Anna, fille d'officier, a grandi dans un milieu guindé. Elle s'émancipe, devient actrice...
Un jour, seule dans la chambre de Naomi, Anna enlève le haut de ses vêtements et s’observe dans les hauts miroirs prismatiques de la salle de bain. De face et de profil, elle offre toujours cette longue et mince silhouette que son père Rémi, quand elle était enfant, l’encourageait à avoir. Le buste s’érige sans que rien ne l’entache et les petits seins durs affichent des pointes saillantes dont la couleur rouge sombre la touche. D’emblée, la silhouette est « belle » car presque maigre et en cela, elle rejoint le clan familial pour lequel toute trace de kilo superflu est jugé malsaine. Pourtant, Anna ne s’aime pas ainsi et, elle le constate, c’est bien la première fois que cela arrive. Elle n’aime pas, sous la peau, les côtes dont le dessin est saillant et constate qu’elle a des hanches de garçon, ce à quoi elle n’avait jamais prêté attention. En outre, sa peau est trop pâle et d’un texture presque rugueuse qui jure avec un lieu aussi raffiné. Elle le voit, rien n’est en place ; c’est comme un refus de féminité qu’elle n’aurait jamais saisi puisqu’elle ne savait pas qu’elle devait le prendre en compte. Et là, tout est net.
Elle se pelotonne dans un coin près de la baignoire et pleure. Naomi ne paraît pas.
Le lendemain, elle est là et le jeu commence : celui de la féminité niée qui cherche à être. Comme tous les jeux, il suppose deux protagonistes dont l’un sait plus que l’autre ; il y a des règles fixes et des possibles et bien sûr, tous les coups ne sont pas permis…aussi, la jeune fille passe t’-elle d’un statut de jeune employée d’un grand hôtel cannois à celui d’une actrice naissante qui cherche, en ces lieux, un tremplin. En noir et strictement coiffée ou en sous vêtements sages mais déhanchement inattendu, elle devient ce qu’elle doit être : une femme jeune et délurée. Les seins petits se dressent, le sexe duveteux s’offre et les bras font de longs mouvements graciles tandis que les jambes se déploient.
Naomi explique, dicte, reste ferme puis photographie.
Anna frémit.
Naomi filme car elle sait le faire, ayant tant travaillé pour des « gens » de renom. Sous son guidage, la petite femme de chambre s’élance dans un décor de palace, saisit un énorme bouquet de fleurs, le promène et s’en sépare pour mieux se dénuder ; un corps se fait jour, plus lisse et beau qu’il n’était. De petits seins se mettent à exister, d’une vie qui n’est qu’à eux. Ils pointent et se laissent admirer par une caméra qui les rend captifs.
D’enjambées poétiques en tournoiements, Anna se trouve au centre d’un petit court-métrage dont l’Anglaise secrète lui offre la primeur. Cet essai se nommera « Prima volta » et sera présenté dans des Festivals, car, l’imposante dame âgée à oublié de le dire, elle n’est pas et depuis longtemps, une simple décoratrice puisque l’art du cinéma est aussi son domaine.
Anna regarde le petit film où elle est reine et rit de cette soubrette qui soudain se libère et dans nue.
Bientôt, elle oublie car l’Anglaise a quitté le palace et qu’elle n’a plus d’emploi ici. Elle en trouve d’emblée à la frontière italienne puis carrément en Italie, ce qui l’amuse. En uniforme, elle fait des chambres, sourie et, parfois, reçoit un pourboire.