Clive, le Vengeur. Partie 4. A l'hôtel, comme avant. Tendresse et conseils.
Après des mois d'errance à errer dans Manhattan, Clive Dorwell, reconverti dans le spectacle, retrouve Erik le danseur qu'il a un temps traqué pour répondre à un pari...
Je lui ai tout de même rappelé ce qu’il m’avait confié longtemps auparavant. Que des liaisons masculines, c’était bien mais que ça ne l’empêcherait pas de se rapprocher d’une femme. Pour moi, il pouvait en trouver une qui lui convienne.
-Si tu choisis une femme, sois clair avec toi-même. Mentir, tout mélanger, ce n’est pas bien. Si tu fais ce choix, sois rigoureux. Moi, j’avais une femme et une fille. Je les ai ménagées autant que j’ai pu. Elles ne méritaient pas d’être éreintées sous couvert que j’avais des aventures masculines. Après, je suis tombé sur toi. Ce que je ne voulais pas est arrivé. Je suis tombé amoureux. Mon mariage a valsé. Carolyn a été perturbée. Elle le reste au fond d’elle-même. Bien sûr, elle a un copain et parait heureuse. Kristin s’est remariée.
-Et donc ?
-Je suis plus stable avec Kathleen. Tu peux l’être avec Liz.
-Liz ? Elle m’épaule. Mais Clive, je ne suis pas comme toi.
-Ah? Alors, il reste Simon.
-Ne cherche pas à plaquer des explications sur des situations dont tu ignores tout. Le double jeu, tu aimes bien. Moi, beaucoup moins que toi et contrairement à ce que tu peux penser, être seul ne me dérange pas.
Je n’ai rien ajouté. Le soir est arrivé et on s’est étreint sans faire l’amour. On a dîné en évitant tout alcool et on s’est allongé. Je me suis endormi très vite. Un sommeil lourd et dense. Avant de sombrer, j’ai pensé à tout ce qui faisait mon quotidien. J’ai vu Kathleen qui rentrait chez elle, les bras chargés de sacs de nourriture. Mon appel disant que je passais en fin de compte deux nuits et non une à Manhattan l’avait un peu surprise mais je lui avais promis une belle robe pour me faire pardonner. A Newark Follies, le personnel mettait tout en place pour le dîner, sachant que ce soir-là, il n’y avait pas de spectacle. Demain, je retrouverai cet univers. J’ai pensé à Kirsten aussi et à cette peur que je ne commette une énorme erreur. Il faudrait que je passe la voir.
J’ai contemplé Erik endormi et moi- aussi, j’ai glissé dans le sommeil. Au milieu de la nuit, ça nous a repris. On s’est remis à faire l’amour et ça a duré jusqu’au matin. Quand on a refait surface, on est restés allongés l’un à côté de l’autre et je lui ai dit :
-Je ferme les yeux et je vois un cercle. Il est très beau : des traçages rouges sur fond doré.
Il a fait comme moi.
-Les lignes, ce sont les chemins qu’on devait prendre pour se retrouver de nouveau avant de s’écarter un peu pour prendre la mesure de toute chose…
-C’est ainsi que tu vois les choses, Erik ?
-Oui. Encore que…
-Encore que ?
-Les couleurs ne sont pas figées. Tu ne t’en rends pas compte ?
J’ai fermé très fort mes yeux et mes paupières closes m’ont renvoyé à un autre cercle, ou alors au même mais transformé…
-Ah oui, c’est le bleu qui domine maintenant !
-Non, c’est du vert. Clive, tu vois bien ? Tout est vert !
-Exact.
Je n’ai pas dit au beau jeune homme ce qui m’apparaissait. Tout était furtif mais tout était réel et en effet, je m’en suis rendu compte, le corps offert du danseur reposait sur un lit de verdure…Les branches des arbres bruissaient et dans un soleil un peu voilé les verts des herbes et des feuilles scintillaient. On entendait bruire un ruisseau. Tout était vert. Des hommes et des femmes d’âges divers tournaient autour de lui et, toujours plongé dans une douce somnolence, il les emplissait d’une telle quiétude qu’ils souriaient de bonheur. Mais lui finissait par se lever et il disparaissait derrière les arbres. On entendait alors des cris de désespoir, de ralliement et de jouissance. Ses admirateurs d’un moment devenaient ses prédateurs. Il ne pouvait leur échapper. Le temps avait fraichi et il faisait gris mais quand il réussissait à se dégager des buissons où on le traquait, tout était rouge. Puis, on le retrouvait sur son lit de verdure. Tout était vert et lumineux de nouveau ; mais lui, semblait sans vie. C’était désolant mais tout d’un coup, tout redevenait comme au départ et ses adorateurs arrivaient. De nouveau, sa beauté était rayonnante.
-Dis-moi ce que tu vois…
-Je le garde pour moi Erik.
-Comme tu veux mais pourquoi ?
-Je ne comprends pas de quoi ça parle.
Il est venu se blottir dans mes bras comme la veille. Une sensation inouïe de bonheur m’avait envahi et j’avais bien du mal à ne pas la trouver exquise. Puis, il est sorti du lit. Il a pris un café et il m’a dit que là, il fallait vraiment qu’il repasse à son hôtel avant de gagner l’aéroport. Il avait l’air hésitant comme si tout ce qui venait de se passer en deux jours était si incroyable que le cours de sa vie en était infléchi. Je l’ai fait un peu parler de ses horaires de vol et du programme chargé des jours à venir. J’ai évoqué son retour à Montréal, les amis qu’ils retrouverait.