Tout à son bonheur des premiers temps, Kenny passa du temps avec George dans sa luxueuse propriété sauf quand celui-ci le rejoignait dans son appartement de Los Angeles qui, sans être aussi vaste et aussi paradisiaque, n'en était pas moins fonctionnel, vaste et meublé avec un goût très sûr. Ils passèrent ensemble des journées sportives ou oisives, paresseuses ou studieuses et en gardèrent des souvenirs éblouis. Sur une des photos prises d'eux pendant cette période, on voit Kenny rayonnant au volant d'un 4X4 et George à l'arrière qui se penche vers lui. Kenny offre un beau visage plein aux traits lisses. Il est imberbe, ses cheveux blonds et courts sont rejetés en arrière, ses lèvres s'écartent pour dévoiler des temps impeccables et son regard est empreint de bonheur et de confiance. George a approché de lui son visage effilé. Ses cheveux, désormais bruns, sont ramenés en arrière et il arbore un bouc soigneusement travaillé : moustache descendante et rappel sur le menton. Il ne regarde pas Kenny qui lui-même nous regarde mais, le regard détourné, il a l'air de rêver d'amour, bien qu'il soit grave. Il avance vers Kenny une main qui s'accroche pour le moment au repose-tête mais pourrait atteindre sa joue et ce geste amorcé montre une grande capacité à séduire et une possessivité certaine...A l'époque, Kenny trouva la photo bien prise car l'un et l'autre y étaient beaux et semblaient très accordés. Plus tard, quand il la retrouva dans ses affaires, il y lut trop d'agencement, une trop grande confiance de sa part peut-être et un aveuglement par rapport à George qui, déjà, regardait ailleurs. Peut-être cherchait-il une belle silhouette masculine à contempler dehors...Mais ce n'était après tout qu'une interprétation tardive. Qui sait ce que cachait vraiment cette photo...

George n'évoquait jamais sans admiration ses parents. Kenny prenait ces discours pour ce qu'ils étaient, sans les remettre en cause. Ce qu'il ne captait pas encore, c'était le caractère à la fois protecteur et captateur de la famille du célèbre chanteur. Elle était loin de le laisser aussi libre qu'il y paraissait, lui imposant tacitement une obligation d'allégeance dont il n'était pas toujours conscient. En outre, puisqu'elle le liait ainsi, elle laissait à George un terrain précis où il pouvait s'ébattre. Apte à jouer de son charme et de son argent pour s'autoriser toutes sortes d'aventures, le chanteur se pensait libre alors même qu'il était entravé... Quand il découvrit l'une et l'autre des facettes de son amant, Kenny escompta puisqu'il était épris de George et George de lui qu'ils sauraient faire face. Il lui fallut longtemps pour accepter qu'il n'en serait rien. Plus le temps passa, plus Kenny se heurta au souvenir d'Anselmo. On peut lutter contre un rival en bonne forme mais plus difficilement contre un fantôme. George idéalisait son amour pour le styliste brésilien d'une façon qui rendait impossible tout dialogue. Si d'aventure il ouvrait les yeux, il s'étourdissait. Il était riche et les revendeurs d'extases diverses étaient à sa porte...Et si d'aventure, ils n'étaient pas disponibles, il buvait...

Malgré tout, le lien resterait fort très longtemps. Il y aurait les piscines des hôtels chics, les restaurants élégants, les week-ends dans des îles de rêve et les endroits pour danser et s'aimer. Ce chanteur pouvait se comporter en prince, faire des cadeaux merveilleux et tentait de le débaucher à tout heure, lui l'Américain acharné au travail, pour l'emmener faire un tour en avion, du cheval, du jet ski...Il était magnifique, vraiment et généreux et il se dirait toujours franc du collier. Il chercherait, c'est vrai, à s'affranchir de ses peurs afin de devenir plus solide mais il y parviendrait souvent. A sa décharge, Kenny comprendrait  à quel point George était harcelé. En bon américain, il ignorait ce que les tabloïds sont capables de faire en Angleterre puisqu'ils n'avaient pas le même rôle aux États-Unis et découvrirait une patiente et savante entreprise de démolition, visant à présenter l'ex enfant chéri des Anglais comme un dégénéré...Alors, il trouverait George courageux...