LUCAS ET KIRYLL. Lucas aux Météores. Le monastère d'Aghia Triada. Enfin une réponse ?
Lucas est en Grèce pour visiter les Météores. Dans l'un des monastères de cette extraordinaire région, l'attend une réponse à sa quête profonde. Retrouver ceux dont il a été si violemment séparés: ses parents.
-Je suis venu pour visiter celui-là !
Yanis se montrait aussi complaisant que possible et il blaguait.
-Tu as un rendez-vous spécial là-haut ?
-Tu ne crois pas si bien dire...
Il avait l'air si sérieux, ce jeune Français, qu'il devait y avoir anguille sous roche. C'était peut-être un de ces mystiques qui mélange toutes les religions et cherche l’Être suprême, allez savoir...Il y en avait des comme-ça qui attendait des révélations...En général, le contact avec les moines orthodoxes qui vivaient là ne leur plaisait pas beaucoup car il les renvoyait à une réalité trop terre à terre trop éloignée de leurs vastes perspectives spirituelles...Ce jeune Français était-il comme eux ? Il semblait plus simple, plus rationnel...
-Une illumination ?
-Non, Yanis, rien de ce genre. J'attends des réponses et dans ce lieu, elles me seront données.
-Tu es en chemin vers le christianisme, alors ?
-Oui, si tu veux...
Louis-Lucas avait trop d'estime pour ce jeune Grec pauvre et cultivé pour se lancer dans de grandes envolées où un Guide vers lequel il s'était tourné enfant allait enfin se révéler. Pourquoi accabler ce jeune homme pieux de ce qu'il aurait pris pour un fatras prétentieux ? Mieux valait aller dans son sens.
Du reste, il se montra ravi de sa visite, posant de nombreuses questions sur l'architecture, les offices, le mode de vie des moines et la façon dont alentours on les ressentait. Yanis se surpassa. Il fut ravi que Louis passe un certain temps à se confier à un moine et parut ensuite enchanté. C'était une belle rencontre que celle de ce Parisien ! Il se convertirait et aurait un beau chemin !
Il resta persuadé qu'il avait fait une belle rencontre quand il fallut prendre le chemin du retour. Le monastère d'Aghia Triada était construit sur un site spectaculaire qui ne pouvait laisser indifférent et même si réfectoire, cuisine et cellules de moines étaient rénovés, il restait la belle église et la chapelle qui témoignaient de la grandeur du Christ et d'une foi millénaire...
Il ne fut pas difficile de laisser le petit guide à ses illusions. Louis parti, Lucas restait. Le rendez-vous aurait lieu dans les jardins dont la beauté suave l'avait charmé.
Il n'eut pas longtemps à attendre car il fut dérangé dans sa contemplation du panorama par l'arrivée d'un pope dont l'allure distinguée tranchait avec celle, plus rustique, des moines qu'il avait entraperçus pendant sa visite. L'homme devait avoir une soixantaine d'années. Il portait la tenue noire afférente à son rôle et sur longue robe une belle croix orthodoxe en or, précieusement sculptée. Le teint clair, l’œil sombre, la barbe grise coupée assez court, il masquait ses cheveux sous une coiffe haute et se tenait très droit. De loin, il donnait parfaitement le change et pouvait être pris pour un pope d'importance qui résidait pour peu de temps au monastère où il recevait un accueil spécial. Toutefois, quand il s'approcha de lui, Louis-Lucas eut l'impression très nette que cet homme avait un double visage. Il était désormais près de lui et découvrait l'homme d'église aux traits nobles et beaux. Il y avait dans son regard l'insondable bonté qui est celle de ceux qui ont non seulement lu et médité les Saintes écritures mais ont mis en application leurs messages. Cet ecclésiastique n'avait reçu des grâces que parce qu'il avait traversé des tempêtes violentes en se disant souvent que sa seule volonté n'y suffirait pas et que Dieu seul pourvoirait. Lancé dans le combat à vingt ans, il en ressortait vainqueur, pourtant sur son visage la marque de sa foi. A un tel homme, on ne pouvait que se confier, sûr qu'il était plein de miséricorde. Il était de ceux dont la simple présence guérit. Dès qu'il eut été invité à s’asseoir à ses côtés, à l'ombre de quelques arbres qui leur garantissaient la tranquillité, Louis-Lucas en eut conscience. C'était bien car il pourrait parler en toute liberté de son incroyable histoire. Se tenant droit, regardant devant lui, le pope offrait un profil de médaille qui renforçait encore son aura de saint-homme. Assis à ses côtés, le jeune homme se trouvait embarrassé. Il n'y avait pas à en douter : ce religieux singulier qui semblait être venu là pour lui parler ne pouvait être que ce Moe Yohne, ce Honey dont il cherchait la trace depuis des années. Comme il était curieux de constater que ce mage n'avait rien d'une divinité bouddhiste au corps jaune et au visage grimaçant ! C'était pourtant ainsi qu'il se l'était toujours représenté. Il était toujours plus loin, protéiforme et puissant. Alors, ce prêtre orthodoxe aux gestes majestueux...
Sentant son malaise, l'homme prit la parole.