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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
clive dorwell retrouve le danseur qu'il a piege. retournement et
16 octobre 2024

Clive, le Vengeur. Partie 4. A l'hôtel, comme avant. Tendresse et conseils.

 

Après des mois d'errance à errer dans Manhattan, Clive Dorwell, reconverti dans le spectacle, retrouve Erik le danseur qu'il a un temps traqué pour répondre à un pari...

Je lui ai tout de même rappelé ce qu’il m’avait confié longtemps auparavant. Que des liaisons masculines, c’était bien mais que ça ne l’empêcherait pas de se rapprocher d’une femme. Pour moi, il pouvait en trouver une qui lui convienne.

-Si tu choisis une femme, sois clair avec toi-même. Mentir, tout mélanger, ce n’est pas bien. Si tu fais ce choix, sois rigoureux. Moi, j’avais une femme et une fille. Je les ai ménagées autant que j’ai pu. Elles ne méritaient pas d’être éreintées sous couvert que j’avais des aventures masculines. Après, je suis tombé sur toi. Ce que je ne voulais pas est arrivé. Je suis tombé amoureux. Mon mariage a valsé. Carolyn a été perturbée. Elle le reste au fond d’elle-même. Bien sûr, elle a un copain et parait heureuse. Kristin s’est remariée.

-Et donc ?

-Je suis plus stable avec Kathleen. Tu peux l’être avec Liz.

-Liz ? Elle m’épaule. Mais Clive, je ne suis pas comme toi.

-Ah?  Alors, il reste Simon.

-Ne cherche pas à plaquer des explications sur des situations dont tu ignores tout. Le double jeu, tu aimes bien. Moi, beaucoup moins que toi et contrairement à ce que tu peux penser, être seul ne me dérange pas.

Je n’ai rien ajouté. Le soir est arrivé et on s’est étreint sans faire l’amour. On a dîné en évitant tout alcool et on s’est allongé. Je me suis endormi très vite. Un sommeil lourd et dense. Avant de sombrer, j’ai pensé à tout ce qui faisait mon quotidien. J’ai vu Kathleen qui rentrait chez elle, les bras chargés de sacs de nourriture. Mon appel disant que je passais en fin de compte deux nuits et non une à Manhattan l’avait un peu surprise mais je lui avais promis une belle robe pour me faire pardonner. A Newark Follies, le personnel mettait tout en place pour le dîner, sachant que ce soir-là, il n’y avait pas de spectacle. Demain, je retrouverai cet univers. J’ai pensé à Kirsten aussi et à cette peur que je ne commette une énorme erreur. Il faudrait que je passe la voir.

J’ai contemplé Erik endormi et moi- aussi, j’ai glissé dans le sommeil. Au milieu de la nuit, ça nous a repris. On s’est remis à faire l’amour et ça a duré jusqu’au matin. Quand on a refait surface, on est restés allongés l’un à côté de l’autre et je lui ai dit :

-Je ferme les yeux et je vois un cercle. Il est très beau : des traçages rouges sur fond doré.

Il a fait comme moi.

-Les lignes, ce sont les chemins qu’on devait prendre pour se retrouver de nouveau avant de s’écarter un peu pour prendre la mesure de toute chose…

-C’est ainsi que tu vois les choses, Erik ?

-Oui. Encore que…

-Encore que ?

-Les couleurs ne sont pas figées. Tu ne t’en rends pas compte ?

J’ai fermé très fort mes yeux et mes paupières closes m’ont renvoyé à un autre cercle, ou alors au même mais transformé…

-Ah oui, c’est le bleu qui domine maintenant !

-Non, c’est du vert. Clive, tu vois bien ? Tout est vert !

-Exact.

Je n’ai pas dit au beau jeune homme ce qui m’apparaissait. Tout était furtif mais tout était réel et en effet, je m’en suis rendu compte, le corps offert du danseur reposait sur un lit de verdure…Les branches des arbres bruissaient et dans un soleil un peu voilé les verts des herbes et des feuilles scintillaient. On entendait bruire un ruisseau. Tout était vert. Des hommes et des femmes d’âges divers tournaient autour de lui et, toujours plongé dans une douce somnolence, il les emplissait d’une telle quiétude qu’ils souriaient de bonheur. Mais lui finissait par se lever et il disparaissait derrière les arbres. On entendait alors des cris de désespoir, de ralliement et de jouissance. Ses admirateurs d’un moment devenaient ses prédateurs. Il ne pouvait leur échapper. Le temps avait fraichi et il faisait gris mais quand il réussissait à se dégager des buissons où on le traquait, tout était rouge. Puis, on le retrouvait sur son lit de verdure. Tout était vert et lumineux de nouveau ; mais lui, semblait sans vie. C’était désolant mais tout d’un coup, tout redevenait comme au départ et ses adorateurs arrivaient. De nouveau, sa beauté était rayonnante.

-Dis-moi ce que tu vois…

-Je le garde pour moi Erik.

-Comme tu veux mais pourquoi ?

-Je ne comprends pas de quoi ça parle.

Il est venu se blottir dans mes bras comme la veille. Une sensation inouïe de bonheur m’avait envahi et j’avais bien du mal à ne pas la trouver exquise. Puis, il est sorti du lit. Il a pris un café et il m’a dit que là, il fallait vraiment qu’il repasse à son hôtel avant de gagner l’aéroport. Il avait l’air hésitant comme si tout ce qui venait de se passer en deux jours était si incroyable que le cours de sa vie en était infléchi. Je l’ai fait un peu parler de ses horaires de vol et du programme chargé des jours à venir. J’ai évoqué son retour à Montréal, les amis qu’ils retrouverait.

 

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16 octobre 2024

Clive, le Vengeur. Partie 4. Le prince Siegfried.

 

Au moment de partir, tout de même, il a posé sa main sur ma joue.

-A bientôt, Clive.

-Avant que tu ne reviennes à New York, je t’enverrai une photo.

-Ah ?

-Oui, Erik, elle me tient à cœur. Tu en feras bon usage

Il l’a reçue quelques jours plus tard. J’avais dix-huit ans et avec Kirsten, je posais devant un théâtre provincial, tenant dans les mains le programme du Lac des cygnes. Elle était radieuse et j’étais souriant. Ça allait être une belle soirée…

Il n’a pas répondu de suite mais quand il l’a fait, il m’a donné ses dates de séjour. La photo, il l’aimait et il la regardait beaucoup. Je sentais arriver un sacré virage, là, et lui- aussi je crois. Après, le pourquoi du comment ? L’avant et l’après ? Il en savait aussi peu que moi sur le sujet.

J’ai continué et lui aussi. Je pensais à cette photo qu’il regardait. Et je pensais à lui, tout le temps. Le Lac des cygnes…Le prince Siegfried…L’amour et la mort. Parce que le prince mélancolique est si perdu dans ses rêves que la réalité l’étouffe. Parce qu’il entraîne la mort de qui l’a trop contemplé…Je ne mourrais pas tout de suite car ni lui ni moi n’étions des personnages d’opéra ou de ballet mais j’allais souffrir et perdre peu à peu des parties entières de moi-même si je continuais ainsi. Je me dis que c’était égal. Je l’attendrais et lui, il aurait beaucoup de temps ou peu ; mais toujours assez pour envahir ma vie et annihiler ma réussite. Du reste, je ne cessais de rêver de lui et il posait sur moi son regard bleu mi- amusé, mi- inquisiteur. Coupant, pour tout dire.

Puis, j’ai eu un sursaut et j’ai arrêté les frais. Il faut dire qu’un an après que j’aie eu retrouvé Erik à New York, Barney est mort. Son cancer avait repris du poil de la bête et en six mois, il a eu raison de lui. Ça m’a glacé. Quand même, il avait fini par en crever…

Mes affaires marchaient bien mais Kathleen, qui ne m’avait jamais fait de reproches, m’a trouvé de plus en plus bizarre. Au train où ça allait, on romprait. Kirsten, quant à elle, n’allait pas trop bien. Elle avait fini par avoir une aventure mais celui vers lequel elle s’était tournée présentait peu d’intérêt. Il l’avait très vite plantée là. Je l’ai consolée, j’ai su trouver les mots. Elle a relativisé. Carolyn dansait à New York désormais et elle avait un compagnon. Je m’occupais de mes vieux qui tenaient plutôt bien la route et j’étais content de ma réussite. Je ne pouvais pas tout foutre en l’air. Alors, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai écrit. Il m’a rappelé tout de suite, Erik. Il n’était pas d’accord. Il avait tenu ses engagements, s’était annoncé deux fois et m’avait revu. C’est moi aussi qui refusais de prendre l’avion pour Montréal ! C’était vrai qu’il avait tenu parole et que ça avait été intense. Mais des images se télescopaient en moi. Barney lors de notre première rencontre, lui, Erik à l’exposition naze de Guthrie, le Van Cortland Park, l’hôtel où je lui avais fait l’amour pour la première fois et son rire quand il avait découvert l’appartement de Lopez. Mais il m’est venu aussi des images de mon mariage avec Kristin, de la naissance de Carolyn, de nos vacances et de nos rires. J’ai visualisé cette photo de Kirsten et moi quand on avait vu le Lac des Cygnes et j’ai senti que c’était fini. Lui, c’était le Prince Siegfried, sa réalité n’était pas la mienne. Qu’aurait-il fait du Newark Follies et de tout ce qui composait ma vie ? Ce ne pouvait qu’être anecdotique pour lui. Je lui ai écrit et dit. Il a eu l’air hésitant. Il ne me croyait pas vraiment parce qu’au fond, il ne pensait pas capable de le délivrer de lui : je l’avais pris de haut et trompé, j'avais œuvré pour le compte d'un autre puis pour le mien,  mais je l’aimais et voulais me rattraper. Ça l’arrangeait bien que ça me tenaille comme ça. Il me tenait. Il a donc insisté mais les mois qui ont suivi lui ont montré que je ne mentais pas. Il a fini par se raidir.

-Vraiment, Clive ?

-C’est mieux.

-Tu ne me réponds pas. Vraiment ?

Je me suis fait discret et de nouveau j’ai souffert. Puis, un jour, j’ai su que je l’avais laissé derrière moi. Je continuais bien de sangloter tout seul de temps en temps mais je m’en étais sorti. J’ai acheté des roses pour Kathleen avec laquelle j’étais redevenu très gentil et un joli panier pour chat pour Tom et Jerry qui, chez Kirsten, avaient bien grandi. Je l’épaulais bien, elle.  Et puis, j’ai programmé des vacances avec des amis. Ma libraire préférée nous rejoindrait et Caroline avec son homme. On irait dans le Maine et on irait saluer Kristin qui y vivait avec son nouveau mari.

Et lui, le beau prince Siegfried, il continuerait encore et encore de s’élancer sur scène sans nous, loin de toute réalité qui n’était pas la sienne. Et il s’élancerait pour peut-être y rester vers un ciel différent du mien…

        

LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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