Clive le Vengeur. Partie 1. Barney et Clive. Tractations.
J’ai pensé que vu ses largesses financières, il pourrait peut-être nous allonger cinq billets au premier rang pour Casse-Noisette le 25 décembre. Comme ça, on verrait Erik et j’ai commencé à en parler mais là, vu la façon dont il m’a toisé…
- Je vous demande pardon ?
- Mais c’était jusque…
J’ai arrêté tout de suite.
Contente-toi d’en avoir dans le pantalon une fois que tu auras ferré Erik, d’accord ? Et pour le reste, ne m’oblige pas à devenir désagréable…
Il y a des gens comme ça, qui n’ont pas besoin de parler. Bon, le repas a pris fin et on s’est apprêté à sortir de ce restaurant ultra-chic. Au moment de l’addition, j’ai vraiment adoré la façon dont il sorti de son portefeuille en peau de quelque chose sa carte « archi gold ».
Pour signer, il avait un de ses gros stylos phalliques qu’on trouve en photo dans certains magazines.
-Erik aime ce genre d’endroit ?
-Bien sûr…
-Mais là où je risque de l’emmener, ce n’est pas le même niveau…
-Il aimera aussi.
-Ah oui, il vient d’un milieu simple.
-Voilà. Par le fait, j’ai un document, enfin plutôt un livre à vous remettre.
-Ah bon, un album photo ?
-Non, un livre sur la danse. Beaucoup de ballets y sont évoqués. Là, où il y a une croix, c’est qu’il les a dansés.
-Je regarde de quoi ça parle.
-Merci de le faire, Clive.
Clive ! Ce mec, rien que la façon dont il prononçait mon prénom ! Je ne lui pas serré la main et je suis parti avec le livre sous le bras. Il allait m’appeler. J’ai scruté le ciel les premiers jours de décembre. De la neige, vite. Pour Noël, il n’était encore rien tombé.
Début janvier, il a téléphoné. Les fêtes étaient passées. Le 24 décembre, on avait vu un spectacle de chansons traditionnelles, un truc dans notre quartier. C’était plutôt amusant mais loin des splendeurs du New York City ballet. J’avais lu discrètement ce qui avait été écrit sur le spectacle. La critique ne l’avait pas beaucoup aimé mais lui, par contre, recueillait tous les suffrages. J’ai pensé à lui, j’ai revu son beau visage…Comme ça déclenchait en moi une violente tension intérieure, j’ai préféré recommencer à m’interroger sur la ou le psy de Barney. Un coup la jolie thérapeute arrêtait de parler éthéré parce ce que ce beau mâle qui n’aimait que les hommes jeunes lui faisait sacrément de l’effet et elle devenait directe. Il la plantait là, outré. Un autre, le jeune et beau psy finissait par rougir quand Barney lui racontait en détails sa trépidante vie sexuelle. Il n’allait pas tarder à faire son coming-out et Barney, nonobstant l’avocate qui était l’épouse du beau psy et leurs deux enfants, saurait quoi faire…C’était quoi le plus probable ? Malheureusement, j’ai dû abandonner mes divagations. Julian B. a accéléré les choses en m’appelant de façon complètement impromptue. C’était un matin et j’étais à mon bureau. J’ai dû faire sortir un collègue avec qui je blaguais pour être tranquille.
-Bonjour, Erik se rend samedi matin au vernissage d’une exposition à Brooklyn. Vous avez de quoi noter ?
-Oui.
Il m’a indiqué l’adresse d’une galerie et a ajouté celle d’un restaurant très simple.
-Il sera seul. C’est ce qu’il aime : voir seul des expositions. Je pense qu’arrivant en fin de matinée, il ira d’abord déjeuner. Soyez vigilant.
-Oui, je le serai...
-Ce sont des sculptures. Arno Guthrie.
-Qui est-ce ?
-Un sculpteur qui n’arrive pas à percer.
-Erik l’apprécie ?
-Peut-être. Il y va sans doute par curiosité. Ah, autre chose !
-Je vous écoute.
-Portez des vêtements simples : jeans, t-shirt à capuche, anorak.
-Je mettrai aussi un bonnet si vous voulez : ne paniquez pas…
En réalité, c’est moi qui paniquais. Ça y est, j’y étais. Le samedi, je suis parti en avance. Je ne savais pas bien où c’était et Barney ne risquerait pas de m’aiguiller si jamais je l'appelais. Il serait railleur…J’ai trouvé plus vite que prévu et j’ai tourné en rond. Il devait d’abord déjeuner. J’ai attendu, l’air de rien devant le restaurant jusqu’au moment où ‘ai pigé qu’il avait changé d’idée. J’ai sorti mon carton d’invitation pour le vernissage (merci, Julian) et je suis entrée dans le hall. Guthrie était un type d’une trentaine d’années, petit, pas beau du tout et plutôt maigre. Il y avait plein de gens autour de lui et je ne suis pas joint au groupe vu que, de toute évidence, Erik n’en faisait pas parti.