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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
15 janvier 2024

Battles. Partie 2. Un après en Angleterre. Paul et la nécessité de dire son expérience.

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4. Se mettre à parler.

Arrivé en tant qu'exilé en Angleterre, Paul a facilement trouvé à travailler. Cependant, de ses combats, de son emprisonnement et de sa libération, il n'a encore rien dit. Il faut qu'il écrive...

Un an s'était écoulé quand il comprit qu'il devait parler de ce qu'il avait vécu. Jusque-là, il avait accordé des interviews mais n'avait rien écrit de concret. Il devait le faire, maintenant qu’il n’était pas assez reconstruit pour affronter les critiques anglais, la radio et la télévision. Soupçonnant que les réseaux sociaux s'empareraient de ses propos pour les déformer, il était prêt à se défendre. Il commença par reconstituer le texte de ses allocutions radiophoniques et les intercala avec des extraits de discours de Dormann et des photos de son pays, rien d'atroce, juste des vues des villes et de leurs monuments. « Dans l'Ombre » fut un succès éditorial parce qu'il poursuivait des buts simples : montrer la beauté d'un pays qui glisse dans la dictature et son très fort patrimoine littéraire et artistique, qui se trouve laissé à l'abandon et pointer l'extrême difficulté qu'il y a à tenter de toucher les consciences quand on est entré en clandestinité. C'est Daphné qui l'avait poussé à accéder à la demande d'un éditeur qui saurait respecter son travail et il ne put que se féliciter de lui avoir fait confiance. D'ailleurs, sa jolie compagne l'avait aidé dans le choix et l'ordonnance des photos qui devaient paraître poignantes sans tomber dans le pathos ou la propagande. Six mois après, son ouvrage était en rayon. L'entreprise avait été menée à terme.

-Ton livre se vend très bien ! Je suis fière de toi.

-J'espère que les lecteurs comprendront les effets dévastateurs de la dictature dans mon pays.

-Mais ils comprennent !

-Ce sont les drames qui s'y déroulent qui sont importants !

-Mais Paul bien sûr ! Et n'oublie pas...

-Un compte Twitter et Instragram...

-Paul, je suis sérieuse !

-Mais moi-aussi...

-Tout le monde fait ça....

-Je verrai.

-Un blog d'auteur, aussi...

-Tu m'en as déjà touché un mot...Plusieurs, à vrai dire...

-Tu devrais me prendre au sérieux et cesser de rire !

-Difficile...

Daphne avait raison : son livre plaisait même si elle en exagérait les ventes. Il n'avait rien lu de négatif sur son celui-ci mais il avait commencé à écrire sur son pays et il allait poursuivre. Il n'était jusqu'ici qu'un quidam malgré ses quelques apparitions télévisées et ses passages à la radio mais, il le savait, il voulait frapper fort. Il avait une arme chez lui et s'il se promenait seul, il l'avait sur lui. Elle l'ignorait. Il avait de mauvais pressentiments.

 

Daphné exultait. Il aimait qu'elle soit heureuse car elle devenait plus jolie encore. Une Anglaise brune aux yeux gris vert, qui aurait dit qu'il en rencontrerait une d'aussi stylée ? Bien sûr qu'elle était très jeune mais elle lui redonnait un amour de la vie que ses années difficiles avaient failli lui faire perdre ainsi qu'une redécouverte merveilleuse de la sexualité et de la sensualité. Il retrouvait, en faisant l'amour avec elle, cette façon magnifique qu'on a de traverser l'autre en saisissant tout de lui, signe qu'on en est tombé amoureux...

Mis en confiance son succès éditorial, Paul reprit le court mémoire qu'il avait écrit sur son incarcération à Étoile alors qu'il était en Suède. Il l'avait d'abord conçu comme un texte à orientation documentaire et il choisit la troisième personne. Toutefois, conscient qu'il élargissait son propos en parlant du système carcéral en général et des spécificités de la prison Étoile en particulier, il voulut frapper plus fort en l'écrivant à la première personne. Ce serait une peinture cruelle mais juste de ce qu'entraîne la privation de la liberté et l'absence de tous droits sociaux et surtout, ce serait son ressenti. Paul fut très précis sur les brimades rencontrées lors de son arrivée, le passage par différents ateliers où le travail donné n'avait aucun sens et ce qu'on lui avait demandé de faire, une fois qu'il avait été rééduqué. Il évoqua ces cours dispensés à des femmes dociles pour que le documentaire tourné sur elles « fasse » vrai mais il fut très théorique pour ce qui était de sa transformation et du rôle des instructeurs. On comprendrait qu'il avait été frappé, drogué aux médicaments et contraint de se plier à la doctrine du chef...

Ce texte court, d'environ cent pages fut publié par le même éditeur qui avait tenu à ce qu'il soit très percutant. C'était une charge. Quand il parut, il fut cette fois très commenté. Intitulé « Face à ceux qui détruisent », il eut davantage de succès. Cette fois, l'exposition médiatique de Paul augmenta.

La presse titrait :

-Un texte bref mais fort sur une prison qui tient ses promesses ! A lire d'urgence pour en savoir plus sur la prison Étoile !

-Voyage au pays de la tyrannie. Le récit haletant de Paul Barne !

-Paul Barne et l 'Ambranie : le récit tant attendu de son emprisonnement.

-De la résistance à la prison politique : voyage en enfer...

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