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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
partie 4 paul et esmed s'apprivoisent. ce qui est dit et non di
20 novembre 2024

Battles. Partie 4. Esmed et Paul. Dits et non dits.

 

Paul s'attendait à ce que le jeune homme devienne grave mais il sourit. Il s'amusait donc.

-Bien sûr que c'est très bien. C'est juste que vous ne venez pas.

-Vous voulez que je vienne maintenant ?

Esmed eut un sourire rusé.

-Bien sûr.

Paul fit des allées et venues dans ses appartements.

-Alors, tu aimes ?

-C'est un bel espace. Je vous l'avais déjà dit.

-Que penses-tu de ma chambre ?

Il provoquait Paul en se mettant à le tutoyer.

-Ce sont les rencontres que tu fais qui doivent être intimidées quand elles y arrivent.  C'est un très beau décor.

-Oui, ça les gêne un peu. Le lit est très confortable mais c'est aristocratique donc décadent. Alors forcément...

Paul, amusé par l'habileté du jeune artiste, le tutoyait désormais, sans arrière-pensée.

-Tu es sincère ?

-Non. Bien sûr que non. Il ne se passe rien ici. Je ne sais pas comment ils réagiraient et je ne veux pas que ça atteigne madame Egorff.

-Alors, où vas-tu ?

-Je sors. Mieux vaut que ça reste vague.

Paul s'était assis dans le salon près du piano où s'entraînait Esmed. Celui-ci au contraire continuait d'aller et venir. S'arrêtant soudain, il prit un air surpris 

-Tu rencontres à l'extérieur, donc. Tu n'as jamais peur ? Il y a peu, les temps étaient sombres. Il y a eu beaucoup de prédateurs, il doit y en avoir encore beaucoup.

-On s'attaquerait à quelqu'un comme moi ?

-Tu en doutes ?

-Je n'ai rien remarqué.

Paul ne le crut pas. Ce ne devait pas être simple. Rusé, Esmed, qui restait calme, retourna la question.

-Et pour toi, tout va bien ? Tu ne dois pas faire attention ?

-A l'évidence, si. Il y a des endroits où il est préférable que je ne montre pas.

-Les prisons où tu es allé ?

-Je n'avais pas cela en tête.

Le jeune homme avait beau être fantasque, il n'en était pas moins sensible. Et il était malin.

-Tu n'y penses jamais ?

-Si.

-Parce qu'on n'a pas arrêté tous ceux qui y travaillaient...

-Comment sais-tu cela ?

-Je sors le soir...Quand même, ce doit être rageant...

-Je ne suis ni ministre de la justice, ni chef de police. Et pour te répondre, oui, c'est délicat, parfois.

-Ceux d’Étoile...

-Je ne veux pas évoquer ce sujet. Ne me demande rien sur cette prison et rien sur ce qui a suivi. La Suède, l'Angleterre...Mes cours, mes livres, oui bien sûr, mais le reste, non. Toi, je le sais, tu n'aimes pas parler de ta famille et je le respecte. Il faut prendre les choses comme elles sont. J'espère ne pas te heurter.

De nouveau, Esmed le regarda avec acuité.

-Tu ne veux pas m'offenser ?

Paul fut interloqué.

-Je peux savoir de quoi tu parles ?

-Tu n'oserais pas nous offenser, madame Egorff et moi ?

-Pourquoi le ferais-je ?

-Nous, nous ne le ferions jamais. Mais toi, tu y serais peut-être contraint.

-Non.

Esmed n'eut pas l'air convaincu.

-Je ne fais pas mon possible ? Je ne vous aide pas ?

-Tu nous aides, Paul. Bien, repassons à un sujet léger. Pourquoi t'obstines-tu à te passer de femmes ? Tu as plus de cinquante ans d'accord mais justement, c'est le bel âge quand on a ta position ! Tu ne les vois pas, là, qui se bousculent au portillon ?

Paul éclata de rire.

-Si !

-Eh bien alors ?

-On se bouscule aussi pour toi.

-Pas le même genre. Laisse-toi aller ; ça te rendra plus sensible aux élans des uns et des autres. Tu pourrais, par exemple, plus tard, défendre les gens comme moi car je sais qu'auparavant tu as vu qu'on pouvait nous martyriser...

Paul eut une brusque vision de son instructeur niant qu'à Étoile, il y avait un bordel de garçons. Esmed aurait pu s'y trouver...

-J'y réfléchirai.

Esmed s'approcha : il avait des larmes au bord des cils.

-Tes prisons, tu devrais en parler. Celle-là surtout.

-Non.

-Pourquoi?

-Parce que c'est inutile.

Paul s'éclipsa.

Dans les jours qui suivirent, il constata que le jeune pianiste évitait toute question personnelle. Il travaillait. Dès qu'il s'agissait de musique, Esmed n'était pas laxiste. Il l'entendait s'entraîner des heures entières.

 

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