George D. Celui qui meurt. Partie 1. Je ne voulais rien de douloureux.
12 George. Roquebrune. Janvier 2016.
Quand Erik m’a trouvé à genoux dans la cour, j’avais Andy au bout du fil. Tout mon désespoir était revenu. Je l’avais joint pour me rassurer mais l’entendre a suffi à réactiver ma souffrance. En décalage avec moi, sous le soleil californien, il faisait de son mieux face à ma réapparition. Qui pouvait l’en blâmer ? Je me taisais depuis des mois…Andy… Longtemps compagnons, on avait eu des dérives similaires. On gardait l’un pour l’autre une grande estime et une profonde affection, Après tout, nous avions rompu depuis quatre ans déjà et nos rapports restaient « affectueux ». Je lui demandais une aide que longtemps il m’avait accordé. Il ne pouvait plus le faire.
Le jeune danseur est venu à ce moment-là. Il m’a parlé et m’a étreint pudiquement.
-Levez-vous…
-Je ne peux pas.
-Nous savons mal qui vous êtes vraiment mais nous sommes-là. Nous vous aidons, nous vous consolons.
-Toi-aussi ?
-Oui, levez-vous.
-Pour ne pas vous faire honte ?
-Personne n’a honte, pas même vous.
-Vous ne pouvez comprendre ce que je traverse. Qui a pu mettre à genoux l’un d’entre vous ?
-La jeunesse ne protège pas de la souffrance. Nos vies n’ont pas forcément été simples et si elles l’ont été jusqu’à maintenant, tout ne sera pas toujours aussi lisse. Venez. Ne restez pas dans cette cour.
-Qu’allons-nous faire ?
-Cuisiner, entre autres…
Je me suis levé et nous sommes restés l’un en face de l’autre un long moment. Je rencontrais la douceur encourageante de ses yeux clairs. Quand il m’a étreint, il l’a fait pudiquement comme on le fait dans les universités pour rassurer un candidat à un examen difficile. Son corps m’a paru presque sans densité tant il était pudique, ce jeune homme qui se voulait rassurant. C’était tout de même lui qui avait la belle initiative de cette accolade théoriquement dépourvue de sensualité…M’invitait-il à le regarder autrement ? Je lui ai accordé un regard beaucoup plus incisif auquel il n’a pas répondu. Qu’importe ! C’était à creuser…
Plus tard, il a bien fallu que j'appelle Paul et ça a été la tempête. Je voulais qu'à mon arrivée il ait libéré ma maison de Hyde Park. C'était une redite mais là il avait compris cette fois que je ne plaisantais pas. Il était amer et déçu et la litanie des reproches a commencé. Seulement, plus rien venant de lui ne me faisait de l'effet. Il était photographe au départ mais c'était à moi qu'il devait le financement de ses trois dernières expositions dont il fallait bien dire qu'elles n'avaient pas été des succès. L'argent jouait depuis longtemps un rôle non négligeable dans notre relation Il était assez joli garçon et son beau corps m'avait captivé d'autant qu'il n'était pas avare pour me le montrer. Son profil droit plus dur que son profil gauche, son nez légèrement busqué, ses belles lèvres charnues et ses yeux verts avaient fait ma conquête. Et je n'oublie pas ses pectoraux. Rien de désagréable au départ ne signifie pas que tout puisse être pénible à la fin. Je hurlais, il hurlait.
Dans ma vie sentimentale au départ, je ne voulais rien de douloureux mais tout avait tourné court à cause de cet accès brutal à la gloire. Aimer A avait été déchirant. Connaître Andy m’avait communiqué un sentiment de sécurité durable. Je ne souhaitais pas d'une liaison aussi médiatisée que celle que j'ai eue avec partenaire texan mais j’ai cédé à l’envie de m’affirmer. Quatorze ans durant, nos moments de tendresse et de tension ont ravis les amateurs d’une certaine presse. Bon, je dois reconnaître ni lui ni moi ne sommes innocents dans cette affaire…Des amants publics pour une nouvelle ère ?