George Michael est si heureux d'avoir trouvé l'amour qu'il envisage même de mettre un terme à sa carrière. Prudent, l'être aimé est plus rationnel...

Au fil du temps, d'escapades à Los Angeles en parcs nationaux, de brefs passages à Londres où George s'occupait de sa carrière, tout se densifiait. Anselmo rencontrait des amis du chanteur, on dînait ensemble, on dansait. Attentif à la carrière de George, le jeune homme restait en retrait puis donnait son avis. Cette chanson, cet autre, ce qui était magnifique, ce qui était plus consensuel...Le chanteur acceptait tout car son faune lui parlait sans aménité, gardant son enthousiasme et sa grâce funambulesque. Son jugement était juste et sa parole sans sophistication. Toutefois, George le sentait, ce garçon là, il lui fallait Rio et le Brésil alors ils s'y rendaient. Dès l'aéroport, entouré de ses sœurs ou de ses amis, Anselmo rayonnait.

-Je vais continuer à t'apprendre à danser la samba !

-Je ne progresse pas !

-Faux, archi-faux...

-Et le Carnaval ? J'y participe aussi ?

-Você quer participar do carnaval carioca! Mas George, é maravilhoso!

-Quoi ?

-Rien.

-Traduis !

-Non !

Que de rires ! Que d'échanges ! Cet amour...George, depuis sa vie était bouleversée, relativisait son parcours et le voyait comme celui d'un sale ambitieux, minimisant soudain son amour de la musique, de la chanson et de la scène...

-La célébrité, l’argent, toutes ces choses, sont finalement assez fades !

Anselmo fronçait les sourcils.

-En comparaison de quoi ?

-Mais de toi avec moi ! J'ai vingt-sept ans. Qu'y a t'il de plus beau que de me réveiller avec quelqu’un qui m’aime dans mon lit ?

-Tu dis ça parce que je m'étire ?

George pouffa de rire.

-Non. Serein, puissant, nourrissant...Tu es absolument cette image là de l'amour...Je veux passer tout mon temps avec toi ! En fait, la chanson, tout ce cirque, je veux laisser tomber.

Anselmo, encore ensommeillé, venait de se redresser dans le lit. Il paraissait stupéfait.

-Tu as une carrière et il n'y a aucune raison valable pour que tu la négliges...

-Écoute ! Je viens d’une génération de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix, où les gens sont politiques, altruistes, essaient de stopper les guerres, de supprimer les bombes ! Là, ils ont un rôle important. Mais nous, les musiciens nous sommes des amuseurs et à ce titre, toujours des esclaves ! Les maisons de disques nous traitent mal. Oui, je suis célèbre mais regarde mon droit de regard sur ma carrière !

-Tout de même...

-Non, pas tout de même !Dans l'industrie cinématographique, ça a bien évolué car les acteurs ont formé des collectifs et se sont défendus.Tu sais, Charlie Chaplin et les autres.Maintenant, ils sont beaucoup moins manipulables. Mais le monde de la chanson,je t'assure !

-D'accord mais avec le succès que tu as tu es au dessus de tout cela !

-Pas du tout. Alors, c'est clair. Sois ça change vite et ma carrière se poursuivra ou tout est immuable et je tire ma révérence.

Cette fois, Anselmo s'agitait.

-Tu es sérieux, là, George ? Tu te vois ne plus chanter ?

-Si ce carcan n'est pas secoué, oui, ce serait possible !  Si je ne peux plus rien faire de bénéfique en tant que musicien, pour les années à venir, au moins je pourrais faire quelque chose de spectaculaire en tant qu’altruiste, et les gens finiront par comprendre...

-George le philanthrope ! En attendant, tu dois aller au Japon et ensuite, il y a tous ces concerts aux États-Unis...

-Ce sera vite réglé. Quoi ? Je vois que tu es perplexe ! Je crois à ce que je dis.

Oui, il était sûr de lui, le jeune brésilien le voyait et cet aplomb le suffoquait. Quitter cette célébrité là...

Plus tard dans la journée comme ils se séchaient au soleil après avoir longuement nagé dans l'océan Pacifique, George reprit.

-Ma tournée terminée, on vit vraiment ensemble.

-Au Brésil, ils savent déjà. Mes sœurs, ma mère...Je n'ai jamais caché et ils te connaissent.

-Moi si, mais je leur dirai.

C'était chevaleresque mais faux. Je t'aime tellement, tellement...Je ne pouvais pas imaginer une telle félicité et j'étais sûr qu'en effet je trouverai la force de parler...C'était une marque de respect pour lui et pour moi...

Il le souhaita mais ne le fit pas. Pendant toute sa liaison avec Anselmo, jamais il ne s'ouvrit ni à sa mère ni à ses deux sœurs de cet amour qui changeait sa vie. Il n'y eut que son père qui, au téléphone puis de visu, quand ils se virent en Angleterre,lui fit clairement comprendre qu'il savait ce qu'il en était pour lui et qu'il était sans jugement. Lui-même s'était quelque peu écarté de Lesley et allait souvent à Chypre où il semblait avoir une douce amie...