DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ERRANTE.
Sofia grandit. Regards masculins.
Tout. Les regards masculins si insistants sur elle, qui a douze, quatorze puis quinze assume tout : la solitude du père et sa frustration, son insondable tristesse qui le rend imperméable à tout son environnement et donc, cet environnement même. Et son épanouissement à elle, si impérieux.
Dans les squares, les cages d’escalier, les galeries marchandes des grandes surfaces, Sofia assume tout : l’interrogation, l’affirmation du désir, la provocation et l’agression.
Une première fois, à treize ans, elle est interpellée dans le parking souterrain de leur immeuble où elle a dû redescendre, à la demande de Victor, chercher dans le coffre de la vieille Fiat, un paquet oublié. Un homme vient vers elle et sans prendre le temps de la laisser se méfier, la plaque contre la voiture et lui caresse les seins à travers son corsage. Sofia crie dans le vide plusieurs fois de suite sans que ces plaintes ne soient entendues. L’homme ricane. La jeune fille devient insultante en français et en italien. L’italien fait reculer l’homme qui, rougissant, promet qu’il fera bien pire quand ils seront de nouveau face à face. Face à face ? Sofia juge impossible une nouvelle rencontre puisqu’à son idée, Monica a chassé cet homme mauvais. Qui d’autre qu’elle aurait pu le faire ? Ces paroles insultantes en italien, c’est bien elle qui les lui a apprises, il y a longtemps déjà, à une époque ou tout danger était imprévisible et où la seule crainte à éprouver était d’être écartée du giron…Attaqué pour sa vulgarité dans ce qui est probablement sa langue maternelle, l’agresseur s’est enfui.