George Michael, qui a tant brillé, se sent fatigué et sans vitalité.Il a encore beaucoup de fans mais il a aussi des détracteurs. 

Il n'y avait rien à faire dans la belle maison qu'il avait pris tant de plaisir à faire aménager et il regrettait pour la première fois de sa vie de n'être qu'un chanteur. L'automne finissait et par la double porte vitrée du grand salon, il voyait les silhouettes de deux jardiniers qui terminaient de tondre les pelouses et de tailler les arbres. Dans la cuisine, il savait qu'une de ses employées préparait le pain de viande qui figurerait au repas de midi et plus loin, dans la lingerie, une autre repassait des draps et des serviettes. Il avait reçu et plusieurs chambres avaient été libérées le matin même. Quand il fut las d'observer les jardiniers, il gagna son bureau pour consulter son courrier. Tout ce qui était de l'ordre des comptes était vérifié par une personne de confiance apte à voir que pour ce qui était de la maison, tout était en ordre. Le reste le courrier privé se divisait en deux lots. Les fans, qui utilisaient souvent encore le papier et s'exprimaient sur des plates formes privées où ils pouvaient faire son éloge et sa messagerie personnelle où seuls ceux qui étaient autorisés pouvaient donner des nouvelles et s'enquérir de lui. Il fut charmé d'y découvrir quelques messages amicaux et y répondit avec ce mélange de sincérité et de distance qui le caractérisait désormais.

Ah, je vais bien ! Des séquelles, oui, bien sûr mais tout de même j'ai bien récupéré. Je lézarde alors même que mon nouvel album est là, dans ma tête. Dès l'âge de dix-huit ans, j'ai été happé par le succès. Il faut savoir se reposer. Fin décembre, j'aurai cinquante ans ! Eh oui, le Grec Chantant n'est plus un jeune homme. 

En réalité, s'il était moins fatigué physiquement, il l'était moralement. Quand on ne peut plus respirer, on est à bout de souffle. Oui, à bout de souffle ...Et c'était bien cela qui lui arrivait...On lui avait demandé d'être jeune et provocateur, il l'avait fait. On lui avait suggéré d'être sexy et accrocheur, il l'avait fait. On lui avait quasiment ordonné d'être un vrai chanteur, créatif, profond et adaptable, il l'avait été. On avait induit qu'il ne devait pas pas se cacher, de dire qui il avait envie d'aimer et de désirer, il l'avait fait. C'est vrai, il avait longtemps gardé son homosexualité secrète, mais fort de son coming out à la fin des années 1990, il avait fini par s'investir publiquement en faveur des droits des gays et dans la lutte contre le sida. Avec le temps, le fait que son orientation sexuelle était restée ignorée du grand public pendant près de vingt ans de avait pris du sens puisque les brimades subies par cette communauté étaient devenues criantes. Il avait parlé quand il s'était senti prêt et dès lors, il n'avait plus dévié. On avait attendu de lui qu'il prenne position pour des causes importantes : la faim dans le monde, la libération d'un leader politique important, le sida et il avait rempli son contrat et pour finir, on l'avait contraint à admettre que puisqu'il était excessif, désobéissant et méprisait certaines règles sociales, on l'avait puni sans se demander ce qui se passait au fond de lui...On l'avait encensé de savoir sans cesse renaître de ses cendres, tel le phœnix, de surprendre encore, de rester beau et désirable, de parler pour une communauté, de paraître à la fois sûr de lui mais sensible et humain. Et maintenant, quoi ? On ne demandait jamais à quelqu'un qui peinait à rester le même ce qui le gênait, on se montrait déçu, on le jugeait.