Battles. Partie 3. Paul Kavan et le premier ministre. Retour en Ambranie.
-Comme vous le savez, vous pourriez être notre ministre de la culture. Vous m'avez écrit que vous décliniez cette offre et je vous propose de prendre la direction de l'école de journalisme de Dannick. Le précédent gouvernement l'a totalement réorientée, je ne l'apprends pas puisque vous vous êtes dressé contre ce type de traitement de l'information. Il va de soi que ce sera un travail colossal mais une nouvelle fournée d'étudiants attendent d'être formés autrement...
-C'est une proposition très honorifique.
-Avec votre passé et votre panache, vous êtes le candidat idéal pour ce poste.
-Monsieur le président, je serais bien sûr enchanté de prendre les rênes d'un tel établissement mais j'aimerais savoir si une troisième proposition existe.
-Bien sûr, dit le premier ministre. Comme vous l'avez constaté quand vous étiez encore parmi nous, la culture, dans ce pays, a été méprisée. On a relégué au second rang tous ceux qui ne voulaient pas se plier assez vite aux exigences du régime et on a envoyé en résidence surveillée de prestigieux créateurs car ils ont dit non. Vous seriez à la tête d'un institut culturel qui aurait pour objectif la réhabilitation d'un certain nombre d'artistes qui soit sont morts soit ont reçu l'interdiction de s'exprimer. De ce fait, il vous faudrait organiser de nombreuses manifestations artistiques : expositions, représentations, projections...Et en dernier lieu, il faudrait donner leur chance à de jeunes talents que Dormann s'est amusé à ridiculiser. L'idée est de montrer aux Ambraniens qu'ils vivent dans un pays où la culture est vivante et non plus censurée. Il faut leur donner accès au présent de nombreuses créations et bien sûr, à leur patrimoine...
-C'est fascinant...
-Mais complexe, monsieur Barne. Le ministère de la culture est une antenne de bureaucrates qui planifient de grandes orientations et planifient des budgets. Vous, vous serez sur le terrain ! Bien sûr, vous vous entourerez d'une équipe compétente.... N'oubliez pas que la vieille garde est là et plaît encore. Ce ne sera pas simple d'échanger les rôles et de mettre au premier rang ceux qui, hier encore, attiraient l’opprobre. Beaucoup de procès ont déjà eu lieu et les fascistes les plus influents ont été mis à l'écart mais il y a tous les autres, ceux qui ont fait avec et parmi eux, bon nombre de créateurs réticents à changer leur vision...Ceci dit et c'est là où cet institut aura la part belle, vous aurez le bonheur de remettre à l'honneur tel compositeur, tel dramaturge ou tel peintre qui n'avaient que le droit de se taire...
Bien sûr, Paul n'était pas supposé choisir d'emblée. Il devait consulter deux dossiers qui tous deux étaient très complets et savoir à quoi il s'engageait...
-Les Ombres de la Liberté est un très beau texte qui va bien au-delà des deux essais déjà brillants que vous avez publiés auparavant. J'ai dû le lire en allemand ! Les lenteurs dans notre pays ! Mais quel écrivain !
Des éloges de nouveau ! Paul les trouva à propos et sortit ragaillardi de ces deux entretiens. Battles reçu par le président de la république puis son premier ministre. Qui l'aurait cru...
Il avait été convenu que Colin, Lisbeth et lui parcourraient l'Ambranie deux semaines durant, à l'exception de la région la plus hostile que Paul avait de bonnes raisons de ne pas revoir. Ils se tinrent à leur programme et partirent en voiture. Toutefois, après les avoir accompagnés plusieurs jours de suite, Lisbeth rejoignit le monastère où jadis elle s'était cachée. Elle voulait faire silence, une manière bien à elle de reprendre contact avec son pays.
-Ensuite, tu seras avec nous ?
-Bien sûr, tant que Colin sera là.
-Et ensuite ?
-Les sœurs qui vivent ici ont été très courageuses. Elles ont aidé un nombre incalculable de personnes que le régime humiliait. Tu as bien vu que beaucoup d'églises avaient saccagées avant d'être fermées et qu'on avait tourné la religion en dérision. Gare à celui qui gardait ses convictions. En fait, je souhaite m'engager auprès d'elle.
-C'est ta décision.
-Oui, Paul.
Ils voyagèrent donc à deux.