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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
19 mars 2024

Battles. Partie 4. Un jeune homme fantasque dans un château.

 

 

L'inconnu s'était relevé. Assis sur un fauteuil, il observait Paul et lui sourit.

-Et maintenant, comment vous sentez-vous ?

-Je me suis repris.

-Je vois cela. Votre visage paraît plus serein.

Sa façon de faire était charmante. Paul sourit à son tour.

-Au fait, qui êtes-vous ?

-Je m'appelle Esmed Keretz. Je suis un des pensionnaires de madame Egorff. J'ai fait le conservatoire. Je suis pianiste.

-Bien, c'est bien...

-En réalité, vous auriez dû faire ma connaissance dans l'après-midi. Je ne devrais pas me trouver là mais il y avait cette tentation...

Paul sourit.

-Vous aurez une autre opportunité.

-Ce n'est pas le sujet.

-Quel est-il, alors ?

-Magda, je veux dire madame Ergoff ne plaisante pas. Les présentations ne sont pas pour maintenant. Alors, je vais remettre de l'ordre et filer par l'escalier de service.

-Vraiment ?

-Vous ne m'avez pas rencontré. Hein, vous vous souviendrez ?

Ils s'étaient approchés l'un de l'autre.

Il n'a pas les mêmes traits, pas exactement, pensa Paul. Mais le front est haut, les yeux sont bleus et la chevelure a la même implantation. Par contre la bouche est différente, la carnation aussi. Ce n'est pas lui. Ce ne sera plus jamais lui.

-Oui, c'est entendu. Je suis monté me reposer et c'était tranquille.

-Vous pouvez descendre l'attendre. C'est plus simple pour moi ?

-Bien sûr, j'y vais.

Cette fois, le jeune homme riait.

-Important : je n'étais pas là.

-Bien sûr que non.

Paul adressa au jeune homme un sourire amusé mais celui-ci devint grave.

-Donc, à plus tard, monsieur Kavan.

-En effet, monsieur Keretz.

Paul regagna le ré de chaussée où il attendit en lisant. Dix minutes après, Magda Egorff arriva, agacée.

-Ce n'est pas possible, pas possible !

Soudain, en entrant dans le salon, elle vit Paul.

-Je suis incroyablement navrée !

-Ne le soyez pas.

-Quand je suis à Estralla, je ne sais où donner de la tête. J'ai donné des consignes contradictoires ! Je vous ai fait attendre, suis arrivée en retard sur les lieux de notre rendez-vous, mon téléphone ne fonctionnait pas ! Vraiment !

-Rien de grave ! Je suis arrivée à bon port.

Il était charmé par elle, si altière, si grande dame. Elle venait de quitter un très beau manteau de demi saison, brun avec des parements violets et elle portait une robe prune et des bijoux en or.

-On vous a servi du thé au moins ?

-Bien sûr.

-Et vous n'avez rencontré personne mis à part la personne qui vous a accueilli ?

-Non.

-Parfait.

Ils devisaient quand elle s'avisa d'aller chercher la servante qui ne répondait pas à son appel. Malheureusement pour lui, le jeune homme n'avait pu emprunter l'escalier de service dont la porte d’accès était fermée à clé. Pensant qu'il pourrait se faufiler tandis que Paul et elle discutaient, il tentait sa chance dans l'escalier principal. Mais elle le surprit en quittant le salon plus vite que prévu. Paul était sur ses talons et il la vit s'emporter.

-Non mais quel est ce prodige ! Esmed, que faites-vous là ?

-Madame, j'avais oublié une partition...

-Une partition ! Tout ce que vous devez interpréter tout à l'heure est déjà en votre possession. C’est une fable, une de plus !

-Debussy. Je voulais faire un échange. Regardez...

Il avait une partition en main.

-Vous mentez mieux d'habitude. Vous étiez dans l'appartement du haut, celui où vous logez quand je le décide ?

-Je...Oui.

-Vous n'aviez rien à y faire ?

-Non, madame.

-Vraiment rien, j'espère. Vous me suivez ?

-Parfaitement, madame.

Magda soupira et Esmed se mordit les lèvres. Il y aurait un règlement de compte.

-Avez-vous rencontré monsieur Kavan ?

-Non.

-Esmed, je vous le présente.

Le jeune homme salua poliment et garda les yeux baissés. Paul s'amusait beaucoup.

-Il y a bien des contes en Ambrany et cet Esmed pourrait figurer dans l'un d'eux. Je suis là, je ne suis pas là. J'apparais, je disparais. Et surtout, je ne suis pas là où je devrais être... Mais bref, vous montrerez tout à l'heure un autre aspect de vous-même à monsieur Kavan.

-C'est certain, madame.

-Filez !

Il partit sans se retourner et Paul, pourtant, aurait voulu qu'il le fasse, ne serait-ce que pour revoir ce sourire tantôt espiègle, tantôt triste.

 

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