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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
apaisement. derniers troubles. paul
9 mars 2024

Battles. Partie 4. Et ce fut tout.

Dans le nord du pays, là où avait régné la désolation, tout avait changé. Des camions avaient déjà emporté d’Étoile les derniers vestiges d'un univers carcéral que certains devaient regretter. Outre les usines, il y avait une ville maintenant, un aéroport où des avions atterrissaient, des écoles, des théâtres, des salles de sport. On avait érigé un musée qui évoquait les horreurs commises. A voir les photos, Paul était surpris de toutes ses réalisations. La Ville s'appelait Cordis. Y vivaient des travailleurs d'aujourd'hui. Ni Magda ni Esmed n'évoquaient un voyage là-bas. Paul le vivrait mal malgré tout. Ces derniers temps, il était moins actif. Esmed s'était trouvé quelqu'un de fort qui l'aidait dans ses tournées et il s'assumait davantage. Paul, plus sédentaire, lisait beaucoup. Il s'était apaisé et avait constaté que sa vie s'unifiait. Lui aurait-on demandé des années auparavant de prédire son avenir, il n'aurait certainement pas imaginé mener une existence aussi haute en couleurs ! Elle était sereine et le resta longtemps. Puis un jour, alors qu'il découvrait un de ces nouveaux auteurs ambraniens qui le ravissaient, il fut surpris. Le marque page, dans son livre, n'était plus le même. Il avait laissé un signet rectangulaire représentant un tableau abstrait, il retrouva une photo. C'était celle de l'instructeur mort. Il se dit :

-Qu'est-ce ça fait là ?

Et il déchira cette photo qu'il avait reçue en Angleterre. Le lendemain, il y en avait une autre. C'était lui et Winger à Étoile, quand sa rééducation était terminée et que son transfert s'annonçait. Ils étaient l'un et l'autre debout dans le logement de l'instructeur. Celui-ci portait un pantalon de cheval et un pull gris ajusté. Il souriait. Paul, en costume bleu marine et chemise blanche, avait un sourire plus indécis. D'où sortait cette photo dont il ignorait l'existence ? Qui l'avait prise ?  Surpris et mal à l’aise, il ne la déchira pas mais alla la placer dans un autre livre de sa bibliothèque.

-J'aviserai.

Trois jours plus tard, il y en avait une autre. A Dannick, devant l'opéra, posait un beau jeune homme blond. La photo avait été prise quelques jours auparavant. Winger était très reconnaissable. Il portait un costume à la mode sur un manteau ouvert. Sa beauté était rayonnante. Au dos de la photo, on avait écrit : Moi, vingt-sept ans.

-Qu'est-ce que tu veux ? Je suis en train de devenir un vieux monsieur.  Quel pouvoir pourrais-tu bien avoir ? Je peux mourir demain.

Il n'y eut plus de photo mais une mèche de cheveux blond apparut sur le bureau de Paul le jour suivant. Elle était identique à celle qui était restée longtemps posée sur le bureau de l'instructeur à Étoile. Paul la rangea dans un tiroir. Des crimes atroces se produisirent à Dannick et mirent la ville en émoi. On parla de deux jeunes hommes issus d'un mouvement néo-fasciste mais on n'arrêta personne. Un soir, Paul prit la mèche de cheveux entre ses doigts et murmura :

-Camarades de l'ombre, ici Battles.

Il brûla les cheveux d'or et se débarrassa des photos. A Magda, il ne rien et rien non plus à Esmed et aux siens. Une crainte ancienne s'éteignit en lui. Et ce fut tout.

 

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