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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
28 novembre 2023

Round here. Partie5. Tournée Symphonica. Danemark. Erik.

SANS VISAGE

 

Je regarde les photos des siens et je le regarde lui. Il m'observe. On dirait qu'il voit à travers moi et je suis certain qu'il ne décèle pas du négatif. On prend du café et on parle. Au bout d'un moment, je ne dis plus rien et le contemple. Difficile d'être plus opposé que Fadi et lui. La rondeur orientale d'un côté et le silence plein de classe de l'autre, la faconde et la sensualité d'un côté, le contrôle de soi de l'autre même si le regard est plein de sensibilité. On va dans sa chambre. Nudité. Émotion. Il reste adroit et tendre. Sur des étagères, des affaires de danse soigneusement pliées : justaucorps, jambières et tout en bas, des chaussons. Sur d'autres, toutes sortes de livres. Jouissance forte pour lui et pour moi...Nouvelle discussion sur ma tournée, son spectacle, que je verrai et sa troupe. Sur sa femme, rien. Sur ses enfants, des photos. Difficile d'être plus beaux. Aucune explication ni justification mais la sensation qu'il est effectivement en vérité. Il m'insuffle de la force car sobre et observateur, il est plein d'amour pour la vie. Impact spirituel de ses regards sur moi. En fin de journée, il appelle un taxi et me met dedans. Personne ne me prend en chasse. Étonnant. Les jours suivants, on se promène dans son quartier et il m'emmène voir les locaux où sa troupe s'entraîne. Belle salle de spectacle, on entend du piano, des danseurs montent et descendent les escaliers. Je suis reconnu mais on me sourit sans m'aborder. Il me laisse un moment avec deux danseuses rougissantes puis revient. Retour chez lui. Beau corps ferme. Dans son quartier, des galeries d'art, des bars branchés, des cafés inattendus et beaucoup de gens qui marchent ou garent leurs vélos. Il me laisse, je crois, visiter le reste de la ville avec des officiels et se borne à me montrer l'endroit où il vit. Toujours rien sur son mariage mais dans son appartement, il y a des vêtements de femme dans un placard et des jouets d'enfants qui n'étaient pas là hier. Je lui demande si Mathilde est absente et il me répond que non, elle est là, à Copenhague. Les portraits d'elle montre une femme blonde aux traits fins et au regard grave. Toujours ce sentiment qu'il me donne de la force comme si j'allais en avoir vraiment besoin dans les temps à venir. Dernier soir après des concerts très réussi, son spectacle. Une sorte de rétrospective de ce qu'il a pu faire en six ans avec ses danseurs. J'y retrouve ce ballet de lui qui m'a marqué et d'autres pièces. Il danse à trois reprises. Ici, il est admiré. Son théâtre se situe dans un quartier limitrophe de Vesterbro et il est joli. Beaucoup de monde mais peu de touristes. Je suis au premier rang et je sens des regards. Aïe, journalistes...

Fadi de mauvaise humeur au téléphone. Il y a des photos. Bordel, George ! Je me doute bien qu'il y en a mais aucune n'est croustillante. Je me promène dans une ville d'Europe du nord, en élégante compagnie certes mais voilà tout...Je le laisse râler puis lui précise que pour l'Italie, c'est sûr avec lui de même que l’Allemagne. Au bout d'un moment, il cesse de bougonner mais ne chante pas.

Derniers moments. Je garde Erik longtemps contre moi. Il approche de la quarantaine mais reste mince et beau. Il me regarde. Que voit-il ? Je le lui demande mais il ne me dit rien. Je sens qu'il me respecte beaucoup et qu'il me connaît bien plus qu'il ne le laisse supposer. Je ne remets rien en cause avec Fadi, mon oriental blagueur et solide, mais je sais qu'il y a un lien fort avec ce danseur. C'est peut-être au-delà de l'amour classique...Ceci dit, il me foudroie.

 

-Toutes ces années à se voir de loin en loin. Si tu avais mis moins de freins, on aurait eu une histoire d'amour beaucoup plus forte. Tu en es aussi convaincu que moi, n'est-ce pas ?

-C'est assez vrai mais tu as fait des choix précis et moi les miens. C'est bien qu'il y avait des réticences de part et d’autre.

-Et pas d'amour ?

J'ai réussi à le faire rougir. Il penche la tête sur le côté et baisse les yeux. Quand il me regarde de nouveau, je vois qu'il est très troublé.

-Je ne pourrais pas dire ça, tu le sais bien.

-Mais malgré tout...

-Il faudrait arrêter, sous cette forme là en tout cas.

-Il existe une autre forme ?

-Je prendrai des nouvelles, penserai à toi.

Je suis suffoqué. A nos âges, on sait ce qui se cache derrière de telles paroles. Il a toujours été franc. Je suis surpris qu'il se contente de si peu.

-Tu me balances. Dis-le sous cette forme. Sois clair !

-Non, George, je modifie notre relation car il le faut. Il va te falloir être fort.

-Ah ? A cause de quoi ?

-Je crois que tu le sauras bientôt.

-Allons bon ! Qu'est-ce que ça signifie tout ça ! Tu peux m'expliquer ton air mystérieux ?

-Ton compagnon, à Londres, il est proche de toi, c'est important. Très même. Il est de confiance à ce que tu me dis...

-Il l'est, oui, mais quel rapport ?

-Tu auras besoin de lui, vraiment et il sera là. Tu comprends ?

-Non.

-Il sera là, George.

-L'attrape-rêves...

-Quoi ?

-Rien.

Curieusement, cette ultime discussion me laisse perplexe. Depuis le début, j'ai toujours eu le sentiment que cet Erik voyait en moi ce que n’y discernais pas encore moi-même. Je ne pense pas que ce soit intellectuel chez lui, c'est plutôt du domaine de la prescience. Il a senti quelque chose et il guide comme il peut...C'est pourquoi je ne le quitte pas ulcéré, loin de là, mais intrigué, apeuré aussi, il faut bien le dire...Il m'a mis en garde, m'a dit de me préparer...

 

La tournée se poursuit. Belles salles. J'aime les ors et les pourpres. Mes chansons avec tout ce qu'apporte un orchestre symphonique...Les cordes m'émeuvent.

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