Disparaître ? Changer d'identité ? Ce n'est pas si difficile que cela. Peut-être que si on veut disparaître pour toujours, c'est difficile parce qu'il faut avoir eu une existence vraiment désastreuse. Je ne sais pas comment on fait dans ces cas-là. Je ne suis pas dans la tête d'un homme aux abois qui ne sait comment payer ses dettes et je n'ai pas ruiné ma famille. Je ne suis pas non plus une tueuse qui veut se faire oublier. Vous savez, ces infanticides monstrueux qui feront qu'on vous enfermera pour la vie et qui ne vous laissent d'autre choix que celui de vous volatiliser. Non, je suis différente. J'étais dans une situation difficile et voilà, un beau jour, j'ai disparu. Moi Alicia Chatelet, vingt ans.

Je n’avais rien prémédité, j’ai agi sur un coup de tête. J'étais serveuse dans un café à saint-Denis, près de la basilique, et je partageais un tout petit logement avec une copine. Depuis longtemps, j'avais la nostalgie d'une enfance et d'une adolescence équilibrées et de parents soudés et attentifs, c'est pourquoi, bien qu'ayant à un moment rompu les ponts avec eux de manière abrupte , je gardais un lien avec mes parents. A cette époque-là,je revenais de vacances chez eux, près de Chartres. Comme d’habitude, mon père m'avait manifesté la même indifférence indolente dont il avait toujours fait preuve à mon égard et, avec ma mère, cela s’était mal passé. Depuis ma naissance, elle me rappelait que je n’avais pas été désirée. Les propos dévalorisants et violents, parfois les coups, étaient mon lot quotidien. J’étais arrivée au bout du supportable, il fallait que ça s’arrête. Jadis, d'un premier mariage, elle avait deux enfants qui avaient fait leur vie. A l'époque de ses secondes épousailles, elle ne voulait plus être mère. J'étais apparue, malgré tout. C'était un coup du destin !