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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
19 avril 2023

Dans les exils. (2)

Exil exil

 

«Comme si nous-mêmes n’étions jamais partis de chez nous. Comme si nous-mêmes ne devions rien à d’autres migrants, à d’anciens, à de très vieux nomades, comme si nous-mêmes n’avions pas la mémoire d’odyssées, le souvenir d’errances folles, de ruptures fondatrices, celui d’épopées tragiques, de métamorphoses radicales et d’appartenances multiples. (…)

J’observe alors combien nous sommes prompts à l’agonie, la nôtre, pour cacher celle des autres, combien nous sommes sûrs à l’agonie, la nôtre, et implacables, quand nous devons crier à la dispersion de notre héritage, à l’apocalypse, quand nous devons hurler avec les loups à l’oubli, au vol de notre chère petite cassette identitaire (comme si toute identité n’était pas faite de métamorphoses successives, de mémoires multiples), au détournement de notre sol national (comme si les apatrides, les sans terre, les sans nation, s’étaient faits tout seul). J’observe que c’est à l’apparition de l’autre qui erre, de celui qui se noie, de celles qui se perdent, j’observe que c’est au naufrage sur nos rivages d’enfants, de femmes et d’hommes que nous n’attendions pas, à l’apparition de camps, de cohortes, de cohues affamées à nos périphéries, que nous songeons soudain à notre mémoire enfuie, que nous nous soucions de notre propre apparition en quelque lieu choisi et identifié, que nous défendons notre propre petit campement de fortune, de quelques siècles tout au plus, tout en nous disant à l’agonie. »

Quelle terreur en nous ne veut pas finir ? (P.O.L, 2015)

 

 

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