus malicieux avec une pointe de dureté.
-Phillip et Zacharie…Vous voilà avec deux Américains maintenant !
-Pourquoi me dire cela ?
-Mais pour rire ! De toute façon, je suis le plus important des deux. Ce que vous faites avec Zacharie, c’est juste lui donner des cours mais avec moi, c’est différent. Ces histoires…
-C’est vrai…
J’avais le sentiment de mettre les pieds sur un sol glissant mais je n’avais aucun mobile pour m’emporter ou devenir maussade. De toute façon, Phillip avait commandé un pichet de vin et de nouvelles petites salades. C’était un vrai petit dîner. Le bar était maintenant comble. Mieux valait rester sereine.
-Mais vous, Phillip, vous ne dites rien sur vous ?
-Je vous ai dit qu’à New York, je m’occupais d’art. En fait, j’ai une galerie de peintures et de sculptures dans la cinquième avenue. Elle tourne bien. Je vis près de Central parc ouest et ma vie est en général très pleine. J’ai laissé quelques temps la galerie à Claire Brown, qui est mon associée et je suis là, à Paris…
-Oisif !