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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
son frere peu aime.
19 mars 2024

Battles. partie 4. Anton et Paul. Deux frères très opposés.

Il n'en alla pas de même avec Anton qui était le plus jeune des frères. Enfant, Paul avait beaucoup joué avec lui et plus tard, ils étaient liés malgré le décès brutal des parents et les familles dans lesquelles on les avait placés. Le petit garçon frondeur et malicieux que Paul avait aimé avait été remplacé par un fonctionnaire de l'état faible et borné qui s'était toujours contenté de faire son travail sans jamais se poser de question. Avec Dormann, il était monté en grade, occupant un poste important au ministère des transports. Rétrogradé non pour son travail mais pour sa fâcheuse propension à le délation, Anton qui chez lui rédigeait des lettres anonymes de dénonciation de suspects, avait obtempéré et fait face à sa situation nouvelle. Mince, anguleux, le teint pâle, la silhouette un peu tassée, il aimait l'ordre et la discipline et admirait les chefs d'état autoritaires. Arrestations, jugements hâtifs et emprisonnement de tout contrevenant à l'ordre public lui paraissaient les signes clairs d'un pays bien gouverné...

Au téléphone, il fut méfiant quand Paul l’appela et mit beaucoup de temps à accepter de rencontrer dans un bon restaurant ce frère honni. Quand Paul le vit, il eut un haut le corps. Ce petit personnage jaunâtre était révoltant.  Soucieux de ne pas le faire fuir par une confrontation brutale, il s'enquit de sa famille et parla de l'enfance. Anton ne dit rien de mal sur son père qu'il trouvait autoritaire et ferme mais fut condescendant face aux rêveries de sa mère. Sans l'avouer, il était jaloux de la belle trajectoire d'Emil, trouvait la conduite de Florian, leur frère défunt, parfaitement idiote et avoua à Paul que non content d'avoir plastronné comme journaliste, il avait imposé au reste de la famille le spectacle de ses relations anarchiques avec sa femme et celui plus pathétique encore de l'éducation libérale qu'il avait infligée à ses enfants. Et c'était sans parler de ses clowneries ! Le cirque de ses maîtresses, ses écrits arrogants dans la presse puis ses actes de résistance qui avaient de quoi soulever le cœur. Il ne devait pas s'attendre à une mise en cause de son jugement et de sa condamnation. Quand on est inconséquent, voilà à quoi on s'expose !

Moins grand que Paul, Anton était, et il avait dû en souffrir, le plus laid des quatre frères. Il n'avait pas la prestance physique des deux premiers qui, sans être beaux, avaient de l'allure en uniforme, ni le charme méditerranéen de Paul, son élégance vestimentaire et la rondeur de ses gestes. Disgracieux dès l'adolescence, il était devenu chauve, portait des lunettes à grosses montures noires et arborait un embonpoint gênant. En outre, même sa voix était déplaisante. Voyant que Paul le laissait parler sans mot dire, il crut avoir l'avantage et claironna :

-Tu t'attendais à quoi ?

-Mais à ce qu'on se parle !

-Normalement ? Tu sais quand même ce que tu as fait !

-Et ce que toi, tu as fait, on en parle ?  On t'a donné un document à signature et tu l'as signé, acceptant de me renier...Les temps ont changé. Tu n'es pas songeur ?

-Et ça se met en avant !

-Écoute, Anton ! Il y a longtemps qu'on m'a dit que tu étais un imbécile mais nous avons des liens de sang et une enfance commune. Ayant de bons souvenirs de toi, je n'ai pas cru ce que j'ai entendu. J'ai eu tort : c'est vrai.

Anton devint écarlate et faillit jeter son assiette à la tête de son frère mais il se contint par crainte du scandale. C'est qu'il avait les faveurs du nouveau régime !

-Merci Paul. Tu as autre chose à dire ?

-A Étoile, j'ai eu un instructeur chargé de me rééduquer. Quand je pense que ce genre de personnage s'appuient sur des gens comme toi...

Anton ne répondit rien. Son épouse Flavia l'attendait à la maison. Elle avait très mauvais caractère et il ne voulait pas être trop agité pour l'affronter. Quant à leur fille unique, elle était toujours à leur charge puisque mentalement déséquilibrée, elle séjournait chez eux...Il valait mieux écourter ce déjeuner et fausser compagnie à ce poseur. Comme il partait, Paul le retint par le bras :

-Ne me laisse pas l'addition ! C'était déjà assez pénible.

A contre cœur, Anton paya son écho.

-Je ne veux pas que tu me recontactes.

-Compte sur moi. Par contre ne t'avise pas de me critiquer publiquement. J'ai des appuis importants...

Ils se tournèrent le dos au sortir du restaurant. Paul ne souffrit pas spécialement de l'attitude de son frère. Il regretta simplement que Florian, l'autre officier de la famille, fût mort dans des circonstances douteuses. Autant qu'il s'en souvenait, c'était un guerrier doublé d'un esthète. Il était curieux de penser à ce que cela aurait pu donner...

Restait à Paul à se rendre à Marembourg, la ville de son enfance. Elle l'obsédait depuis quelques temps et il voyait un signe dans la récurrence de ses rêveries. Il avait eu la chance d'être élevé dans une maison pleine d'âmes et c’est dans cette belle petite agglomération qu'elle se trouvait. Quand il s'y rendit et la vit, il fut rempli d'émotions et pleura. Nul lieu ne pouvait ressembler à celui-là. Grâce à lui, il brillait...La brève visite qu'il y fit le conforta. Il avait de la chance en un sens : cette ville, cette maison, cette famille...Il était revenu dans son pays et c'était bien !

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