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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

4 juin 2021

Attentive. Chapitre 9. Capitales. (2)

BEAUX

D’abord de l’encourager à voir positivement cette installation hors de l’île, ensuite d’aller vers ce nouveau guide qu’elle lui disait avoir rencontré car il le sentait stable. Et ceci sans sourciller, disant qu’il la soutiendrait. Il n’a pas montré de jalousie, tout juste une crispation. Elle lui a dit les dialogues fournis, les appels téléphoniques réguliers, les jeux et cette invitation à laquelle d’abord elle n’a d’abord pas cru. Et il a de nouveau prodigué des conseils. Alors, maintenant qu’elle est en attente, c’est vers lui qu’elle se tourne non qu’elle ne croie pas qu’A. ne vienne pas –il n’aurait pas osé une mise en scène si narquoise- mais parce que cette reddition est nécessaire pour l’apaiser. S’insinuant dans sa mémoire, le visage et le corps de XX, sa voix élégante et son regard brun procurent un apaisement certain. Allongée, Julia se détend. Cependant un nouvel appel lui apprend qu’A. est arrivé à bon port. En l’entendant, elle se met à trembler car il est à la porte et, dans le temps où il frappe, elle prend peur, se lève brutalement et se réfugie, presque nue dans une encoignure. A nouveau, la vindicte des premiers « Maitres » balaie toute son assurance et XX lui-même n’y peut rien. Surmontant ses réticences, Julia ouvre et recule rapidement. De celui qui entre, elle ne voit rien car elle baisse les yeux et tremble mais l’homme s’arrête et surpris, la contemple. Il l’appelle par son nom plusieurs fois et voyant qu’elle reste prostrée, il lui suggère de s’asseoir. Elle se place à côté de lui sur le lit et comme il tente de la rassurer, elle demande qu’il ne lui fasse pas de mal. Du mal ? La formule le surprend. Il ne voit pas pourquoi il lui en ferait. Ne se parlent t’ils pas depuis des mois ? Il a toujours voulu lui donner confiance et de dialogue en dialogue, il a bien senti que celle-ci s’installait, ne serait-ce qu’à ces éclats de rire qu’elle a eus parfois avant ou après un questionnement un peu difficile ou une exhibition. Alors, que craindre ? Il se présente à elle, simple, doux. Décidemment, ce mot revient toujours avec lui et, alors qu’elle s’allonge sur le lit, à peine vêtue et s’en voulant d’être ainsi, elle sent qu’il fait de même pour la calmer et lui expliquer. Non, il ne fera aucun mal, oui, il a lu ses aventures passées. Il sait prendre la mesure des choses. De « Julia », « Irène », « Nina », il sait seulement qu’il veut « Julia » pour sa douceur et de fait il la concrétise. En ce lieu, apeurée, les larmes au bord des cils, elle devient « ma douce Julia » et l’entendant parler, elle s’apaise. L’homme blond et mince a ce pouvoir sur elle. Il l’induit à cet instant et le gardera. Alors, elle régule peu à peu sa respiration hachée, cesse de pleurer et de gémir, lui dit bonjour et le regarde, ce qu’elle n’a fait encore sauf au travers un écran. Penché sur elle, il la regarde, offrant un visage aux traits un peu irréguliers et au regard bleu. N’osant les toucher, elle s’absorbe dans la contemplation du front, des sourcils, du nez et des lèvres. Il est blond et elle, qui a plutôt eu l’habitude des bruns, le regarde avec étonnement, n’étant accoutumée ni à cette teinte de cheveux ni à ce teint pâle. Autour du front, les mèches sont plus claires qu’ailleurs, et quand elle s’applique à les regarder, les pupilles ont un nuancier de bleu et de gris qui la confond, l’entraînant dans une fascination enfantine. Lui-même l’observe mais plus impudiquement. D’elle, il cerne le visage à l’expression tendue, les yeux aux paupières fardées et les lèvres peintes mais aussi le buste raidi aux beaux seins que dissimule mal le body violet en dentelle ; sans la caresser encore, il la rend sensible et docile et, comme elle retrouve sinon la sérénité, du moins un certain apaisement, elle se laisse aller permettant à son corps de s’exprimer. Les mamelons durcissent, les tétons s’érigent et pointent sous l’étoffe. Les paroles de l’homme se succèdent, entraînant l’abandon et comme elle s’abandonne à celui qui la regarde, France sent reculer XX puisque même prégnant, il n’est que souvenir. Son cœur se serre car elle abandonne dans le temps même où elle s’ouvre à A. la primauté que le jeune homme de la belle île avait sur elle. A. pose une main sur un de ses seins qu’il palpe et presse avant de permettre à sa pointe de se glisser dans un entre-lac de dentelle. Sous ses doigts habiles, la pointe se dresse fièrement tandis qu’il la cajole et l’encourage. Parallèlement, elle sent son corps se réchauffer, son ventre devenir tiède et ses cuisses prêtes à l’accueil. Elle respire plus librement, s’essaie à sourire et y parvient tandis qu’il l’encourage à ne pas craindre. Il a placé son visage près du sien et elle reçoit dans son cou son souffle régulier. Un moment, il reste ainsi près d’elle, tout habillé de bleu marine, pull et pantalon lui conférant l’apparence d’un cadre sage, ce que d’ailleurs il est. Puis, le moment vient où elle encourage. Il l’accepte et lui demande de se redresser pour faire glisser le body. Il flatte maintenant les deux seins libérés dont il semble tout apprécier : la forme, la densité, la modestie des aréoles, leur aspect un peu granuleux. Il palpe et embrasse et elle gémit une première fois. Puis, s’enhardissant, il défait les pressions à l’entrejambe et caresse le pourtour de la chatte d’abord puis une intimité humide qui s’émeut vite de cette sollicitation. A cet instant, Julia est juste une femme qu’un amant câline et rassure. Les rôles ne sont pas encore précisés. Toutefois, les signes sont là : elle vouvoie. Il tutoie. Elle est nue. Il est encore vêtu. Elle fait devant lui le comptage des objets sexuels qu’elle a apportés avec elle. Il les observe, les prend en main, les commente et sourit. Il ouvre sa valise dont il sort des cordes de deux sortes différentes. Intriguée, elle hoche la tête. Il vient d’un pays de montagne où l’on apprend à faire des nœuds si on aime l’alpinisme. C’est son cas. Il sait. Quant à l’application qu’il en fera sur son corps, elle en est ignorante et la sentant trop fragile le premier soir, il ne divulgue rien. Mais le fait est qu’il l’attachera…

Les heures passent. Elle sait qu’il se lave et la lave, la caresse, la regarde, l’apprécie. Elle sent qu’elle le trouve déférent et patient. Ils s’étreignent. Elle est encore trop tendue pour jouir. Lui –même est sur sa réserve. Mais les minutes sont belles où ils restent ainsi dévêtus, leurs odeurs corporelles se mêlant et s’entremêlant pour créer un premier espace de rencontre physique, espace encore fragile mais nécessaire puisque c’est sur celui-ci que vont se baser les exercices qu’il annonce. Les cordes, la laisse et le collier. Les postures, le silence.

L’attente et le plaisir. Les entraves.

Ne croyant pas qu’il saura se contenir, elle demande quand ils commenceront, sûre qu’impatient, il n’attendra que quelques heures mais il esquive et propose d’aller dîner ce qui lui permettra de marcher à ses côtés dans la belle grande ville, de s’asseoir à une bonne table et surtout de faire connaissance de l’adolescente brune aux longs cils qu’il n’a pas encore saluée. De fait, quand ils sont, il retrouve dans le couloir la jeune fille apprêtée. Les salutations sont cordiales et toute la soirée, l’homme parle avec elle, s’enquiert de ses goûts, l’interroge et a fait rire avec une facilité qui impressionne Julia. Ainsi, tout est bien plus simple qu’elle ne l’aurait supposé.

La grande avenue de l’hôtel, la rue du restaurant d’où l’on capte les lumières de la tour Eiffel, le restaurant grec au personnel chaleureux : de belles images inattendues. Elle s’appuyant contre lui, la jeune fille mise en confiance l’adoptant lui comme interlocuteur amical : d’autres plus surprenantes. Et enfin, la nuit avançant, leurs corps tièdes réunis dans une découverte pudique et un émerveillement.

Julia en une journée a fait un grand voyage. Et des découvertes capitales. On peut être femme, soumise et précieuse. On peut aussi être un dominant patient qui sait prendre son temps.

On peut, en dernier lieu, s’endormir contre un corps à l’abandon sachant qu’on appartient déjà même si la laisse est invisible et se réveiller souhaitant sentir autour de son cou un collier.

 

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4 juin 2021

Attentive. Chapitre 10. Elle est docile. (1)

 

AHHHHHHHHHHHH

Aube à Paris. Réveil. Sensation inattendue : en silence, il la regarde déjà. Elle lui lance un regard ensommeillé. Il lui sourit puis ses mains se posent sur elle et tout son corps frémit. Ensuite, elle ne quitte son regard clair. Il s’installe sur elle et sa respiration s’accélère quand viennent les gestes de l’amour physique. Elle aime qu’il la pénètre et se montre si ravi d’elle. Elle l’enlace. D’abord rêveuse et comblée, elle ne pense à rien d’autre qu’à leur étreinte. Puis, au moment où il s’écarte d’elle, elle comprend qu’il se passe quelque chose d’imprévu. Au fil du temps, elle s’est attachée à lui et il en a eu conscience, s’amusant avec tendresse de son trouble grandissant. Cependant, moins libre et audacieuse que lui, elle s’est toujours dit qu’elle ne voyait qu’une image bienveillante, pas la réalité d’un être. Or, à cet instant, elle accepte l’intégralité d’une personne, un corps, une façon d’être, une mobilité de regard, une sensibilité et bien sûr, une approche sexuelle. Dans le même temps qu’elle accepte tout ce qu’il est, elle comprend qu’elle est amoureuse, profondément amoureuse. A lui, elle montre la satisfaction du plaisir rencontré, croyant masquer l’aveu qu’elle se fait à elle-même. Lui, toujours un peu amusé, ne se livre pas. Il n’aura donc rien vu. Alors, tous deux se lèvent et se lavent avant de bavarder, elle, nue sur le lit et lui, s’affairant. Le dominant et la soumise.

Quand il part pour assister à son stage, quelque part, en banlieue, elle reste en silence et cherche à raccrocher son expérience à quelque texte. Mais O. et ses consœurs ne lui sont d’aucun secours. Elle repousse donc leur histoire. Il reste les contes de fées dont le contenu est aussi charmant que complexe ou les Maximes des grands auteurs dont elle aime le côté lapidaire. Elle aimerait ces derniers mais son aventure avec A. est trop récente encore pour qu’elle la qualifie par une phrase courte à caractère universel, sans compter que le faire serait prétentieux et ridicule. Il reste les contes qu’elle relit souvent, ceux qui soumettent les héros, souvent très jeunes, à des épreuves à épisodes, chacune d’elle se révélant plus difficile que la précédente : forêt magique, animaux surnaturels, objets animés de forces maléfiques, intermédiaires bienveillants. Elle choisit ces derniers. Seule, encore nue dans les draps tièdes, elle se tourne et se retourne. Elle n’est pas entourée d’arbres aux pouvoirs séculaires mais dans une ville pleine d’artifices. Là, entre ses murs, elle sera protégée ne serait ce que parce que les tableaux qui les décorent sont apaisants : jeune fille ou femme seules et confiantes dans un intérieur cossu. Elles sont silencieuses mais fortes de ce qu’elles savent. Si le mal survient, elles l’en défendront car elles sont armées pour cela autant que l’étaient Hansel et Grëtel ou le joueur de flûte. Elle sera forte, il sera bienveillant sans quoi elles s’en prendront à lui. Et il sera neutralisé.

Oui, c’est cela.

Apaisée, elle se lève. Elle déjeune avec sa fille puis marche seule vers le Champ de Mars qu’elle n’a pas vu depuis longtemps et qui, nimbé de cette lumière d’hiver, lui parait touchant dans sa beauté. Le lieu, pourtant, renvoie à des épisodes sévères de la Révolution française mais, à cet instant, elle n’y songe pas, profitant des belles allées longilignes, d’un soleil magnanime pour la saison et de la vision progressive qu’elle a de la base de la Tour Eiffel. Sortie de la chambre féerique, Julia reste protégée par cette ambiance particulière : sa marche lente, les rares passants, la beauté des lieux y participant. Assise sur un banc ensuite, elle se sent heureuse et sait que l’après-midi, elle reviendra avec sa fille. Les lieux sont beaux et pour cette rencontre, elle est privilégiée. Enfantine, elle se sent bénie des fées comme elle aimait l’être, petite fille et quand, elle revient effectivement sur les lieux avec l’adolescente, le même charme perdure. La grande tour les attend, solidement plantée sur ses quatre pieds. Une foule dense s’organise autour de deux arches : celle des ascenseurs et celle des escaliers. L’une et l’autre s’amusent à regarder les visiteurs qui viennent d’un peu partout. Emmitouflés, ils parlent des langues multiples qu’elles ne parviennent pas toutes à identifier, certaines leur étant inconnues. Elles hésitent à se mettre dans une queue et maladroitement, France, qui est frappée par la longueur de l’une d’elle, entraîne sa fille vers l’autre, voulant gagner du temps et échapper au froid. Elles attendent assez peu mais comprennent qu’elles ont choisi les escaliers ce qui, en soi, ne les dérangent qu’à cause du vent aigrelet qui pénètre sous les vêtements et les font se tasser sur elles-mêmes. Toutefois, l’ascension les amuse car il est beau au fur à mesure qu’on gravit les marches de voir apparaître différemment le Trocadéro et, quand, elles tournent la tête, le reste de Paris. Plus elles montent, néanmoins, plus elles prennent consciente de la force de cette dentelle de fer et de sa particularité. La capitale, telle qu’elle se livre à leur vision, est comme découpée en tableaux de dimensions inégales qu’elles s’efforcent d’admirer malgré le tournoiement du vent qui colle leurs vêtements contre leurs corps et les font haleter. Lentement, elles arrivent au premier étage et s’arrêtent à divers endroits pour contempler à nouveau l’énorme structure métallique ouverte sur la capitale brumeuse. Concentrées, elles cherchent les monuments célèbres tandis que le froid continue de les poursuivre. Finalement vaincues, elles ne résistent pas au plaisir de redescendre par l’ascenseur. La foule reste dense. Elles sont contentes d’être là car il est bon d’être touristes et de musarder. Puis, elles rentrent en léchant les vitrines, et s’émerveillent d’y découvrir les audaces d’une mode qui ne serait pas acceptée dans la ville étriquée où elles résident tant on y refuse par ignorance ou manque d’argent, l’insolence des superpositions, la variété des matières et des couleurs et l’humour dans les accessoires. Là, nulles bottines aux talons invraisemblables par leur forme ou leur hauteur, nul sac à main surdimensionné, nul grand châle ou petit chapeau. Ici, dans cette grande ville, tout s’entremêle dans des vitrines au charme singulier, à la fois esthétique et frondeur. Au fond, elles aiment autant l’anonymat qui les protège que l’originalité et l’audace qu’ici, on considère comme élémentaires, d’une mode qui représente le présent, l’argent, le paraître. Chez elles, on disparaît. Ici, on se met en avant. Toujours les contes de fées et leur kyrielle de fées bonnes ou mauvaises, de héros en disgrâce ou en bonne position, de jeunes filles mal vêtues puis magnifiquement mises, d’opposants belliqueux et d’auxiliaires efficaces. Paris, un quartier chic, un bel hôtel, un lieu prestigieux et une belle promenade contre une petite ville du sud-ouest aux habitants fielleux. Et au centre, cet homme inattendu que Julia s’obstine à appeler A. Il est donc celui qui sépare les univers. Le libérateur, le guide, l’ordonnateur tendre qui permet de changer de monde.

 

 

 

 

4 juin 2021

Attentive. Chapitre 10. Elle est docile. (2)

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Qu’elle prenne une boisson chaude dans un café avec sa fille avant de regagner l’hôtel, ou qu’elle attende seule dans la chambre où elle s’apprête en body et bas noirs, rien ne l’amène à changer d’avis. Il est vraiment nouveau pour elle, cet homme que le hasard a mis sur sa route. Le hasard ? Julia, à ce stade du récit qu’elle construit pour elle-même, ne peut que refuser le terme, la trame, le décor et les personnages des Contes s’imposant avec force. Pas de hasard non mais une intervention habile : une fée marraine sans doute. Après tout, elle a autant adoré la sienne qui était une personne belle et douce, corps rond et féminin, sourire radieux, que celles des histoires que Perrault et Grimm, ou encore Madame d’Aulnoy lui ont proposées. Alors, autant accepter la nouvelle venue : cette inattendue créature magique qui la place, elle, l’enseignante à la jeunesse lointaine, dans cette chambre parisienne où elle se prépare à retrouver l’homme qui ce matin l’a caressée. Et autant lui faire confiance puisque les fées savent ce qu’elles font.

Au soir, quand A. revient, elle est docile. D’abord assise sur le lit, les jambes relevées, le regard baissé, elle écoute l’homme lui parler. Puis, comme il lui caresse les chevilles et les cuisses, elle écarte naturellement ses jambes pour qu’il la caresse dans son intimité. Il flatte doucement sa peau, à travers la dentelle d’abord puis en la contournant. Ses doigts habiles écartent les chairs, palpent et excitent la douce corolle qui suinte en se livrant : les grandes lèvres se gonflent, l’excroissance de chair qui attend le plaisir se laisse plus facilement solliciter, le conduit qui attend la pénétration se dilate déjà. A. insiste et Julia gémit. Les fées sont contentes. Elles le restent quand il dénude ses seins pour les travailler, soucieux de voir les pointes s’ériger. Il effleure, caresse plus ou moins fortement, pince sans insister puis revient aux pointes. Les doigts, la bouche, la langue. Le plaisir qu’il avait fait naître dans ce qu’elle a de plus intime se propage maintenant dans sa gorge. Elle se laisse aller et, quand vient le temps de la promenade, confiante et amoureuse, elle ne lutte pas. Il la déshabille sans qu’elle s’oppose et sort du petit sac qu’elle a apporté, les objets dont il a besoin. Elle n’a rien à objecter et confiante se tait, tendant son cou, les seins renflés. Il la satisfait. Le collier de chienne qu’il ajuste est une parure et non une entrave ; de ce fait, il est logique que la laisse ne soit pas humiliante. Tout naturellement, elle l’accepte. La position à quatre pattes suit puisqu’elle est logique et évidente. Quant à la promenade, Julia, la trouve courte, les dimensions de la chambre ne donnant que peu de latitude, mais elle s’applique à avancer régulièrement, à s’arrêter sur ordre, à se retourner et, le faisant, elle goûte le plaisir qu’il y a à être obéissante, plaisir physique d’abord – elle se cambre et ses orifices naturels se dilatent- que cérébral – elle est cette chienne qui marche au rythme du dominant, se voit le faisant et s’accepte comme telle. Quand il l’arrête et lui demande de se remettre debout, elle obéit. Qu’il lui enlève vite collier et laisse la surprend mais elle n’en dit rien, s’en remettant à lui, confiante et silencieuse. Lui, tendu, annonce qu’il veut l’encorder. Se tournant vers les fées marraines, France guette leur approbation. Celle-ci arrive vite. Elle en reste surprise mais acquiesce.

Debout, nue, lui faisant face, elle le laisse, cordes en main, chercher quelles entraves il mettra en place, regardant tour à tour les seins, la taille, les bras, les jambes, le sexe de la femme qu’il cherche à honorer en l’immobilisant. Car son propos est tel, pas négatif ni dégradant, suffisamment humiliant pour la tenir à l’écoute et assez libérateur pour qu’elle garde en tête l’idée d’un plaisir partagé. France aime les paradoxes. Se libérer en étant attachée en est un. Elle l’accepte. Sans doute, là-haut, une fée marraine est-elle ravie.

Il pose les cordes sur sa peau. Il travaille. De son labeur, il fera des photos où elle se verra, les seins encordés, plus ronds et dressés qu’à l’habitude, le ventre et le sexe soulignés par des entremêlements et des croisements de ces cordes que l’alpiniste qu’il est a peut-être utilisées pour d’autres usages. En attendant, il déploie sur elle un réseau de fils torsadés qui se croisent, sont parallèles parfois, se rejoignent puis s’écartent, se nouent ; les dessins sont esthétiques, elle le devine et le contact, si dérangeant qu’il soit, est excitant. Du reste, elle frémit quand ses seins se renflent sous l’effet du resserrement des nœuds, quand son entrejambe est lui-même sollicité, les cordes isolant son sexe et le redessinant comme s’il existait davantage ainsi, plus nu, plus vulnérable, ses mains et ses bras plaqués à son torse par des enserrements. Elle est sur la brèche, tendue et heureuse et, lui, elle le devine à son regard, s’interroge sur les manœuvres justes ou erronées qu’il a pu tenter. Elle sent ses doigts par intermittence, qui l’effleure volontairement ou non, pour desserrer ou resserrer un lien, écarter deux cordes pour former un motif plus joli aux creux des reins ou sur le ventre ou encore pour changer radicalement le passage de deux cordes qui ne se croiseront plus au même endroit. Enfin, il s’écarte d’elle, comme un couturier qui, les retouches faites sur la nouvelle robe créée, estime que son goût de la perfection est satisfait. Elle demeure immobile, surprise d’être entravée, en attente d’une satisfaction sexuelle vive, qu’elle ne rencontre pas. Soit parce qu’elle s’est montrée très craintive la veille, soit parce qu’elle est encore trop peu habituée à cette pratique, il s’abstient de la toucher et lui parle pour lui dire qu’elle est belle. Julia sent bien que cette immobilisation débouche théoriquement sur des attouchements prolongés qui préludent à la fellation et à la pénétration. Elle n’est pas si néophyte. Le site qu’elle fréquente lui a apporté tant des images que des témoignages et elle sait ce qui découle d’une telle captivité. Pourtant, elle ne dit rien. Ses seins encordés durcissent et attendent en vain la main de l’homme qui palpe la chair renflée et tire sur les tétons. Son ventre sollicite sans succès la caresse et sa chatte toute humide d’être ainsi parée attend l’intromission d’un doigt ou deux dans sa partie la plus propice à l’enfoncement. A., elle le voit, est excité mais au lieu de tirer d’elle une satisfaction sexuelle dont elle bénéficierait aussi, il se met à la prendre en photo. C’est une captation autre, non moins prenante mais à court terme, moins satisfaisante. Du reste, quand il lui montre ce qu’il a capté d’elle, elle est déçue. Les entrelacements sont beaux sur un corps disgracieux. Elle le lui dit et le voit froncer les sourcils. Il ne voit en elle rien de laid et affirme qu’elle répond à ses désirs. De beaux seins lourds un peu tombants, une taille marquée, des cuisses un peu fortes mais harmonieuses, des fesses radieuses. Julia, se contemplant encore en photo, ne peut donner raison à l‘homme Elle hoche la tête. Ne voit-il pas un corps que défont l’âge et les mauvaises habitudes alimentaires ? Tout est pourtant très net. Mais comme elle insiste, il objecte encore qu’elle se trompe. Ainsi les formes alourdies qu’enserrent les cordes entremêlées se transforment-elles sous le regard du dominant qui s’en empare. Le ventre saillant devient renflé, les hanches trop larges sont harmonieuses, la poitrine volumineuse est qualifiée de « merveilleuse » et les jambes qui ont cessé d’être fines deviennent « belles ». A qui Julia doit-elle cela ? Aux fées marraines sans doute. Il suffit d’évoquer leur inventivité fine, parfois perverse, jamais appuyée. A elles, elle doit aussi l’appréciation qu’il fait de son visage, le trouvant joli et attirant, qualificatifs qu’elle ne s’attendait pas à recevoir d’un homme plus jeune qu’elle et dont elle dépend puisqu’attachée.

La chambre, les fées, les jeunes femmes qui peuplent les cadres des murs, la lumière d’hiver, les cordes, le jeu.

Et eux.

Bientôt, lui souriant, il défait le travail accompli, la laissant plus nue qu’avant. Ils s’embrassent et s’étreignent.

Ils dînent dehors comme la veille, l’adolescente rieuse avec eux.

Puis, ils se retrouvent nus, l’un contre l’autre.

Elle doit dormir et s’éveiller, guettant les yeux bleus. Il doit la caresser, s’assoupir et revenir à elle. Ce qu’elle sait avec assurance, c’est qu’elle l’aime.

Et dans le regard clair qu’il pose sur elle, elle lit avec un mélange enfantin de crainte et de joie, le même sentiment sûr et fort. Et dans la joie qu’elle a, elle ne s’interroge pas, pas encore, sur le collier, la laisse et les cordes.

Apaisée, elle vit dans cette certitude qu’un lien est fait, au-delà d’eux.

A la nuit, succède une aube nouvelle où ils sont tendres.

Les fées sourient.

 

4 juin 2021

Attentive. Chapitre 11. Sans vigilance.

beau BELLE

 

11

Sans vigilance.

 

Alors, elle est au présent.

Il y a le soir du théâtre, où tous trois s’amusent d’une opérette d’Offenbach habilement interprétée et mise en scène.

Il y a le soir du cinéma où un film vaguement choisi par elle, remporte les suffrages des deux autres.

Il y a les visites de musées et d’expositions où ils vont et viennent, s’interrogent et s’interpellent.

Belle semaine où ils se laissent aller aux jeux de l’amour. La soumission, telle qu’il la voulait, n’a plus tant d’importance - il le lui avoue- l’enjeu qu’il avait fixé est autre. Autre ? France voit mal ce qu’il veut dire. Il répond simplement qu’il voulait une « soumise » se prêtant à des jeux variés sans manifester beaucoup d’exigences. Mais, tout est changé. Elle a, en somme, déjoué ses plans…

Ce qu’il dit la rend perplexe. Ils habitent des pays différents, ont des vies parallèles. Cela suffit-il ? A. est pragmatique. Pour un peu qu’une solution soit trouvée, il dit oui à la question posée. L’éloignement géographique n’est pas une fatalité. Elle, plus mitigée, dit qu’elle l’espère sincère. Revenant d’une île lointaine, elle n’envisage pas un prochain déplacement. Au bout du compte, personne ne tranche. Ils sont encore à Paris. Ils sont heureux. Alors, le futur…

Pourtant, vient le temps du départ. A. va reprendre un avion. Elle se rendra à la gare pour regagner le sud-ouest. La dernière journée est un peu mélancolique. Dans la chambre où elle se tient allongée près de lui, Julia constate que la belle orchidée a perdu plusieurs de ses fleurs. Toujours élancée sur sa tige, elle perd sa vitalité. Elle n’osera jeter la fleur impérieuse, d’autres le feront, mais elle voit en elle le symbole de ces jours qui prennent fin. Les larmes au bord des cils, elle serre la main d’ A. Puis se redressant, elle contemple les yeux bleus de l’homme silencieux.

Vient la dernière nuit après le dernier diner où ils ont ri tous trois comme au premier soir. Le restaurant grec est retrouvé avec son agencement amusé, la chaleur de l’accueil et la générosité de la cuisine. Ils reviennent à pied. Julia passe son bras sous celui de A. L’air est encore frais et les beaux immeubles de l’avenue qu’ils empruntent offrent des fenêtres souvent closes, ouvertes parfois sur le raffinement d’un bel appartement où se poursuivent des vies pour eux secrète.

Comment dit-on qu’on souffre de se séparer ?Julia n’a pas l’habitude de quitter un être qui montre son amour. Elle quitte ou plutôt est laissée sans grande sensibilité. Elle sait l’amertume du rejet et l’impossibilité des réponses. Mais là ! Tout est si différent. Le soir déjà puis la nuit et au matin, elle montre une douce reddition en appelant enfin l’homme par son nom. Elle dit « Philippe » avec précaution d’abord puis avec une assurance un peu plus forte. Il l’encourage, la félicite. Il l’embrasse.

Le matin du départ est là. Julia et sa fille sont emmitouflées dans des vêtements d’hiver. Le taxi va venir, qui les conduira à la gare. Au moment de partir, elle voit les yeux de l’homme s’embuer mais il n’est plus tant d’enlacer et d’apaiser. La longue voiture noire est là. Ils sont déjà séparés. Toutes deux s’installent à l’arrière et sentant son cœur se serrer, elle regarde intensément à travers la vitre de la portière celui qui la salue. Bientôt, elle ne le voit plus. Le taxi les emporte vers la gare où elles s’installent rêveusement dans un train qui les renvoie dans le sud-ouest. Sa fille adolescente, elle s’en souvient, lui parle et rit gaiement, se souvenant des longues promenades, des musées, des spectacles et de la précieuse liberté dont on l’a dotée en la laissant seule dans une chambre où elle crée un mode de vie bohème excluant les contraintes du quotidien. Souriant quand elle l’écoute, Julia reste songeuse. Chaque heure qui s’écoule la sépare de la chambre où l’orchidée somptueuse finit de régner. Le visage inquiet de son amour, ses yeux bleus aux aguets lui sont des reproches muets. Elle est partie la soumise, la libertine, l’amante, la tendre sœur qui écoute. Elle fait défaut. Il ne la voit plus, l’accueillant nue. Il ne peut plus la renverser sur le lit. Le collier qui sertit son cou est maintenant inaccessible et quant à son corps aux jambes écartées, il n’en capte plus la densité.

Hôtel libéré. Chambre à louer. Tout juste une orchidée à jeter, des draps à renouveler afin que les nouveaux arrivants arrivent en terrain neutre.

Bientôt, il ne sera plus à Paris où elle le sait encore. L’aéroport qu’il rejoindra la sépare déjà de lui, si vaste et impersonnel. Il prendra un vol pour Genève et de là, rentrera chez lui. A cette idée, elle gémit ouvertement. Il n’est plus là, plus là. Paupières closes, elle retient ses larmes. Yeux grand ouverts, elle sourit à la belle adolescente. Café, eau minérale, sandwich, livres, film. Elles marquent les jalons d’un long retour. Enfin, le train s’arrête, les laissant à leur maison. Il faut tout de même pour la rejoindre, reprendre une voiture laissée au parking et rouler encore.

Le périphérique abandonné, on gagne les petites routes.

La petite ville apparaît enfin, laide, enfermante. France se gare et coupe le contact. Il est là où elle n’est plus. Et là où elle est, il n’y a personne.

C’est une nuit compacte, impersonnelle dure.

A cette heure, il se dirige vers sa ville et les siens. C’est un homme entouré, aimé et chaque image qu’elle a de lui le montre tel : bon mari, bon père, fils attentif, travailleur efficace, ingénieur compétent. Musicien et pilote, deux passe-temps qu’il affectionne. L’air traversé, la musique rencontrée. Et la lumière qui semble ne pas le quitter, rendant sa vie solaire.

Elle aime un homme sociable, doué, actif. Elle ne renie pas l’elfe du début car il sait, comme lui, changer le réel. Le présent s’illumine, le passé cesse de peser pour devenir bénéfique.

Elle gagne sa chambre, où, succinctement, elle défait son sac de voyage. Les vêtements, les chaussures, la lingerie apparaissent et, à leur suite, les objets sexuels qu’elle lui a présentés. Somnolente, elle hésite à se caresser. La fatigue et la tristesse l’en dissuadent. Elle s’endort vite. Au matin, le souvenir qu’elle a de ce séjour l’illumine, elle est radieuse. Elle jouit plusieurs fois pour A. se disant qu’il en sera heureux. Mais sans contrainte qu’il imposait, le plaisir est vain.

Et puis le quotidien prend la forme du retour au travail. Il faut rejoindre la première et la deuxième cour caillouteuse, les bâtiments « modernes » car de construction récente, surmontés d’un drapeau français qu’auparavant, elle n’a guère vu qu’aux grandes occasions. A la sonnerie, on va chercher les élèves qui attendent en rangs déjà défaits. On les précède vers les salles de cour, où, bon an, mal an, on les fait entrer. Et là, inspirés ou nonchalants, ils écoutent ou regardent par la fenêtre tandis que se déroulent des cours savamment programmés par de hautes sphères.

A nouveau, l’apesanteur.

A nouveau, un message à donner.

Des craies, un tableau.

Des photocopies.

Savoir illusoire puisque le but n’est pas atteint.

Julia souffre peu de cet état. L’imminence d’une grande rupture prouve que dans ces cas-là, on souffre peu. Une sorte d’anesthésie.

Par contre, la séparation d’avec A. est douloureuse. La nuit, elle pleure violemment l’homme aux yeux clairs qui ne l’entend pas. Là-bas dans ce pays qu’au début de leur rencontre, il lui avait demandé de décrire, il travaille et mène une vie de famille. Elle avait parlé des chalets en bois, des horloges locales et des écureuils ; c’était là un univers de conte que les fées marraines adoreraient. Maintenant, elle maintient ce rêve. Là, où il est, les êtres surnaturels se meuvent en silence et ils l’entourent, lui souhaitant du bien.

Les premiers dialogues avec lui laissent d’ailleurs France dans l’émerveillement. Il est ravi de Paris. Une entente parfaite. Aucune anicroche. De beaux jeux.

Il veut la revoir. Et il l’aime.

Elle sourit.

 

Tout ira bien. Enfin, professionnellement, elle fera ce qu’elle peut et sur le plan financier, son île lointaine ayant eu des largesses, elle s’adaptera à une nouvelle situation. Mais elle fera son possible.

L’île, la France, le beau collège ouvert sur la mer, l’autre à la cour poussiéreuse, la nouveauté des cris et de la vulgarité. Rien n’est simple mais pas inextricable.

Elle le croit.

Elle se trompe.

Un jour, tout s’arrête. Un ennui de trop. Lasse, elle va voir un médecin. Les jours d’après, enveloppée de mélancolie, elle ne travaille plus.

Livrée à elle-même, elle fait silence.

Elle pense à l’orchidée abandonnée, à sa force sensuelle, à sa beauté. Même jetée, elle est la marque de son appartenance. Celle- ci l’emporte sur le reste. Oui, elle appartient.

La nuit, émue, troublée, elle enserre son cou de ses mains. Invisible collier. Longue vacance.

Attente.

 

4 juin 2021

Attentive. Chapitre 11. Ces jours là sont beaux.

GLENDA JACKSON LOVE

11

Ces jours là sont beaux.

 

Il y a de nouveaux matins et des jours où il part pour revenir le soir. Et chaque journée qui passe la renforce dans la certitude qu’il est là pour elle et qu’elle est là pour lui. Il la regarde s’éveiller, la caresse, l’étreint, lui fait l’amour entravée ou libérée. Il témoigne pour son corps d’une créativité intense, l’attachant, le contraignant, le caressant, l’embrassant. Il propose des assujettissements ponctuels qui sont autant de liens nouveaux entre elle et lui. A chaque fois, elle s’étonne de ce qu’il crée : nouvelle promenade en laisse, nouvel encordement, attente, fessées violentes, réconfort d’un doigté ou d’une masturbation, étreintes, pénétration. Peu consciente de ce qu’elle donne, elle devient vigilante car le jeu exige qu’elle le soit. Ainsi, prend- elle grand soin d’être odorante et bien maquillée quand il arrive, sa nudité devant être aussi attirante que déférente. Quand on ouvre nue à celui qu’on attend, il faut se montrer au mieux de ce que l’on est, cela, elle le devine tout en se sentant maladroite. A. qu’elle n’ose toujours pas appeler Philippe, est vite rassurant sur ce point. L’offrande qu’elle fait de son corps est si entière et son désir d’obéissance est si total qu’il ne peut être que reconnaissant. France sourit, soulagée. Ainsi, que ce soit dans les jeux préliminaires ou l’acte sexuel, elle voit se renforcer une relation amoureuse qu’elle n’aurait pas imaginée avec lui.

Pour ce qui est de son corps, A. fait savoir qu’il l’aime nue le plus souvent possible. Alors, seule, dans la journée, il lui arrive de se déplacer ainsi dans la chambre où elle l’attend. Le goût qu’il a d’elle n’est pas feint et il le manifeste dès qu’il la retrouve. Un jour, pourtant, il nuance son appréciation. S’il aime la douceur de sa peau, ses formes généreuses et la régularité des traits de son visage, il la juge perfectible sur un point : sa chatte n’est pas aussi lisse qu’il le voudrait. Or, les jeux de soumission impliquent qu’elle soit parfaite. Il voit qu’elle s’épile soigneusement mais c’est une tâche difficile pour elle. A certains endroits, il reste ça et là quelques menus signes de pilosité qui doivent disparaître.

Julia rougit et se sent un peu honteuse mais A. hausse les épaules. Généreux, il propose de remédier. Il la fait se tenir allongée sur le lit, les cuisses écartées, les mains soutenant la pliure de la jambe au niveau des genoux. Il renforce son écartement en appuyant sur le haut de ses cuisses et lui enjoint de rester ainsi. Puis, il s’absente dans la salle de bain et, quand il revient, il tient un rasoir dans une main et de la crème à raser dans l’autre. Se penchant, il dispose sur le pourtour de la chatte des rubans de mousse parfumée et se garde d’atteindre le plus vulnérable de cette intimité. Il est prévenant en gestes et doux en paroles. Julia, enivrée, attend. Le rasoir commence son travail et trace dans la blancheur de la mousse des sillons réguliers. C’est une entreprise lente, sûre, qui ne souffre pas de distraction mais il la mène à bien, sans jamais déroger, heureux de la rendre belle dans ses plis et replis de peau qui n’ont plus maintenant aucune aspérité. Le laissant faire, elle est admirative car l’ayant initiée à des cérémonies secrètes dont elle ignorait jusqu’alors la suavité, il révèle une partie d’elle qui n’a jamais été aussi lisse depuis la puberté. Grandes lèvres et petites lèvres, abord des cuisses, proximité de l’anus, tout est visité et rasé, la chair fine à ces endroits demeurant absolument exposée. Quand il déclare avoir fini, il l’essuie doucement avec une serviette éponge et la félicite. Dévoilant une nouvelle féminité, elle est belle. Sans attendre de réponse, il photographie l’aboutissement de son labeur et le lui présente. France voit un sexe féminin complètement épilé, d’une vulnérabilité extrême, petite rose aux pétales fripées. Est-ce elle ? Vraiment ? Elle a beau se récuser, trouvant à peine acceptable cette chatte qu’il estime gracieuse, il ne la laisse pas avoir raison et il en commente la tendre beauté. Ce fondement d’elle est ravissant et il ne peut se lasser de le regarder.

Hésitante,Julia sourit légèrement. Aux murs, les jeunes femmes des tableaux font écho à son inquiétude, offrant elles-aussi des demi-sourires. Quant aux fées marraines, elles redeviennent présentes. Leur approbation est manifeste. A. est un homme de bon goût…

Justement, il lui demande de l’attendre et se déshabille, puis il la hume avant de la caresser et de la lécher, l’amenant progressivement au plaisir. Il s’arrête cependant avant qu’elle ne l’atteigne pour la pénétrer et, peut-être parce qu’elle se sent encore plus nue après ce qu’il a fait, elle se sent totalement dans l’offrande. Bientôt, il n’y a plus que sa chair et la sienne, ses yeux bruns rencontrant les yeux bleus. Quand l’apaisement vient, il est aussi heureux qu’elle. Les liens sont forts et vont se renforçant. Ils le savent.

Vient le temps où ses stages sont terminés. Il dispose alors de journées entières où il peut se consacrer à elle comme elle se consacre à lui et ces jours-là sont beaux, comme nimbés d’inattendue liberté. Ils se promènent, déjeunent, se prennent, se regardent. Il se tient près d’elle avec la laisse reliée au collier. Elle est près de lui assise, à genoux ou allongée. Il la caresse. Elle est debout, lui tournant le dos, les bras appuyés au mur. Il frappe avec régularité les fesses tendues qui rougissent. A aucun moment, elle ne l’arrête ou ne se plaint. Quand la chair est rouge, il regarde et félicite. Elle sent sa main devenue apaisante sur sa peau brûlante et entend ses paroles toujours encourageantes. Les caresses viennent ensuite, doux corollaire.

Julia achète une belle branche d’orchidées aux fleurs blanches veinées de vert. Chaque fleur a une beauté particulière, à la fois sophistiquée, pernicieuse et simple. Pendant les séances, elle regarde souvent la belle longue tige et pense confusément que chacune de ses fleurs marque un jalon de sa propre évolution. L’une d’elle est précoce et dégage dans son apparence une douceur maternelle. L’autre, plus rétive à la floraison, reflète la complexité de son abandon. Les autres la renvoient aux moments où elle cesse d’être passive. La branche entière atteste de la passion qui la traverse. Il est bon d’être là, de faire silence, d’obéir, d’aimer, d’être aimée.

Car il continue de dire qu’il l’aime et, abandonnant ses résistances tenaces, elle le croit.

Un matin, XX, est en ligne. Émue, elle salue le jeune homme qui, tant de fois, l’a fait jouer, la maintenant - ce que A. ne fait pas- dans l’attente, la crainte et le plaisir sans jamais montrer qu’il tient à elle. Il répond à son bonjour et s’enquiert d’elle. La lecture de ses réponses le laisse, semble t’il, perplexe car il interrompt vite l’échange. Peut-être a-t-il cru qu’elle mentait en disant aller rejoindre à Paris un « Maitre » qui l’y invitait. Pour ce qui est de sa présence dans la capitale, il n’émet plus de doute et c’est banal. Mais en ce qui concerne le nouvel homme qu’elle côtoie, s’il a pu douter de son existence, il est évident désormais qu’il ne la met pas en doute. Ainsi, une passation se fait. Julia pense à cette expression étrange dans la langue française : « à son corps défendant ». En l’occurrence, son corps accepte A. sans avoir renié Bruno. Pourtant, il ne se bat plus vraiment. Les défenses tombent. La passation se fait. XX souhaite « bonne chance ».

Les larmes aux yeux, elle reste un moment dans le souvenir des séances tumultueuses qu’elle a vécue avec lui. L’appartement, l’attente, les postures. Le collier. La gamelle. Les phrases déstabilisantes. La difficulté qu’elle a eue à lui dire ce qu’elle ressentait et sa timidité à lui, dont elle prend conscience tardivement. Elle revoit la pièce sans identité où il la recevait. Elle a aimé l’y rencontrer.

Mais, les comparaisons commencent. La chambre où A. la voit est plus intime. Les jeux sont moins âpres. Les enjeux se situent dans un temps que Bruno n’a jamais évoqué, laissant entendre que chaque séance était un tout ne conduisant pas forcément à une autre rencontre. Cette conduite qu’il a eue, même si elle cachait une volonté de poursuivre, a déstabilisé la femme qu’elle était. Même reconnaissante du dressage qu’il a mis en place, Julia ne peut plus balancer car A. donne à leur rencontre une signification affective, physique et humaine qui ne la font plus passer du ravissement à la contrition. Elle reconnaît à XX la volonté de ne pas l’avoir dégradée. Mais leurs jeux la mettaient loin d’elle-même. A ceux-ci elles préfèrent ceux de l’homme aux yeux clairs. Son identité ne s’en va pas.

 

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4 juin 2021

Attentive. Chapitre 12. Images.

femme rêveuse

12.

Images

 

Seule et loin de lui, dans cet espace étrange de non travail, de la mélancolie et de la fatigue nerveuse, elle voit sa vie s’organiser autrement. Déjeuner avec sa fille, départ de celle-ci pour le collège où elle-même ne se rend plus, lecture, écriture, rêveries. Sachant qu’il se met souvent en ligne, Julia recherche les mises en scène qu’elle lui présentera pour que se poursuivent virtuellement les jeux qu’ils ont connus dans le réel. Quand vient le temps de se parler et de se voir, par écrans interposés, elle fait assaut d’inventivité et de drôleries et lui, stimulé de la lire et retrouver son visage, se lance aussi dans des joutes où s’expriment son amour et sa tendresse.

Au long de semaines traversées par d’intenses crises de tristesse, elle lui parle autant qu’elle peut, lui écrit, se montre attentive de lui comme il l’est d’elle. Plus il la contemple le soir, quand allongée sur son lit, elle se livre à ses regards, plus il la trouve rajeunie, embellie et le lui dit. Est-ce le fait de ne plus subir les cours au collège où son enseignement lui semblait décalé ? Est-ce parce que la certitude qu’elle compte pour lui, lui fait transcender son abattement ? Elle ne le sait. Sans doute est lié à l’autre. Toujours est-il quand une période où elle devrait céder à une sensation d’échec, la certitude qu’elle a avec lui un lien très fort la maintient active et souvent heureuse. Quel ravissement inattendu ! Quelle issue improbable ! L’homme tranquille aux yeux bleus bienveillants reste constant dans sa présence aimante. Ainsi, il la guérit de ce qui, des mois durant, l’a blessée.

A peu de temps de là, Julia voit partir sa fille en Espagne, pour un voyage scolaire auquel elle l’avait inscrite. Elle aura un temps de vacances où, seule, elle restera dans sa maison. Elle en informe A. Laisse-t’ elle transparaître son inquiétude de rester seule et isolée ? Trouve t’il qu’il y a là une bonne opportunité de la voir seule ? Toujours est-il qu’en un rien de temps, il décide de la faire venir quelques jours dans cette ville de Suisse où il a toujours vécu et France, ne trouvant même pas le temps de s’offusquer d’une invitation peut être trop vite formulée ou inconsidérée, avoue son enthousiasme. En quelques heures, tout est réglé. Elle prendra l’avion puis le train. Tout sera simple. Ils se verront.

La petite maison où elle vit, recèle donc une possibilité d’être heureuse puisqu’une telle nouvelle peut lui parvenir. Légère, elle s’étire, laissant la joie l’envahir. Les quelques jours qui la séparent du départ passent vite. Elle prend le goût de marcher dans une campagne que l’hiver quitte et où elle retrouve ces marques du printemps qu’elle avait oubliées : las haies d’aubépines et les jonquilles la ravissent, elle qui ne connaissait plus que les arbres tropicaux et les fleurs des îles.

Le jour, dit, elle se rend à Toulouse et de là, prend à l’aéroport un moyen courrier pour Genève. Elle a cessé d’être celle qui dans la petite ville se réfugie dans sa maison en essayant d’oublier les humiliations qu’elle vient d’essuyer. Elle est une voyageuse brune, vêtue de sombre, qui change de pays. Le vol est court. France s’amuse des journaux empruntés car ils ne sont plus français et du repas modeste qu’on lui sert, chacun des éléments qui le composent, lui semblant original et déjà décalé par rapport aux habitudes alimentaires paysannes et nourrissantes de la région où elle vit.

Il est tard, elle attend un grand train.

Curieusement bondé quand elle y prend place, elle le voit se vider progressivement de sorte qu’au moment de le quitter, elle ne voit plus que deux ou trois personnes, dans son wagon.

Il est à la gare.

Il la regarde.

Elle ne l’appelle pas A., elle dit Philippe.

Tout devient doux. Dans la fraîcheur de la nuit, son sac de voyage sur l’épaule, enveloppée dans son manteau bleu foncé, elle le regarde.

Elle le regarde.

Un autre temps commence, plein de jeux qui excluent le hasard et la facilité ;

Il caresse sa joue.

Elle le regarde. Ses lèvres s’écartent pour laisser place à un sourire tandis que ses yeux se mettent à briller d’un bonheur dense.

Il y aura beaucoup, beaucoup de jeux cette fois ci.

Et encore d’autres, à l’avenir.

Tous deux le sachant, se le tiennent pour dit et se regardent avec cette complicité sans âge qu’on a dans ces moments là, puisqu’une force peu commune vous aimante l’un vers l’autre et que tout se passe de mots.

Alors, le suivant hors de la gare, elle monte dans sa voiture et sans que rien dans leurs menus échanges ne puissent transcrire leurs états d’âme, ils ont cette secrète communication qui préside à ce type d’amour.

Conciliabules silencieux auxquels président, France n’en doute pas, les fées marraines.

 

14 décembre 2020

LUCAS ET KYRILL.

France Elle

 

kyrillllllllllllllllllllllllllllllllll

 

LUCAS ET KYRILL.

 

Récit initiatique.

 

 

14 décembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Bonheur écaillé. La maladie.

 

DESSIN ENFANTT

 

Et puis, il avait eu quatre ans et n'avait plus jamais cessé d'être malade. La fièvre l’assiégeait des jours durant et le laissait épuisé. Il avait des maux de gorge récurrents qui l'empêchaient de s'alimenter correctement et perdait facilement du poids. Il était sujet aux maladies de peau et lui qui avait été un si joli bébé replet, paraissait désormais maigre et laid...

Des traitements ? Ah oui, il en avait reçu beaucoup. Au départ, Noémie et Vincent étaient certains que la médecine saurait trouver les bons remèdes. A l'évidence, il avait fallu déchanter. Aucun organe ne dysfonctionnant chez Lucas, il était donc inenvisageable de l'opérer. Les examens qui s'étaient multipliés n'avaient révélé aucune anomalie, même sanguine. Les traitements divers administrés à l'enfant fonctionnaient très bien au départ puis paraissaient sans effet. Les médecins, fâchés de devoir avouer qu'ils n'y comprenaient rien avaient d'abord tenté de diaboliser les parents et évoquant des troubles psychosomatiques. Aucun des deux n'avait refusé cette interprétation mais c'était peine perdue : les psychologues et les psychiatres non plus ne parvenaient à rien.

En termes clairs, Noémie, Vincent et Lucas étaient renvoyés à eux-mêmes mais l'acceptaient avec bravoure. L'enfant étudiait à la maison et malgré sa fatigue chronique, ses fièvres et ses vertiges, progressait. Il aimait la lecture, adorait l'histoire et les sciences. Par beau temps, sa mère lui installait une petite piscine dans le jardin et il lui arrivait d'y barboter. Le jeune père, quant à lui, avait construit une cabane pour son fils dans une des pièces de la maison, reconstituant par là un terrain d'aventures dont l'enfant s'était emparé avec fierté. La famille venait et ne savait trop comment se comporter. C'était des moments pénibles. Heureusement, quelques enfants du voisinage venaient voir Lucas et là, tout allait bien. Ils étaient à un âge où les préjugés n'ont pas encore pris racine. Dès qu'ils étaient arrivés, ils commençaient à jouer...

Souvent seul malgré tout, Lucas pouvait compter sur ses animaux de compagnie qui lui fournissaient un exutoire. Il aimait Maboule, le chat gris à longs poings, Roast-beef, le petit pinscher timide et Malika, la tourterelle grise sans parler d'autres animaux qui, eux, appartenaient à ses parents mais n'étaient pas cantonnés à la maison. Avec eux, il était heureux, profitant d'une complicité et d'une communication silencieuse. Parler avec les animaux ? Bien sûr qu'on pouvait et pour cela, pas besoin d'ouvrir les lèvres. D'eux, ils recevaient beaucoup de tendresse...

14 décembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Une drôle de vie.

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Enfant malade que rien ne guérit vraiment, Lucas est très entouré par ses parents qui ont bon espoir...

A huit ans, Lucas avait une drôle de vie. Il sortait peu, sa « maladie » l'invalidant mais rayonnait d'intelligence et de gentillesse. Cependant, Jérémie et Noémie le savaient, ce maintien à la maison heurtait l'ordre social. Les années passaient et il devenait essentiel était de placer l'enfant dans une structure conforme aux usages de la société. Après tout, dans un internat lointain, il serait soigné, socialisé et instruit avec d'autres enfants. Voilà le discours qu'on leur tenait.

Sentant que Lucas allait leur échapper s'ils laissaient faire, Noémie et Vincent menèrent une véritable campagne de persuasion auprès de leur jeune fils. Celui-ci voulait-il être séparé d'eux ? Non, assurément. En ce cas, il devait aller à l'école du village. On lui faisait l'école à la maison, c'était autorisé. Depuis un an, une institutrice à la retraite officiait auprès de lui et s'en tirait très bien. Il n'était pas en deçà des élèves qui allaient en classe, il était même au-dessus de beaucoup d'entre eux mais le problème n'était pas là. Il se confrontait pas aux autres. Il n'était pas assez socialisé. Son état physique était certes fragile mais trop de protection familiale l'empêchait de devenir plus fort...Voilà ce qui était dit à ses parents. Il ne fallait pas qu'il fût si différent...

De nombreuses discussions eurent lieu. On se mettait à sa portée. On se répétait.

L'enfant saisit très vite les enjeux de tels échanges.

Ses parents n'ayant jamais connu l'échec, s'en voulaient de le voir si maladif. Au fond de lui, le petit garçon ne trouvait pas stupide les discours des médecins et des psychologues. Être placé dans une structure hospitalière ne lui enlèverait pas définitivement ses parents mais lui permettrait de s'ouvrir à d'autres expériences. Il deviendrait « un grand garçon ». C'était tentant mais il se garda bien de le dire. Face à la détresse de son père et de sa mère, Lucas décida qu'il fallait jouer le tout pour le tout. Justifier de son maintien dans le village exigeait qu'il fût en bonne santé.

Qu'à cela ne tienne, il se conforma à ce précepte. Ses accès de fièvre s'espacèrent, sa peau ne fut plus la proie de maladies bénignes, il prit du poids et déclara vouloir faire du sport. Bientôt, il n'y eut plus d'obstacle à l'inscrire à l'école du village. Encore malingre, il y parut d'abord en mauvaise posture. Jérémie et Noémie pensèrent le reprendre à la maison où il serait enseigné comme avant mais ils n'eurent pas la possibilité. Sur le plan scolaire, Lucas se débrouillant très bien, il était à craindre qu'il se fît plus d'ennemis que d'amis, compte-tenu de son passé. Or, le petit garçon était rusé, qualité dont ses parents le croyait dépourvu. Pour ne pas être embêté, il fallait neutraliser les gros bras de la classe.

 

LETTRE M

Cela, Lucas le comprit vite. Quelques bagarres, quelques moqueries, quelques alliances conçues au bon moment, cela suffit. Il courait vite, il était petit mais avait le coup de poing facile. En outre, il savait offrir une aide aussi discrète qu'inattendue à des élèves bagarreurs mais faibles en français ou mathématiques. C'était un être adroit. Son instituteur s'en rendit compte et s'en amusa : ce petit Lucas qui arrivait dans sa classe avec un handicap certain, tirait fort bien son épingle du jeu. Il se faisait une place. Et pas n'importe laquelle ! Pensez donc : hier malade et aujourd'hui guéri ! Fraternel certes mais capable de vous remettre à votre place ! Jusqu'à sa laideur qui se transformait en beauté ! Vraiment le genre de prodiges qui rassurait l'éducation nationale !

Deux ans durant, le « miracle » se poursuivit. Lucas eut les meilleures notes. A la fin du CM2, il pouvait raisonnablement penser qu'au collège, il n'aurait aucun problème.Certes, il serait interne mais il viendrait tous les week-ends et aux vacances.

 

14 décembre 2020

LUCAS ET KIRYLL. Maladie et rémission.

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Lucas, enfant vif et attachant, est tombé malade très vite. Il l'est toujours mais connait des périodes de rémission. Le chien Lucky veille sur lui

A la maison, ses parents exultaient. Les animaux qui avaient peuplé sa petite enfance ayant souvent été donnés ou étant morts, ils lui avaient offert un chien, un golden retriever très bon enfant, qu'il avait appelé Lucky. Tous les deux battaient la campagne avec bonheur.

Pourtant, il y eut une ombre au tableau. A la fin du mois d’août, alors qu'approchait la rentrée, Lucas eut un malaise, alors qu'il rentrait d'une grande randonnée avec deux bons amis. Le trouvant évanoui dans la cour de la maison, ses parents le transportèrent dans le salon et, comme son état ne s'améliorait pas, ils appelèrent le médecin. Fidèle, Lucky ne quittait pas son maître. Depuis qu'ils étaient ensemble, ils se parlaient de cette façon secrète que Lucas avait découverte il y a longtemps. De vrais dialogues sans desserrer les lèvres. Ce fut à lui qu'il s'adressa, sachant qu'il comprendrait.

-Tu sais, mon beau chien, ça va recommencer.

Le golden le regardait en silence.

-Le syndrome de Ah Thor. Ça n'est pas une maladie recensée mais moi, je l'appelle comme ça.

Une lueur de compréhension passait dans les yeux du chien. De tous les animaux qu'il avait eus, le golden retriever était celui dont il était le plus proche. Ils étaient en symbiose.

-C'est comme un grand cri qui vient de l'intérieur. Je ne sais pas combien de temps ça va durer, cette fois...

Le chien, tout éperdu de sollicitude, lui léchait le visage.

-Je me bats depuis des années et quelquefois j'y arrive. Lui, il ne peut plus m'embêter autant. Il est bien obligé d'être plus tranquille ! Seulement, au bout d'un moment, ça m'épuise. Là, tu vois, il reprend le dessus.

Lucas sentait l'haleine du chien sur ses mains et se noyait dans son regard plein de compassion.

-Je ne pourrais pas rester ici ni aller au collège. Ils vont avoir du chagrin. Il faudra que tu sois très gentil avec eux !

Au gémissement qu'il poussa, Lucas comprit que son compagnon était d'accord .

Les parents, qui s'étaient écartés de l'enfant pour accueillir le médecin revinrent près de lui. Après l'auscultation, le verdict tomba. L'enfant fut hospitalisé.

Tout alla très vite. Pendant quelques semaines, il fut brûlé de fièvre et perdit du poids. Il avait du mal à quitter le lit. Il lui arrivait de pleurer tant il se sentait mal. Comme à l'accoutumée, on n'y comprenait rien mais on utilisait pour qualifier son état des mots savants.

Mortifié pour ses parents, Lucas savait qu'il n'irait pas au collège. Il ne grandirait pas sous le regard aimant de Noémie et de Vincent. On l'hospitaliserait pour une durée indéterminée, loin des siens.

Après son départ, tous furent tristes. Lucky déambulait souvent seul sur les chemins environnants. Avant de s'en aller, Lucas l'avait assuré que la distance n'était rien et qu'ils se parleraient. Ils le faisaient mais le chien s'inquiétait. Un jour, il vit se former dans le ciel nuageux, un étrange visage mouvant. Il était monstrueux, orbites vides, joues creuses, cheveu rare, teint livide. Il fut traversé par l'idée que c'était ce  Ah Thor dont Lucas semblait avoir si peur ! C'était lui l'ennemi à vaincre mais comment le faire savoir à ceux qui voulaient aider Lucas ? Il se contenta donc, des jours durant, d'émettre des jappements désorientés. On le consola. Dans son étroite tête de chien fidèle, il forma un projet : il apporterait à qui de droit toute l'aide requise...

 

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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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