GM
RETROUVE

C'est une lettre oubliée que j'ai retrouvée récemment. Je ne l'avais jamais ouverte et c'est sans doute pour cette raison qu'elle restait intrigante. J'aurais pu faire ce qui était le plus simple, à savoir l'ouvrir mais puisque l'avoir gardée si longtemps sans en connaître le contenu était en soi-même absurde, je l'ai de nouveau timbrée et l'ai mise à la poste. J'avais choisi tarif lent. Elle a mis huit jours. Quand elle m'est de nouveau parvenue, je l'ai vue différemment. Elle avait la même forme rectangulaire, mes nom, prénom et adresse étaient toujours écrits à la main et à l'encre bleue et au dos, il y avait la même en tête d'un fan club français. Comme auparavant, un cachet de cire le cachait à demi. Cette lettre avait trente ans. Elle avait survécu au passage des années, à mes déménagements, aux cartons et aux valises dans lesquels elle s'était retrouvée. Par certains côtés, elle affichait son âge : bleu de l'encre un peu passé sur l'enveloppe, timbres oblitérés avec soin mais un peu cornés, léger jaunissement du papier mais tout de même, elle avait bien tenu le coup. Une vraie satisfaction. Mon cœur a battu quand j'ai décollé le plus doucement possible le rabat qui portait le cachet de cire rouge et quand j'ai sorti de l'enveloppe une feuille format A4 pliée en quatre, il a battu la chamade. Curieux paradoxe : en théorie, une émotion violente du type de celle que j'éprouvais se justifie par la redécouverte d'une lettre d'amour oubliée puisque tout se réactive mais dans mon cas, je recevais une information d'un fan club...Je vous assure que la force de mon exaltation était la même.

En substance, la lettre disait :

«Salut France, tu es très forte pour les quiz sur George Michael ! Encore un effort et tu gagnes son dernier album. Et si tu persévères, sache que tu peux gagner un week-end à Londres où tu pourrais rencontrer ton chanteur préféré. Alors, accroche toi et travaille ton anglais. Ready ?»

José Martin
Fan Club GM
Paris

Je suis restée interdite. Fan Club GM, comme sur le cachet de cire ! Bien sûr, on pouvait penser que ce type de message visait une très jeune fille et en ce cas, il n'était pas ridicule. Mais à l'époque où j'aurais du le lire , j'avais vingt cinq ans. Je commençais à enseigner dans une petite ville ennuyeuse et j'essayais d'être fière de mon parcours universitaire et de mes connaissances littéraires.