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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
26 mars 2024

Battles. Partie 3. Paul Kavan et le premier ministre. Retour en Ambranie.

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-Comme vous le savez, vous pourriez être notre ministre de la culture. Vous m'avez écrit que vous décliniez cette offre et je vous propose de prendre la direction de l'école de journalisme de Dannick. Le précédent gouvernement l'a totalement réorientée, je ne l'apprends pas puisque vous vous êtes dressé contre ce type de traitement de l'information. Il va de soi que ce sera un travail colossal mais une nouvelle fournée d'étudiants attendent d'être formés autrement...

-C'est une proposition très honorifique.

-Avec votre passé et votre panache, vous êtes le candidat idéal pour ce poste.

-Monsieur le président, je serais bien sûr enchanté de prendre les rênes d'un tel établissement mais j'aimerais savoir si une troisième proposition existe.

-Bien sûr, dit le premier ministre. Comme vous l'avez constaté quand vous étiez encore parmi nous, la culture, dans ce pays, a été méprisée. On a relégué au second rang tous ceux qui ne voulaient pas se plier assez vite aux exigences du régime et on a envoyé en résidence surveillée de prestigieux créateurs car ils ont dit non. Vous seriez à la tête d'un institut culturel qui aurait pour objectif la réhabilitation d'un certain nombre d'artistes qui soit sont morts soit ont reçu l'interdiction de s'exprimer. De ce fait, il vous faudrait organiser de nombreuses manifestations artistiques : expositions, représentations, projections...Et en dernier lieu, il faudrait donner leur chance à de jeunes talents que Dormann s'est amusé à ridiculiser. L'idée est de montrer aux Ambraniens qu'ils vivent dans un pays où la culture est vivante et non plus censurée. Il faut leur donner accès au présent de nombreuses créations et bien sûr, à leur patrimoine...

-C'est fascinant...

-Mais complexe, monsieur Barne. Le ministère de la culture est une antenne de bureaucrates qui planifient de grandes orientations et planifient des budgets. Vous, vous serez sur le terrain !  Bien sûr, vous vous entourerez d'une équipe compétente.... N'oubliez pas que la vieille garde est là et plaît encore. Ce ne sera pas simple d'échanger les rôles et de mettre au premier rang ceux qui, hier encore, attiraient l’opprobre. Beaucoup de procès ont déjà eu lieu et les fascistes les plus influents ont été mis à l'écart mais il y a tous les autres, ceux qui ont fait avec et parmi eux, bon nombre de créateurs réticents à changer leur vision...Ceci dit et c'est là où cet institut aura la part belle, vous aurez le bonheur de remettre à l'honneur tel compositeur, tel dramaturge ou tel peintre qui n'avaient que le droit de se taire...

Bien sûr, Paul n'était pas supposé choisir d'emblée. Il devait consulter deux dossiers qui tous deux étaient très complets et savoir à quoi il s'engageait...

-Les Ombres de la Liberté est un très beau texte qui va bien au-delà des deux essais déjà brillants que vous avez publiés auparavant. J'ai dû le lire en allemand ! Les lenteurs dans notre pays !  Mais quel écrivain !

Des éloges de nouveau ! Paul les trouva à propos et sortit ragaillardi de ces deux entretiens. Battles reçu par le président de la république puis son premier ministre. Qui l'aurait cru...

 Il avait été convenu que Colin, Lisbeth et lui parcourraient l'Ambranie deux semaines durant, à l'exception de la région la plus hostile que Paul avait de bonnes raisons de ne pas revoir. Ils se tinrent à leur programme et partirent en voiture. Toutefois, après les avoir accompagnés plusieurs jours de suite, Lisbeth rejoignit le monastère où jadis elle s'était cachée. Elle voulait faire silence, une manière bien à elle de reprendre contact avec son pays.

-Ensuite, tu seras avec nous ?

-Bien sûr, tant que Colin sera là.

-Et ensuite ?

-Les sœurs qui vivent ici ont été très courageuses. Elles ont aidé un nombre incalculable de personnes que le régime humiliait. Tu as bien vu que beaucoup d'églises avaient saccagées avant d'être fermées et qu'on avait tourné la religion en dérision. Gare à celui qui gardait ses convictions. En fait, je souhaite m'engager auprès d'elle.

-C'est ta décision.

-Oui, Paul.

Ils voyagèrent donc à deux.

 

 

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26 mars 2024

Battles. Partie 3. Paul et Colin, son fils, en Ambranie.

 

 

Colin avait oublié ce petit pays aux campagnes riantes, aux petites villes historiques si belles et à ces grands lacs qui, sans suppléer la mer, offraient des horizons paisibles et estivales. Père et fils allèrent donc du nord au sud et de l'est à l'ouest, dormant dans de belles auberges ou d'aristocratiques maisons transformées en hôtels, mangeant tantôt simplement tantôt dans des restaurants raffinés, assistant à des concerts ou des spectacles de danse, faisant de longues marches à pied ou faisant un peu d'équitation, toujours heureux et toujours aux aguets. Toutefois, à la différence de son fils, Paul fut plus conscient des dangers inhérents aux brusques changements survenus dans son pays. Quand ses parents étaient encore vivants, Ray Halmiland et Joseph Butts s'étaient succédé au pouvoir. Butts par sa mauvaise gestion et son laxisme avait commencé un travail que ces suiveurs avaient poursuivi...Il se souvenait de sa mère, qui n'était pourtant pas politisée, et de ses remarques mitigées sur le populisme d'Halmiland et le peu de discernement de Butts. Sur le moment, il l'avait trouvée bornée et réactionnaire mais on si on considérait que les chefs d'état suivants avaient fait preuve d'une vanité et d'un aveuglement plus grand encore, faisant monter le nombre de fonctionnaires, distribuant beaucoup d'argent et endettant considérablement l'état, elle avait raison. C'est parce que Pérel Norks avait été si indolent que le parti de Dormann avait grossi si vite et que le coup d'état avait été possible. S'il se savait et le regrettait, d'autres avaient le même raisonnement mais regrettaient la dictature...Il voyait bien qu'ils en côtoyaient et puisqu'il allait vivre dans ce pays, il faudrait bien qu'il fasse avec eux. De ses découvertes, il ne dit rien à Colin et le laissa s’émerveiller de tout. Mais le jeune homme le déconcerta :

-Père, je suis parti depuis longtemps et j'ai oublié cette ville et mon pays ! C'est décidé, je travaillerai en Allemagne. Ma future femme est d'accord. Mais tu le savais.

-Reste Lisa !

Toutefois, tu vas te distinguer et elle sera désireuse d'en savoir plus. Elle te l'a fait comprendre : tu lui as beaucoup manqué. Et puis, il y aura un bébé à te présenter.

C'était dit avec tact mais sa fille lui échappait toujours et Paul s'en voulait. Quand les temps étaient paisibles, il n'avait pas été assez attentif à elle. L'avoir revue sporadiquement l'avait rendu heureux car elle se tendait vers lui ; mais ça ne suffisait pas. Elle était rétive malgré tout.

-On verra...

-Mais, Père, c'est certain !

Au terme de ces vacances, l'un et l'autre étaient radieux. Toutefois, Colin fut surpris par la décision de son père :

-Le Centre culturel !

-C'est inapproprié ?

-Je n'ai pas dit ça, père, mais ce sera très complexe. C'est un travail de titan...

-A priori, ceux qui sont pressentis pour travailler avec moi sont solides...Tu aurais sans doute trouvé plus juste que je sois ministre !

-Non, tu seras très bien.

Tous deux rirent, soucieux de ne pas gâcher leur belle entente. Ils avaient passé quinze jours à parler de tout et de rien dans des paysages souvent splendides, sortant ruisselant d'eau d'un lac pour aller écouter une chanteuse traditionnelle aux beaux yeux sombres ou se livrant à d'autres plaisirs de l'été. Et ils étaient passé saluer Lisbeth qui travaillait désormais avec ces sœurs qu'elle connaissait bien. Bientôt Colin repartit en promettant de concrétiser son arrivée en Allemagne. Il comptait aussi parler à sa sœur pour la rendre plus réceptive...

-Elle voudrait un enfant. Si c'est le cas, elle resterait aux USA. Mais on ne sait jamais !

20 mars 2024

Battles. Partie 4. Ouverture.

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Quatrième partie

Au pays des souvenirs et

de la lumière

 

 

 

 

 

 

 

20 mars 2024

Battles. Partie 4. Quelques mots.

 

 

 

Retourner dans son pays, c'est bien quand on a connu l'exil. On y retourne avec les honneurs et l'on y obtient une place au gouvernement. Pour Paul Kavan donc, tout est beau au départ; mais la dictature a ravagé sa patrie, les tenants du régime fasciste qui vient d'être démis sont encore nombreux et Paul a connu la prison politique et la rééducation. Comment faire pour rester debout et ne pas céder à la violence du passé ? 

20 mars 2024

Battles. Partie 4. Citation.

 

 

Et si c'était à refaire

Referait-il ce chemin

La voix qui monte des fers

Dit : je le ferai demain

 

Louis Aragon

Ballade de Celui qui chantait dans les supplices

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20 mars 2024

Battles. Partie 4. Changer le monde.

 

GUILLAUME

 

 

1. Tout mettre en œuvre à Dannick.

De retour dans son pays après un long exil, Paul Kavan est nommé à de hautes fonctions dans le nouveau gouvernement qui se constitue. Il est prêt à travailler d'arrache pied pour que les perspectives soient nouvelles.

De retour à Dannick, on présenta à Paul, puisqu'il avait accepté le poste, les locaux du centre culturel et les membres de son équipe. Il était une vingtaine et d'âges divers. A priori, ils souhaitaient un nouvel ordre...Paul avait déjà travaillé d'arrache-pied sur son gros dossier et ciblé des points sensibles. Il faudrait lister les salles et les ateliers susceptibles d'accueillir les artistes, veiller à ce que salles de théâtre et de cinéma reprogramment ceux qui étaient interdits, veiller également à ce qu'une publicité suffisante soit faite pour inciter à aller au spectacle et récompenser ceux qui avaient préféré se taire et vivre de façon précaire plutôt que de servir la propagande de Dormann. Et puis...Ce qu'il y à faire était infini mais l'énergie de Paul phénoménale. Se doutait-il qu'il comptait ainsi damer le pion à ceux qui l'avaient arrêté et jugé puis persécuté en prison ? Oui et bien sûr, il savait aussi qu'il montrait à l'Instructeur Winger et à ses sbires que tout n'était pas comme ils croyaient...En quelques semaines, les résultats furent positifs. Des compagnies de théâtre que l'Institut subventionnait, se remettaient au travail. Des salles d'exposition remettaient à l'honneur des peintres et des sculpteurs mis sur la touche. Des chefs d'orchestre mis au rebut, des chanteurs d'opéra, des virtuoses de la musique, de grands acteurs à qui on n'avait plus rien proposé, remis en circulation. Des prix étaient créés, des bourses pour stimuler les jeunes talents mises en avant, la presse était mise à contribution pour relayer cet enthousiasme et Paul galvanisé. Il y avait les autres, bien sûr, ceux qui avaient servi Dormann. Mises à part quelques têtes à ne pas couper, il fallait les intimider. A priori, le message passait. Ils s'expatriaient, faisaient amende honorable ou changeaient de métier. Il faudrait un an minimum pour que la machine soit relancée mais il jugeait important de paraître d'emblée très actif. Son équipe suivait sans doute enthousiasmée par son énergie et c'est un fait : la vie culturelle allait renaître...

Ayant le sentiment d'accomplir tout d'un coup les douze travaux d'Hercule, Paul ne se contenta pas de tâches administratives, de réunions et de coups de fil. Il se déplaça. Des grandes salles de spectacles aux plus modestes, il visita tout. Il arpenta les salles de concert et les ateliers d'artistes et, chemin faisant, il rencontra beaucoup de monde. Son passage dans la clandestinité, son incarcération à Étoile et ses errances en Suède et en Angleterre avaient affiné sa perception des êtres et des situations. Telle actrice en vogue mentait en se disant patriote car elle avait enchaîné les liaisons avec des sbires de Dormann. Tel sculpteur qui, lui, avait résisté, jouissait d'une réputation très usurpée et ne serait pas crédible au plan international. Tel peintre qu'on avait laissé tranquille car on l'estimait de second ordre, avait un réel talent et telle chanteuse d'opéra avait été injustement rétrogradée. Il convenait donc de faire la part des choses et de redresser des situations faussées, dans la mesure où il le pouvait. De musée longtemps fermé en cabaret au répertoire bancal, d'église négligée alors qu'elle possédait de très belles fresques à des cafés qui gardaient en eux l'histoire du pays, il y avait de quoi faire...

Le temps passant, Paul se mit en quête de son passé. Non celui de ses années de cavale et d'emprisonnement mais celui de son enfance. Ils étaient quatre frères. Trois étaient encore vivante. Emil et Anton avaient su son retour et même s'ils ne s'étaient pas manifestés, il tenait à le voir.

20 mars 2024

Battles. Partie 4. Emil, le frère loyal.

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Il trouva la trace d'Emil à Dannick où après avoir cessé ses fonctions d'officier d'armée de terre, il coulait une retraite tranquille. Plus âgé que Paul, il avait toujours eu un caractère rigide et une forme d'esprit qui avait dû plaire à l'armée. Avec l'arrivée de Dormann au pouvoir, il avait cessé de fréquenter Paul et Lisbeth car il ne partageait pas leurs idées. Pourtant, malgré ce long silence, quand ce frère renégat le contacta, il n'éluda pas. Il vivait dans une belle villa du quartier huppé de Dannick avec sa femme et menait une vie assez rigide. Quand il le revit, Paul fut frappé de se ressemblance physique avec son père. Emil était plus grand que celui-ci certes mais il avait le même front haut, les mêmes sourcils épais surmontant de grands yeux marrons et la même bouche mince. Sa voix aussi avait la même tonalité que celle du philosophe disparu...Vêtu d'un complet gris, installé dans un beau salon orné de meubles anciens et de belles gravures représentant des paysages exotiques, le général Barne posa sur son frère un regard hautain.

-Retour d'Angleterre...

-Oui. Le pays me manquait.

-On parle de toi dans les journaux. Remarque, on parlait déjà de toi...

Lena, l'épouse d'Emil, se tenait, cramoisie à côté de son époux. On avait servi du thé mais crispant ses mains l'une contre l'autre, elle ne touchait pas à sa tasse. Elle attendait que Paul fasse un esclandre mais celui-ci ne vint pas. Qu'y avait-il à faire contre les idées désuètes de cet homme d'extrême-droite ? Il n'était pas à pour le convaincre de ses erreurs mais pour évoquer le couple de leurs parents, la vie dans la villa patricienne de Marembourg et leurs jeux d'enfants. Il voulait en savoir plus aussi sur les enfants du couple...Quand le message fut clairement passé, Emil et Lena se détendirent. Oui, leurs trois garçons se portaient bien. Oui, ils étaient tous trois mariés et pères de famille. Deux d'entre eux étaient officiers, un autre était médecin militaire. Oui avoir ses enfants auprès de soi était un bonheur. Paul était disert, passant au-dessus du fait ni son frère ni sa belle-sœur n'avait aimé Lisbeth et qu'ils l'avaient désapprouvé de faire partir ses enfants à l'étranger. Rien ne fut dit sur la prison Étoile et encore moins sur les livres de Paul, mais des photos de famille furent échangées. Paul avait toujours regretté que la maison de leur enfance ait été vendue mais il y a avait quatre orphelins et des études à payer...Emil regrettait lui-aussi. La-dessus ils étaient d'accord mais sur tout le reste, ils divergeaient. Pour cette raison, Paul ne s'appesantit pas et prit congé quand il sentit se tarir les sujets de discussion neutres. Cette rencontre n'était pas négative cependant. Emil ne fermait pas la porte...

19 mars 2024

Battles. partie 4. Anton et Paul. Deux frères très opposés.

Il n'en alla pas de même avec Anton qui était le plus jeune des frères. Enfant, Paul avait beaucoup joué avec lui et plus tard, ils étaient liés malgré le décès brutal des parents et les familles dans lesquelles on les avait placés. Le petit garçon frondeur et malicieux que Paul avait aimé avait été remplacé par un fonctionnaire de l'état faible et borné qui s'était toujours contenté de faire son travail sans jamais se poser de question. Avec Dormann, il était monté en grade, occupant un poste important au ministère des transports. Rétrogradé non pour son travail mais pour sa fâcheuse propension à le délation, Anton qui chez lui rédigeait des lettres anonymes de dénonciation de suspects, avait obtempéré et fait face à sa situation nouvelle. Mince, anguleux, le teint pâle, la silhouette un peu tassée, il aimait l'ordre et la discipline et admirait les chefs d'état autoritaires. Arrestations, jugements hâtifs et emprisonnement de tout contrevenant à l'ordre public lui paraissaient les signes clairs d'un pays bien gouverné...

Au téléphone, il fut méfiant quand Paul l’appela et mit beaucoup de temps à accepter de rencontrer dans un bon restaurant ce frère honni. Quand Paul le vit, il eut un haut le corps. Ce petit personnage jaunâtre était révoltant.  Soucieux de ne pas le faire fuir par une confrontation brutale, il s'enquit de sa famille et parla de l'enfance. Anton ne dit rien de mal sur son père qu'il trouvait autoritaire et ferme mais fut condescendant face aux rêveries de sa mère. Sans l'avouer, il était jaloux de la belle trajectoire d'Emil, trouvait la conduite de Florian, leur frère défunt, parfaitement idiote et avoua à Paul que non content d'avoir plastronné comme journaliste, il avait imposé au reste de la famille le spectacle de ses relations anarchiques avec sa femme et celui plus pathétique encore de l'éducation libérale qu'il avait infligée à ses enfants. Et c'était sans parler de ses clowneries ! Le cirque de ses maîtresses, ses écrits arrogants dans la presse puis ses actes de résistance qui avaient de quoi soulever le cœur. Il ne devait pas s'attendre à une mise en cause de son jugement et de sa condamnation. Quand on est inconséquent, voilà à quoi on s'expose !

Moins grand que Paul, Anton était, et il avait dû en souffrir, le plus laid des quatre frères. Il n'avait pas la prestance physique des deux premiers qui, sans être beaux, avaient de l'allure en uniforme, ni le charme méditerranéen de Paul, son élégance vestimentaire et la rondeur de ses gestes. Disgracieux dès l'adolescence, il était devenu chauve, portait des lunettes à grosses montures noires et arborait un embonpoint gênant. En outre, même sa voix était déplaisante. Voyant que Paul le laissait parler sans mot dire, il crut avoir l'avantage et claironna :

-Tu t'attendais à quoi ?

-Mais à ce qu'on se parle !

-Normalement ? Tu sais quand même ce que tu as fait !

-Et ce que toi, tu as fait, on en parle ?  On t'a donné un document à signature et tu l'as signé, acceptant de me renier...Les temps ont changé. Tu n'es pas songeur ?

-Et ça se met en avant !

-Écoute, Anton ! Il y a longtemps qu'on m'a dit que tu étais un imbécile mais nous avons des liens de sang et une enfance commune. Ayant de bons souvenirs de toi, je n'ai pas cru ce que j'ai entendu. J'ai eu tort : c'est vrai.

Anton devint écarlate et faillit jeter son assiette à la tête de son frère mais il se contint par crainte du scandale. C'est qu'il avait les faveurs du nouveau régime !

-Merci Paul. Tu as autre chose à dire ?

-A Étoile, j'ai eu un instructeur chargé de me rééduquer. Quand je pense que ce genre de personnage s'appuient sur des gens comme toi...

Anton ne répondit rien. Son épouse Flavia l'attendait à la maison. Elle avait très mauvais caractère et il ne voulait pas être trop agité pour l'affronter. Quant à leur fille unique, elle était toujours à leur charge puisque mentalement déséquilibrée, elle séjournait chez eux...Il valait mieux écourter ce déjeuner et fausser compagnie à ce poseur. Comme il partait, Paul le retint par le bras :

-Ne me laisse pas l'addition ! C'était déjà assez pénible.

A contre cœur, Anton paya son écho.

-Je ne veux pas que tu me recontactes.

-Compte sur moi. Par contre ne t'avise pas de me critiquer publiquement. J'ai des appuis importants...

Ils se tournèrent le dos au sortir du restaurant. Paul ne souffrit pas spécialement de l'attitude de son frère. Il regretta simplement que Florian, l'autre officier de la famille, fût mort dans des circonstances douteuses. Autant qu'il s'en souvenait, c'était un guerrier doublé d'un esthète. Il était curieux de penser à ce que cela aurait pu donner...

Restait à Paul à se rendre à Marembourg, la ville de son enfance. Elle l'obsédait depuis quelques temps et il voyait un signe dans la récurrence de ses rêveries. Il avait eu la chance d'être élevé dans une maison pleine d'âmes et c’est dans cette belle petite agglomération qu'elle se trouvait. Quand il s'y rendit et la vit, il fut rempli d'émotions et pleura. Nul lieu ne pouvait ressembler à celui-là. Grâce à lui, il brillait...La brève visite qu'il y fit le conforta. Il avait de la chance en un sens : cette ville, cette maison, cette famille...Il était revenu dans son pays et c'était bien !

19 mars 2024

Battles. Partie 4. Une mission colossale pour Paul.

 

 

Après son retour en Ambranie, Paul Kavan se voit chargé de hautes fonctions dans le gouvernement nouvellement formé. Soucieux d'effacer bien des injustices commises par la dictature qui s'est effondré, il ne cesse de travailler.

Un an passa et il y vit plus clair. Il avait remis en selle des écrivains, des auteurs de théâtre, des comédiens et des musiciens ainsi que des compositeurs. Remettre ses artistes sur le devant de la scène dans des espaces adéquats lui avait beaucoup demandé mais avec son équipe, il y était parvenu. On l'avait décoré avec faste et il en avait été fier. Depuis, il continuait de beaucoup faire et, bien que vivant seul et étant chaste, il était plein de lui-même.

-En aurais-je donc fini avec les fantômes du passé et leur aura menaçante ? Se disait-il en se remémorant sa période anglaise. On dirait bien que c'est le cas et je suis heureux !

Avec le recul, il en saisissait mal les tenants et les aboutissants de ce qui lui était arrivé mais ce que ressortait de ces sept années d'exil, c'était une délivrance. Le Mal sous la figure du bel Instructeur n'avait plus de prise solide sur lui.

Heureux, Paul l'était donc mais il n'était pas dupe. Il n'avait pas réglé tous ses comptes avec le passé et surtout avec la prison Étoile. Elle avait été vidée de ses prisonniers et attendait une reconversion. Comme elle n'était pas accessible au public, Paul avait écrit au chef de l'état pour obtenir une autorisation de visite. Il ne l’avait pas encore obtenue.

Il continuait de courir partout pour voir des spectacles et voir renaître les arts et de consulter les nouveaux dossiers qu'on lui fournissait quand un de ses collaborateurs lui parla de Magda Egorff et du travail exceptionnel qu'elle a fourni à Estralla pendant toute la période avait été cruelle pour les artistes.

-Egorff ? Une des plus illustres familles de l'Ambrany. J'ai entendu parler de Magda quand elle régnait sur les soirées les plus raffinées. Musique classique, chants...

-C'était il y a longtemps, Paul. Vous devriez la rencontrer. Elle est bien plus qu'une mondaine...

19 mars 2024

Battles. Partie 4. Magda Egorff. Avant l'héroïsme.

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Bien avant que Paul n'ait eu l'idée de s'occuper de ceux que la dictature de Dormann avait condamné au silence et à l'inaction, puisqu'ils refusaient de collaborer, Magda, elle, avait réagi. Née dans une famille qui n'avait aucun souci d'argent, elle avait grandi dans un milieu très cultivé. Son père était un industriel béni des dieux et sa mère une passionnée de poésie. Ils tenaient salon et la petite fille avait très vite fait connaissance avec des sculpteurs, des peintres, des poètes et des écrivains qui n'étaient pas tous très connus mais avaient de la valeur. On parlait à n'en plus finir lors de ses soirées, on refaisait le monde et on ne s'arrêtait guère que pour écouter tel virtuose ou tel cantatrice qui tout d'un coup faisaient jaillir Mozart ou Chopin, Satie ou Bizet...Magda, des années après, restait ébloui du flair de ses parents car beaucoup de ceux qui avaient été reçus dans la maison familiale, avaient été très admirés, que leur succès soit prompt à venir ou qu'il soit différé. Jeune fille, elle avait bénéficié d'une éducation soignée mais dans laquelle on lui avait laissé toute liberté. Après avoir voulu être religieuse, ce qui n'avait attiré aucun commentaire désobligeant ni ricanement de la part de ses parents, elle avait voulu se tourner vers le chant et avait pris des cours avant d'intégrer le conservatoire où elle avait été formée par les meilleurs. Quelques années durant, elle avait donné des concerts et on avait loué sa voix de soprano. A cause de ses possibilités vocales et d'une présence scénique très figée, elle avait vite rencontré ses limites. Elle ne serait pas une grande cantatrice. Beaucoup l'auraient très mal pris, elle non.  Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, elle s'était lancée dans des voyages lointains d'où elle avait tiré des recueils de poèmes un peu sibyllins ainsi que des contes et des carnets de voyage. Magda, qui n'avait aucune prétention littéraire, usait d'un style dépouillé plein d'accents poétiques et avait su trouver son public. Elle aurait donc pu exploiter le filon de l'orientalisme puisque ce qu'elle disait de la Chine ou du Japon plaisait beaucoup ou encore enrichir ses lecteurs d'autres contes car ceux qu'elle avait écrits étaient très singuliers, mais tous ses projets étaient restés en suspens quand son père, qui avait un cœur affaibli, avait décidé de se retirer prématurément en Suisse. Fille unique et héritière, Magda était jolie et courtisée. Elle ne s'était pas fiancée mais le fit, pour pallier sans doute au départ de ses parents. Deux ans plus tard, ayant toujours refusé de se diriger vers le mariage, elle se retrouva seule et en fut réjouie. Elle avait trente ans. Elle se sentait vaillante mais vacilla encore et eut un fils d'un homme qui n'était pas son mari mais souhaitait l'être. Prise dans des histoires d'argent qui lui montrait du père de son enfant un visage bien hostile, elle tergiversa afin qu'il pût les voir l'un et l'autre. Au final, il le lui laissa.

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