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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

21 juin 2021

Attentive. Chapitre 4. Corps. (3)

CORPS FEMME

Elle a donc accepté qu’il en soit ainsi, attendu, obéi, trouvant cet homme plus fascinant que ridicule, sans doute de par son aplomb invraisemblable. Et lui, se sentant obéi, a annoncé une visite qu’elle n’attendait plus. De cette rencontre, il n’y a rien à garder ou presque. Il est arrivé vindicatif et grave, l’a observée nue, invectivée, frappée car elle tremblait, les yeux bandés et les mains dans le dos, de déplaire au Maitre. Puis, parlant fort, il a exigé des objets qu’elle ne possédait pas, s’est moqué de ses larmes et de sa contrition et s’est enfui en se lamentant d’avoir accepté une entrevue aussi lamentable. Elle est restée seule, couverte d’un peignoir léger qu’elle avait posé sur le canapé du salon avant son intrusion, un peu tremblante, défaite et sûre qu’il n’avait extirpé d’elle aucun de ces plaisirs enfouis dont il avait parlé. Puis elle a réussi à se reprendre. Et lui, Maitre J. elle l’a relégué dans sa mémoire, à côté de l’homme de la chambre fraiche. Après tout, ils méritaient d’être côte à côte puisque l’ayant manipulée. Mais à tout prendre, elle a regretté l’homme vieillissant et non celui qui se faisait appeler Maitre.

Quelques semaines ont filé. Elle a relu son courrier. Pourquoi a-elle répondu à un autre «correspondant» dont elle voyait bien la filiation avec le précédent ? Il se disait sympathique, courtois et directif dans les jeux érotiques. Du reste, son pseudo érigeait l’adjectif en substantif. Directif. La réponse au message qu’elle lui a fait parvenir ne dénotait pas la prétention de J. mais une fermeté pleine d’humour et, elle l’a compris, plus de savoir faire. Cela a dû être suffisant pour la décider. Alors, dans le nouveau message qu’elle lui a adressé, s’est-elle montrée diserte en laissant, au passage, un numéro de téléphone. Elle a pensé qu’il en ferait usage quand il le déciderait et qu’elle n’était engagée à rien. Mais, lui, au contraire, l’a presque immédiatement appelée, et au ton orageux de sa voix, elle s’est sentie fragile. Si Maitre J. a été grotesque, Directif a su se faire entendre. Du reste, les questions ont fusé et elle a dû y répondre. Du rapide interrogatoire subi, il est ressorti qu’elle errait dans des territoires pour elle inconnus, qu’elle était ignorante des dangers possibles et que son innocence en faisait une proie. Une proie acceptant de l’être. Il l’a compris. Elle aussi. Si tant est qu’ils soient sur le même mode de lecture. Il a désiré la voir. Un rendez-vous a été fixé. Au fond, tout semblait irréel : viendrait-il seulement ? Elle a attendu deux jours, pensant qu’il l’avait juste provoquée verbalement mais au jour et à l’heure dite, il s’est présenté chez elle. Dans l’instant où il a franchi la porte, elle a compris que si l’autre avait brièvement paradé avant de s’éclipser, lui, ne tenait pas le moins du monde à disparaître. Inspectant le salon, il lui demandé de se déshabiller avant de la caresser et de la palper. A commencé une étrange et longue séance de soumission dont elle est ressortie épuisée. Il est difficile de ne pas l’être quand on a marché à quatre pattes, reçu des gifles sur les joues et des claques sur les fesses, rampé, monté un escalier, attendu allongée sur le dos puis sur le ventre qu’on vous doigte longuement. De l’alternance des coups et du plaisir –que du reste, elle n’a pas atteint- elle ne savait rien ou du moins, pas cela. Non, à la vérité, elle ne savait pas qu’on pouvait vouloir que « cela » finisse car le corps malmené révèle vite ses limites. Il ne reste alors que des respirations saccadées, des pensées confuses, un désir d’avilissement programmé puisque l’accepter est la promesse d’un arrêt des sévices et d’un départ. Elle ne savait pas qu’on pouvait dire « assez ». Et après les reptations, les coups, les attentes, les longs doigtés insistants, les fellations qu’il a demandées, les photos qu’il a prises pour sa « collection personnelle » dont elle suppose qu’elle est la nième femme, elle a demandé qu’il parte. Narquois, insolent, il a dit « oui ». Mais, prise dans cet entre-deux du plaisir et de la honte, elle a su qu’il reviendrait et qu’elle le recevrait.

Le Mentor, le Guide. Celui qui sait. Dans l’île parfumée, elle l’aurait donc rencontré ? J. n’était pas conforme au rôle. Directif, oui. Il est performant.

Cela signifie qu’elle a changé et qu’elle n’est plus destinée à l’usage qu’en faisaient l’homme vieillissant et ses amis changeants. Lui, le jeune homme au corps fin et nerveux, à la parole dure et ferme, l’a compris. Du reste, quand il revient, il se montre impitoyable et, nonobstant la naïveté dont elle a pu faire preuve lors de la première séance, il la contraint, la bafoue, criant, giflant, riant, attendant qu’elle se reprenne pour mieux la harceler, la contrôler, exigeant le plaisir, défendant qu’elle en prenne, lui demandant ce qu’elle aime pour mieux le contrer.

Directif. Le jeune homme qui tempête. Hurle. Le visage exalté. Les joues rougies. Le torse nu. Et elle, France, obéissant, cajolant, attendant de lécher, d’embrasser, de caresser, se laissant mettre un doigt puis deux, grande bonté et douceur de sa part, il le dit lui-même.

Il l’a dit. Elle l’a cru. Six heures durant. Après cela, elle n’a plus la même image des corps. Ceux de la petite chambre s’éloignent. Ils n’ont pas tenu la comparaison face à lui qui lui a dit que le sien, un peu maladroit et rond, devait être domestiqué et pouvait

L’être. Qu’il fallait juste le malmener pour que de lui-même, il permette à ses orifices de s’ouvrir naturellement. Au fond, une femme mouille vite et bien si tant est qu’on la dresse comme il convient. Alors, n’importe quel objet contondant la rappelle à son plaisir.

Elle a été dressée, elle a compris.

Les vacances arrivant l’ont libérée de Directif et de son imagination fertile. A son retour, il l’a appelée. Elle l’a revu un peu, tout effrayée.

Puis, elle a mis fin à ces rendez-vous.

Il n’y a pas vu grand mal.

Là-bas, dans l’île au parfum de vanille, elle a, des mois durant appris que son corps peut avoir plusieurs usages. Les jeunes gens de la chambre pleine d’ombre lui en ont indiqué un bienveillant. Les deux Maitres pervers. Il y aurait donc une façon d’être propre ou sale quand on tourne et se retourne pour contenter suivant qui vous sollicite ?

Si c’est le cas, J. et Directif lui ont fait comprendre qu’elle était sale. Sinon, pourquoi aurait-elle trouvé leur adresse ?

Dans la petite ville où elle habite, France pense à eux.

Lisse et douce, conquérante.

Obéissante, utilisée, salie.

Qui est-elle maintenant ?

Les adolescents persifleurs dont elle a momentanément la charge en sauraient-ils quelque chose ?

 

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6 juin 2021

Attentive. Chapitre 5. Jeune homme en silence. (1)

JH ANCIEN

 

5.

Jeune homme en silence

 

C’est de lui qu’elle devrait parler. De lui qui est resté dans l’île tropicale quand elle tente de réorganiser sa vie en France, car il ne cesse de prendre soin d’elle. L’homme vieillissant ne sait pas qu’elle a changé d’hémisphère, le contact avec lui s’étant effiloché puis rompu. Le premier « Maître » continue loin d’elle ses pérégrinations mentales et physiques et Directif, sachant qu’elle partait, a tenté de la voir une dernière fois pour la « corriger » car une chienne comme elle mérite de l’être. Haussant les épaules, France n’a pas eu grandes difficultés à lui échapper. De toute manière, la maison où elle avait vécu était désormais vite et dans les logements temporaires où elle s’installait avec sa fille, il était difficile de venir la voir.

Il reste le jeune homme silence.

Celui qu’elle n’a pas encore évoqué. Le seul qui mérite de l’être pourtant.

Après le libertinage, les étreintes, les annonces et la recherche d’un « mentor », après les expériences cuisantes qu’elle a traversées et dont elle préfère laisser certaines dans l’oubli, Julia a connu XX. Elle veut se souvenir de son approche, des premiers dialogues, de sa méfiance et des difficultés qu’elle a ressenties quand il lui fallait répondre vite et, se souvenant d’avoir été crédule, elle préférait réfléchir. Elle sait qu’il l’a bousculée d’abord, la pensant peut-être coquette ou calculatrice mais qu’ensuite, prenant la mesure d’une fragilité qu’elle ne dissimulait pas, il est devenu patient. Les photos qu’elle devait commenter, les questionnaires qu’elle devait remplir, les apparitions et disparitions brusques qu’elle devait accepter et la politesse, qu’à son égard, il lui a enjoint d’avoir, tout cela a construit sa relation avec lui. Et, elle l’a bien compris, cette fois, il a été question d’une vraie relation alors qu’avec le militaire impérieux, les amants d’âges divers aux prénoms fabriqués, et les deux « maîtres » qu’elle avait rencontrés, elle n’en avait pas réellement eue. Tout juste l’avaient-ils regardée et utilisée.

XX. Elle essaie de le cerner, de le comprendre.

XX, elle ne sait si elle va le voir. Elle le lit d’abord, s’applique à rédiger des réponses claires, non pour qu’elles le satisfassent mais pour qu’il ne la prenne pas pour une autre. Elle dit ses erreurs, ses blessures. Elle dit qu’elle est souvent triste.

Il ironise souvent. Il questionne beaucoup.

Il prend son temps.

Comme trois mois sont passés, elle trouve logique de lui demander s’il veut la rencontrer, ce à quoi il ne dit pas non. Cependant, elle s’étonne qu’après lui avoir envoyé des photos de dressage comme elle a pu en trouver sur internet quand Maitre J. puis Directif la tourmentaient tant par leurs exigences incompréhensibles que par la violence de leurs propos, il ne soit pas virulent. Il accepte même qu’elle ne complète pas un questionnaire de soumission et allègue de l’avoir déjà fait. Certaines questions, c’est bien simple, lui soulèvent le cœur. Mais il exige la politesse, le vouvoiement et l’exactitude aux rendez-vous posés même si ceux-ci sont virtuels. Julia obéit. XX est différent, elle le sent.

6 juin 2021

Attentive. Chapitre 5. Jeune homme en silence. (2)

J HHHHH

 

Quand vient un rendez-vous réel, elle voit son intuition confirmée.

Le jeune homme fin la regarde avec attention, la dédouanant du militaire qui n’aimait pas les femmes mais n’osait pas le dire, de l’homme vieillissant et de ses acolytes et enfin, de ces jeunes hommes rageurs qui l’ont malmenée et frappé, lui donnant des rapports de domination et de soumission, une image dégradée.

En robe noire et ballerines, sans sous-vêtements ni bijoux, Julia pose sur son interlocuteur des yeux mi-rieurs mi-attentifs et lui, tout en se montrant intrusif, garde une réserve polie qui n’a rien d’effrayant. Il l’invite à le suivre. Sur ses gardes, elle accepte au vu de son calme et de son sourire discret. Ils roulent sous la pluie. La peur la prend. Il l’attend. C’est difficile de ne pas entendre la voix méprisante de J. lui disant qu’on ne peut être plus méprisable qu’elle, de ne pas revoir Directif enlevant sa ceinture et la lui passant sur le dos avec douceur avant de la frapper en riant. Toutefois, elle redémarre car au téléphone, il la sermonne, l’enjoignant de prendre une décision. Elle acquiesce. Elle va chez lui et une fois dans son salon, les cheveux mouillés car la pluie tropicale tombe drue, la robe noire collée à son corps marquant nettement les seins aux pointes excitées, les hanches et les fesses, elle se laisse contempler d’abord puis dénuder.

XX regarde un corps qui n’est pas souillé. Elle le sent.

Et, qu’elle soit debout, assise, à quatre pattes ou allongée, il ne changera pas son regard sur elle, la renvoyant à une féminité ronde, douce, provocante en plénitude et pourvoyeuse de bonheur. Bien sûr, elle obéit à des ordres stricts, bien sûr, elle sait se taire puis répondre à des questions simples en employant des réponses stéréotypées. Elle sait embrasser les pieds de celui qu’elle appelle « Monsieur », masser et lécher son sexe, écarter ses fesses pour lécher encore, le laver et se faire laver. Elle sait aussi stimuler et provoquer un orgasme, se faire prendre quand il le souhaite, se mettre à quatre pattes dans la baignoire et le laisser uriner sur elle. Elle se promène, lui, la tenant en laisse et tirant doucement sur le collier. Il l’habille et la dénude. Il l’embrasse mais jamais sur la bouche. Il pose sur ses reins une main ferme qui la fait se cambrer et entre ses cuisses une autre qui la fait s’écarter davantage.

D’elle, il sait beaucoup.

Les mois avec XX lui apparaissent comme mystérieux. L’un et l’autre restent insatiables. De lui, elle admire l’inventivité respectueuse, l’élégance dans le choix des lieux, la crudité du vocabulaire et le tact qui consiste à laisser l’autre se reprendre quand tout va trop vire. D’elle, il aime l’audace tempérée de timidité, la sensualité vite libérée, l’intuition que le moment est juste pour uriner, se cambrer, attendre toute ouverte et frémissante que le doigté qu’il a entrepris soit assez profond, le respect qu’elle a aussi, lui embrassant les mains ou attendant à genoux, yeux baissés, qu’il se dise content.

Il est « Monsieur ». Elle est « Nina ».

Elle connaît peu à peu sa peau. Il sait comment caresser ses cheveux.

La soumission entre eux est peu tangible, silencieuse sans être mutique. Jamais elle ne se laisse à d’autres gestes qu’auraient des amants comme poser sa tête sur une épaule ou tenir une main. Jamais, il ne l’enlace. A la fin des séances, il lui adresse un bonsoir hiératique auquel elle répond, yeux baissés, avec cette douceur polie qu’avec lui elle adopte.

XX la laisse à elle-même : humide, suintante, contente d’avoir été fessée, les doigts odorants des caresses et des enfoncements qu’elle a faits, à la fois lasse et exaltée.

Elle lui envoie des textes, souvent des compte- rendus.

Elle s’abstient de jouir puis se caresse et gémit, puisqu’il le demande.

Il envoie des photos où elle se reconnait difficilement sans doute car il lui est difficile d’admettre qu’une femme mature peut rencontrer si facilement le plaisir d’être contrainte. Contrainte d’adopter des postures, de les tenir et d’être prise en photo. Sans compter que tout a une signification et qu’il est bon de nommer un à un le sens de ce qu’on vit. Debout car, agenouillé car, allongé car…

Julia s’en voudrait de ne pas répondre. Elle est en apprentissage. Alors, bravement, elle écrit et commente, obéit dans les jeux poursuivis et se tait quand il le faut.
Elle aime que le jeune homme soit si prudent, ne communique que très peu, la surprenne toujours quand il la convoque. Elle aime avoir si peur de le décevoir.

La route, les hôtels où elle attend, les rendez-vous nocturnes, la nudité sous une robe ou un imperméable, le collier, les yeux bruns de XX. La peau lisse de son torse. Son sexe érigé. Ses mains sûres qui la font se tourner, se coucher sur le capot d’une voiture avant de relever sa jupe. Les caresses qui précédent la pénétration qui fait gémir. Les consignes qu’il donne. Bien s’offrir, bien s’ouvrir.

L’agenouillement qui suit toujours.

Les nuits tropicales. Les retours à l’hôtel. La douche fraiche avant de dormir, même si XX. L’a lavée avant de lui dire au-revoir.

Et puis soudain, quand elle dit qu’elle part, le changement qu’il a. Rien de violent ou d’ostentatoire, non mais un changement. Il devient attentif sans se départir de cette sécheresse un peu négligente dont il a toujours fait preuve. Il s’inquiète des lieux provisoires où elle va vivre, de sa facilité à s’y installer et des besoins qu’elle pourrait avoir. Elle le rassure. Le premier logement dans les hauteurs de la capitale est rassurant et le second, plus précaire, présente un confort suffisant. Et puis, il dispose d’un petit jardin tropical et d’une vue sur l’Océan indien et, elle ne peut le nier, se lever le matin, et poser sur la table de la terrasse un bol de café noir est merveilleux si tant est que tournant la tête vers l’horizon, on puisse contempler le mouvement de la mer. Elle est là bien à l’aise, avec sa fille.

XX toutefois écrit souvent et vient la voir.

Il lui passe le collier autour de cou et doucement elle marche nue dans le jardin et la maison avant qu’il ne la pénètre.

Il n’existe plus rien des rencontres lapidaires avec les amants de la chambre fraiche et leur ordonnateur. Quant aux jeunes hommes qui ont tant crié contre elle, elle les trouve pathétiques, leurs grimaces ne leur faisant pas honneur.

Il reste XX.

Le silencieux jeune homme qui sait dire au revoir quand l’avion lui fait quitter la belle île pour Paris puis bonjour quand, arrivée avec sa fille dans le sud-ouest, elle tente de s’installer.
Tout septembre, il l’accompagne patiemment. Le temps radieux, la distance géographique et psychologique la rendent plus oublieuse que lui qui veille sur elle, comme un protecteur. Elle ne sait rien encore de cela car il le lui dira plus tard. Elle pense bien sûr qu’il a été un guide précieux, bien meilleur « guide » et « mentor » dans les jeux érotiques que les deux premiers prétendants au titre, qu’en outre, il l’a protégée d’une fragilité qu’elle ne mesurait pas toujours en elle et que par cela même, il l’a aidée. Mais, prise dans une adaptation difficile dans un pays qui est le sien mais dont elle a oublié, après ces années dans l’hémisphère sud, l’intrinsèque dureté, elle satisfait sottement ou parce qu’elle a peur de cette vie nouvelle, des appétits immédiats qui la font s’exhiber et s’afficher sur des sites spécialisés. Elle ne dit rien de cela au jeune homme silencieux, rien de ses déshabillages, de ses seins qu’elle présente, des postures qu’elle prend. A la dureté du retour, ces moments, du moins le croit-elle, opposent une bénéfique parenthèse. On l’y observe nue ou presque. On la conseille, on l’encourage. France est contente de se donner ainsi et d’être mouillée à l’entrejambe car on la regarde. Au fond, elle y trouve son compte.

Loin, XX, auquel elle ne dit que peu de choses de ce qu’elle vit, continue de l’écouter et de la rassurer.

Mais ça ne suffit plus.

La ville petite aux rues étroites. Le collège vétuste aux salles bruyantes et aux couloirs à l’inutile longueur, les cours pleines de graviers. Les élèves turbulents qui la regardent à la dérobée, sourient avant de faire entre eux des plaisanteries railleuses. Tout cela est trop lourd.

Au dehors, enseignante lisse, elle tente d’imposer une image.

Chez elle, face à l’écran, elle s’allonge et s’exhibe. Qui peut la penser propre ?

XX parle. Elle lui manque. Il laisse journellement des messages.

Julia oublie de se regarder dans un miroir.

Un jour, elle le sait. Elle a dû emménager en commençant à faire cours et s’occuper de mettre en place un logement décent. Elle a peu d’habits de mi-saison et d’hiver. Là-bas, on n’en portait pas. Elle a sans doute été oublieuse des usages de ce lieu de vie et trop encline à se réfugier dans ses fantasmes.

Il existe d’elle, ici, une mauvaise image. Celle d’une enseignante négligente, ne serait-ce que par le soin qu’elle apporte à son hygiène.

Julia, en larmes, ne sait que penser tandis que bienveillant XX. Continue de lui parler. Sur les photos qu’il lui fait parvenir, Julia-Nina est fraîche.

Le soir, le remerciant, elle contemple ces reflets d’elle.

En effet, avec lui, elle est lisse.

 

6 juin 2021

Attentive. Chapitre 6. Accoutumances. (1)

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Chapitre 6.

Accoutumances

 

 Le samedi matin, on fait le marché. C’est d’usage. Alors, elle s’y rend scrupuleusement puisqu’il faut bien redécouvrir le terroir et ses produits. Beaucoup d’anglais sont là et cela la ravit car ils parlent un français presque parfait. Elle qui est native, mais pas de cet endroit, se sent au moins, plus à sa place. Elle est dans son pays. Dans son petit panier de courses, s’entassent les salades, les magrets, les fleurs qu’elle n’achetait jamais là-bas. Chez elle, elle cuisine. Le grand chat aux yeux noirs tourne autour d’elle et se frotte à ses chevilles tandis qu’elle fait mijoter des morceaux de bœufs avec des légumes et qu’elle épluche des pommes pour en faire une compote.

Faire la cuisine, se promener dans le village, prendre des photos, Julia pense qu’il y a là un moyen de s’insérer. Peut-être après tout, n’est-ce pas si difficile, malgré des débuts houleux…

A XX, qui se préoccupe d’elle, elle dit que peu à peu, elle s’habitue. A l’évidence, il n’est pas dupe mais l’encourage à chercher un guide attentif. Lui est désormais loin d’elle. Vivant désormais dans un grand pays, elle trouvera sans doute celui qu’il lui faut. Le lisant, elle le croit. Pourquoi est-elle si pressée de trouver ce guide par lui suggéré ? L’atmosphère ambiante, déliquescente, l’y pousse- t’elle ? Toujours est-il que Julia, tout en continuant, quand elle ne travaille pas et est seule, à s’exhiber sur internet reçoit non sans contentement les sollicitations d’un homme d’expérience. Elle a pu, sur le salon spécialisé où elle se rend parfois, en observer le visage fermé et hautain. Cet homme se dit ambiguë. En effet, il mène une vie rangée où des valeurs sont bien en place : une bonne position sociale, une famille composée d’enfants et de petits enfants, de nombreuses lectures. Mais parallèlement, il peut être dur avec une femme qui le demande car elle est consciente du travail qui doit être fait en elle.

La ville petite bruisse d’impolitesses, le travail est difficile à gérer, les amis sont loin. La famille aussi. Toujours sur la brèche, elle qui se sent en difficulté, voit apparaître sur l’écran le visage d’un homme dur, aux regards lourds de sens. D’elle, il veut non un mais des acquiescements. Tout d’abord, celui-de sa nudité de corps, ensuite celui de son âme. Car tout en elle doit abdiquer. Tout en elle doit obéir.

Julia voit bien qu’elle poursuit, depuis plusieurs mois, une trajectoire dont les enjeux lui échappent. L’ancien militaire qui détestait les corps féminins a laissé place à leurs naïfs adorateurs et ces derniers à de jeunes inquisiteurs. Ainsi, elle a été préparée au plaisir et à l’obéissance. Mais ce qu’elle rencontre avec ce maitre virtuel au pseudonyme éloquent dépasse en brutalité ce à quoi elle s’attendait car il ne s’agit pas seulement de s’exposer nue aux regards de cet homme mais il faut encore accepter de s’entraver soi-même, d’attendre qu’il émette un jugement sur ce qu’elle a fait, accepte de recommencer si celui-ci est négatif et s’efforce de sourire si, par aubaine, il se dit satisfait.

De plus, il lui faut admettre que le plaisir se paie. Elle se caresse face à la caméra, elle geint : c’est bien. Elle jouit : c’est déjà limite. Elle doit comprendre et il le lui martèle qu’on ne jouit pas impunément et si on le fait, on doit être punie. Quelle punition peut –être supérieure au fait de frapper l’endroit même qui génère la satisfaction sexuelle ?

 

6 juin 2021

Attentive. Chapitre 6. Accoutumances. (2)

 

PORT 4

L’homme lointain n’est certes pas à même de lui demander d’utiliser des objets punitifs exigeant qu’on soit deux mais il est à même d’exiger qu’elle se frappe avec un objet simple et si possible trivial. Alors, puisqu’il le lui suggère, elle se munit d’une spatule. Il impose une position et un nombre de coups. Quand elle les a atteints, il lui demande de revenir au plaisir. Julia obéit à cet homme vieillissant qui semble tout savoir et depuis fort longtemps de la domination et de la soumission, pensant sans doute qu’il sait régir un corps aux formes abondantes, une sensibilité exacerbée et un mental que hantent de violentes images érotiques. Alors, elle frappe. Ses chairs rougissent. Elle crie, se reprend, recommence. Quand ses grandes lèvres montrent à l’évidence que les coups ont été forts, quand ce qui est intime dans sa fente douce et humide souffre aussi, alors, elle remplace la spatule méprisable par un doigt ou un objet délicat à la forme oblongue et lentement, elle atteint cet espace unique et si intemporel de l’orgasme. Renversée, secouée de spasmes, elle geint comme jamais elle ne l’a fait avec Maître et Directif. A leurs visages se substituent celui de l’inquisiteur qui prend possession d’elle. Il emplit sa mémoire et France s’abandonne. Dans ces moments-là, elle ne pense plus aux rencontres avec XX, préférant laisser dans l’ombre, le visage fin à l’expression patiente du seul vrai dominateur qu’elle a pu rencontrer. Elle ne souhaiterait pas que les yeux brun foncé du jeune homme se posent sur un spectacle aussi pénible. Car, pour l’avoir guidée, promenée, fessée mais aussi douchée, épongée, embrassée, il saurait qu’elle se trompe et le lui dirait dans cette langue lapidaire qu’il a toujours eue qu’elle aurait dû savoir, pour avoir fait par innocence de mauvais choix, qu’il n’était pas nécessaire que, mieux avertie, elle en fasse de nouveau un aussi litigieux. Or, elle a fait pire en virtuel qu’elle ne l’avait fait en réel. Maitre J. l’a à peine effleurée. Du violent Directif, elle a vite eu raison en s’absentant de manière concrète avant de se rendre injoignable. Alors, que doit-elle faire de cet homme qu’elle ne verra jamais et qui se pose en démiurge. Doit-elle continuer, quand il le souhaite, de faire alterner coups et réconfort ? Doit-elle dire qu’en tant que soumise, elle se doit d’être heureuse. Encore que le terme « soumise » est de trop car elle est « en approbation ». Qui va approuver, quand, comment, elle ne sait pas. Elle le lui demande et il élude.

Ecran ouvert et fermé.

Jouissance violente puis suspendue.

Coups.

Il lui vient à l’idée que cela est dérisoire et qu’elle trouve là un pâle reflet de ce qu’elle a vécu là-bas, dans la belle île. L’inquisiteur punit en elle une inclination à la chair et à la facilité, lui apprend qu’on libère le plaisir avec assentiment et qu’on l’empêche d’exister sinon. En somme qu’elle n’est pas libre.

Images dérisoires de lui et d’elle.

Pauvres rendez-vous.

Un jour, elle résiste et jouit quand même, se masturbant. Il se rebelle et exige des excuses. Elle refuse. Il lui dit se frapper l’entrejambes en signe de regret. Encore prisonnière du visage hautain qu’il affiche à l’écran et de son regard d’oiseau de proie, elle accepte. Il demande dix coups avant les excuses qu’il estime nécessaires. Julia, allongée, jambes écartées, frappe et frappe encore cette douce partie d’elle-même et s’arrête parfois, serrant les lèvres. Quand elle se redresse, les joues rosies, il est aux aguets. Elle demande pardon où se frappe encore.

Elle ne dit rien.

Elle se punit.

Il fait beau. On est en septembre. Elle regarde au plafond de la petite chambre blanche au lit enfantin des étoiles de lumière que le soleil inscrit et sourit de les voir tandis que son bras, pris d’un mouvement régulier, fait monter et s’abattre l’innocent objet de bois qui attendrit et blesse les chairs tendres de son intimité. Le nouveau compte atteint, elle se redresse. La question réitérée reçoit la même réponse. Elle dit non encore et encore.

Au bout du compte, épuisée, elle fond en larmes, tout son corps étant rétracté et secoué.

Quand elle se redresse, l’homme-inquisiteur la regarde, surpris et décontenancé. Une telle tristesse ne sied pas à leurs rencontres. Lui-même en est surpris. Il la laisse se calmer et lui reparlera. Du reste, ils se rencontrent sur un site spécialisé. La voyant apparaître sur le petit écran individuel, il saura si oui ou non elle est en probation. La réponse, Julia la connaît mais cela ne l’empêche pas d’être suffoquée, quand, au jour dit, il se montre soucieux de présenter à toute l’assemblée présente, une femme qui n’est pas elle, robe noire, ample décolleté, visage dérobé sauf un sourire radieux que magnifie une lumière dorée. Ainsi, elle, la belle inconnue masquée et elle, Julia qui jamais n’a dérobé son visage se trouvent en concurrence. D’emblée, elle sait qu’elle perd un étrange privilège auprès d’une femme qui veut se l’approprier.

Des orages immobiles, elle ne sait rien et, si tant est que ceux-ci soient métaphoriques, elle peut comprendre que l’homme-inquisiteur et sa nouvelle captive viennent d’en déclencher un sur cette petite salle d’un site spécialisé où se multiplient les vents aigrelets de la jalousie et ceux, vipérins, du mépris sous- jacent. En effet tout se passe dans le mutisme et l’immobilité. La femme masquée est élue. Elle, France, qui a le visage et le sourire offerts, ne l’est pas.

A la nouvelle reine reviendra le droit de choisir les jeux où elle veut figurer. Julia ne sait si les mêmes commandements de coups quant au plaisir et de plaisir autorisé par les coups lui seront appliqués et cela ne la regarde plus. Elle regarde les visages qui s’alignent, hommes, femmes présentant bien, beaux sourires apprêtés, maquillage ravissant pour les dames. Tous encensent l’Elue.

Elle s’en va.

De loin, XX ne trouve rien de grave à cela.

Sa position n’est pas facile. Mais elle n’est pas sans discernement. Cet homme là n’était rien de bien pour elle. Il lui suffit de la lire pour le comprendre. Qu’elle laisse le temps passer et elle trouvera qui est plus avisé. Et, en attendant qu’elle ait un autre « Maitre », lui si lointain qu’il est, veillera sur elle.

Nantie de son protecteur invisible, Julia laisse les jours succéder aux nuits. La vie s’écoule sans grand plaisir dans une petite ville aux agréments limités. Mais le jeune homme silencieux, par sa ténacité et sa vigilance ne la laisse pas seule.

Quand le soir vient, il est bon de se le rappeler.

Les allées et venues sur le site qu’elle affectionne en deviennent moins douloureuses. Elle s’exhibe beaucoup moins, montre juste son visage lisse et doux, écoute attend
Et comprend.

L’esprit de décision ne l’a jamais quitté.

Elle a pu être malmenée et vaincue mais pas réduite à rien.

Et en ce sens, XX, qui la pousse à espérer, a compris de quoi elle était faite.

De chaleur, de sang, d’attente, d’obéissance, de contentement, de larmes, de sourires.

Quête de plaisir et de jouissance en elle.

Quête de guidance.

Recherche de l’autre.

Parcourant les rues de la petite ville, enseignant, s’appliquant, Julia existe.

Et toujours ludique, elle répond aux messages que le site lui envoie, du moins en sélectionne-t’ elle certains.

Quand lit-elle le courriel d’A. ?

Elle n’en plus souvenance.

Le texte, bref et clair. L’ayant vu, elle le trouve sans malice et répond. Il demande à lui parler, elle le veut bien. C’est pour elle juste un divertissement, et, elle le suppose, il en est de même pour lui. En effet, l’homme lointain et réservé – il est suisse- la questionne sans jamais être insistant et la rend joueuse et joyeuse.

Elle aime que tel un elfe, il fasse des va et vient légers qui ne supposent pas qu’on y prenne vraiment garde. Elle voudrait qu’il ne sache pas qu’elle est à terre et souriant à un visage encore inconnu, elle s’amuse à être drôle. L’elfe, bientôt, joue moins bien son rôle. Elle s’attendait à quelques dialogues sans suite qui lui laisseraient de bons souvenirs. Mais, il n’en va pas ainsi. Il insiste, parle, relance une conversation que, de nouveau, elle nourrit. Sa retenue naturelle est rassurante, son insistance flatteuse et il agit sans flagornerie : jamais de propos insidieux ou malsains.

De ses buts, Julia ignore tout.

Mais, son assise professionnelle étant de moins en moins assurée, sa solitude augmentant, XX loin d’elle malgré sa bienveillance, elle accepte qu’A. Lui parle car, ignorant toutes ces turbulences, il est attentif et mesuré.

Et si, dans sa vie, il lui a bien manqué une dimension, ces derniers mois, c’est bien celle de la mesure.

En face de lui et par écrans interposés, elle ne livre pas son visage à peine fardé aux grands yeux marron comme elle si souvent elle l’a fait. Attentive, elle guette l’inévitable demande. Mais il ne la formule pas…

Il la salue. Elle le sent souriant.

Elle sourit aussi. Mais il ne la voit pas. Un jour, elle acceptera de voir son visage, lui, ayant déjà contemplé le sien.

Les images s’animeront.

L’elfe a des cheveux blond foncé et des yeux clairs.

Elle le saura plus tard.

 

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6 juin 2021

Attentive. Chapitre 7. Portes. (1)

PORT 3

 Chapitre 7

Portes

 

Franchir des portes lui devient nécessaires ne serait-ce que pour apprendre que celles-ci ne sont pas toujours fermées. Et, bien qu’elle n’en ait pas conscience, l’elfe aux cheveux blond foncé l’aide lentement mais sûrement non à les forcer –il n’a pas envie de le faire-mais du moins à les entrouvrir. Ainsi saura- t’elle qu’un enfermement peut être temporaire et qu’une prisonnière peut être libérée.

De son enlisement professionnel, il ne peut que mesurer sa véracité sans moyen de réaction. Mais de sa solitude, XX, étant loin, il peut prendre conscience et, posant au fil des semaines d’adroites questions, il en prend la mesure.

Ne connaissant pas ses mobiles,Julia se tient sur ses gardes. Par certains points, elle est à peine encourageante. Elle a tant parlé, elle s’est tant montrée, elle a accepté tant de rendez-vous réels ou virtuels ces deux dernières années qu’une pause ne lui semble pas anodine.

Parler à bâtons rompus. Parler sans chercher la prochaine finalité d’un échange de photos inévitablement suivi d’apparition sur internet, sachant que chacun se montrera au mieux de lui-même avant de s’exhiber d’une manière ou d’une autre, voilà qui la repose puisque l’enjeu consiste juste à se parler.

L’elfe a le mérite de ne pas mentir. Il est marié, a deux enfants, habite la même ville depuis longtemps, fait de la musique et aime le ciel. Il pilote. Il lui envoie une photo d’un petit avion jaune et noir qu’il affectionne. L’attention la surprend. L’envoi n’est pas banal.

Julia, toutefois, recadre leurs propos. Il l’a vue silencieuse et attentive sur un salon où les dominants présentent leurs soumises, les évincent, en sélectionnent d’autres et se targuent d’avoir fait de bons choix. Il l’a vue au milieu d’hommes impérieux qui se targuent de savoir dresser et de femmes qui ne semblent guère s’en plaindre. Elle devait être ce soir là, vêtue de noir, légèrement décolletée, un peu lasse, un peu timide, ne voulant pas quitter les lieux après l’affront infligée par l’homme austère qui en avait mise une autre en probation, mais évitant tout propos ironique et toute comparaison par un détachement et une réserve non feintes même si difficile à tenir en un tel lieu. Il l’a donc observée avant de lui écrire, elle, si mutique et attentive, sans doute occupée à lire les remarques des uns et des autres, à les ponctuer quelquefois, rien que pour signaler sa présence. Peut-être l’a-t-il saluée et si c’est le cas, elle lui a dit bonsoir ; mais elle ne saurait l’affirmer. Toujours est-il qu’une méfiance de base s’impose et qu’elle en fait usage pendant longtemps, se demandant ce qu’il sait des usages de ce salon et du monde qu’il résume, car, à cette période, se basant sur sa faible expérience et l’assurance de ceux qui s’affichent là, elle pense qu’ils sont dans le vrai. De la domination et de la soumission, ils savent tout. Leurs profils, qu’elle consulte, un peu effarée, sur internet en sont la preuve accablante. Tenues attendues : cuir, vinyle, sous-vêtements provocants ; objets attendues : godes, vibromasseurs, cravaches, fouets ; attitudes attendues : volonté d’assujettir, plaisir et douleurs alternés, merveilleux contentements.

Elle ne sait rien. Qui sont Maitre J. le fugace premier « Maitre » et Directif, le jeune homme mince si insultant pour des gens aussi expérimentés ?

Rien, rien du tout.

En cela, elle, qui commence à voir s’ouvrir un univers un peu moins incompréhensible, n’est pas loin de leur donner raison.

Mais XX ? Non, jamais elle ne le jugera mal. Et jamais à ces gens, elle ne parlera de quelqu’un comme lui, obscur mais honnête, contraignant mais gratifiant et le tout sans artifices, sans sophistication parce qu’il a compris qu’elle voulait servir et obéir, qu’elle voulait être contrainte sexuellement et que lui-même cherchant une femme qui accepterait cela, l’a conduite et entourée.

A l’homme suisse qui s’est adressé à elle et patiemment lui parle, elle cache ses aventures passées et le mal être qu’elle a sur ce salon. Mais lui, tenace et psychologue, finit par la faire parler. Qu’elle se sente décalée, il le comprend fort bien. Il s’agit là d’une vision particulière de ces rapports. Elle doit bien comprendre qu’il en existe d’autres. Quant à ses expériences passées, si les premières ont été dures, la dernière est belle. Il le lui affirme : XX l’a respectée et la respecte toujours. Étonnée, Julia interroge cet interlocuteur inattendu.

Mais qu’a-t-il vécu et en quoi son expérience diffère- t’elle de celles de ceux qui se congratulent ou s’affrontent sur ce salon ? Il répond sans détour. Il a, il y longtemps, connu une canadienne qui aimait qu’on l’attache pour mieux atteindre le plaisir. Attacher, encorder, c’est souligner un corps féminin, le stimuler, le préparer à s’offrir. C’est une douce contrainte bien éloignée des châtiments risibles qu’évoquent ceux dont France lit les propos. Le plaisir est fort et partagé. Sur le corps, nulle trace de coups mais les marques légères des cordes quand la libération intervient.

La soumission se mesure à ce type d’acceptation. Elle procède de la confiance. Nul besoin de crier ou de frapper. Un regard suffit.

La soumission, c’est un échange.

Il parle clairement, l’homme lointain dont elle contemple, de soir en soir, le fin visage attentif et elle commence à s’émerveiller.

De cette canadienne, il dit du bien. Des autres soumises qu’il a eues, il ne parle jamais négativement. Il ne les met pas en concurrence et n’en dénigre aucune.

Voilà qui est étonnant.

De plus, il accepte de rester seul longtemps, soucieux de trouver une personne qui le comble et qu’il comble. Il dit « personne » et pas « soumise »…

Julia, de plus en plus surprise, écoute avec plus d’attention cet homme qui jamais ne la toise et parle fraternellement. Voilà qui quelqu’un qui s’enquiert de sa vie quotidienne, de son emploi, de son adaptation difficile et donne des conseils, fait des remarques avisées. Elle commence, prenant confiance, à dire ses inquiétudes. Elle parle de ses élèves qui la mettent mal à l’aise, de la direction de son établissement qui la malmène sans qu’elle en saisisse les raisons et de sa fille dont le retour en France après la douceur de vie dans l’île lointaine est difficile.

Il rassure.

Elle craint encore d’être crédule.

Elle met XX en avant.

L’homme patient accepte qu’elle reste fidèle à celui qui l’a dominée et lui fait entrevoir qu’il l’a aimée à sa manière, sa sollicitude présente en étant bien la marque. De cela, elle n’avait pas eu conscience. Peu à peu, elle comprend que l’homme a raison. XX, le jeune homme mince et réservé, toujours avare en paroles, a vu au-delà de son corps, de sa nudité et des postures que pour lui, elle a adoptées. Il a vu France en Nina.

Elle n’y avait jamais songé.

Elle pleure.

De plus en plus fréquemment, le soir, alors qu’allongée dans son lit, elle ouvre son ordinateur, l’homme lointain la sollicite. Elle s’attache à son pseudonyme, lui supposant une référence qu’il n’y met pas. Elle pense qu’il a choisi « Arthur » car Rimbaud avait ce prénom. C’est un littéraire qui aime discourir même si la façon dont il s’exprime est simple et sans affectation. Rimbaud. France pense au jeune poète tout autant qu’au marchand d’armes. Elle rêve. Une telle référence ne peut que suggérer l’errance, le déracinement et la créativité. Elle aime cela. Qui est-il ? Elle s’émeut et guette dans ses propos une allusion.

Aucune ne vient.

Alors, elle finit par lui demander ce qu’il en est et, quand, spontanément, il lui avoue avoir fait le choix de la dérision, elle est décontenancée. Il a songé à « Arthur Martin », une référence on ne peut plus décalée dans un tel contexte !

 

6 juin 2021

Attentive. Chapitre 7. Portes. (2)

Portrait-Dessin-Jeune-Femme

Julia est stupéfaite. Son interlocuteur veut donc souligner sa différence. Là où tout le monde s’octroie une identité factice souvent lourde de fantasmes prêts à être avoués, il a choisi la dérision. L’électroménager contre Sade et ses visions plus effrayantes que voluptueuses ! Allons bon. La voilà, elle, avec l’auteur des « Illuminations » et lui avec sa référence terre à terre. Sont-ils faits pour se parler ? Est-ce un quiproquo de plus ?

Nonchalant, il dit que non. Si elle est déçue de son nom d’emprunt, elle doit savoir qu’à tout prendre, il n’en est guère friand. Elle se montre surprise. Comment doit-elle l’appeler maintenant qu’il lui a fait cet aveu ? Loin de se laisser déstabiliser, il demande qu’elle utilise son prénom. Il s’appelle Philippe. Alors, qu’elle soit simple.

Un peu déstabilisée, elle acquiesce. Philippe ? Pourquoi pas ? C’est un prénom classique qui ne lui déplaît pas. Ce serait bien d’autant qu’elle-même préfère « France » à cette « Irène » derrière laquelle elle se cache d’abord quand elle dialogue. Il se montre satisfait qu’elle ait compris et passe lui-même de son nom d’emprunt à celui qu’elle lui a révélé. Julia. Il dit même « douce Julia ». Mise en confiance, elle s’aperçoit vite qu’elle ne respecte pas sa demande. « Arthur » reste de mise. Sur ce site, l’habitude des pseudonymes est vite prise car elle amuse et dédouane puisque rien n’est vrai. On joue sur l’imaginaire, chaque nom devant provoquer un émerveillement ou une interrogation prolongée, le tout d’en le but d’exciter sexuellement en somme. Dans ce genre de jeu, on provoque l’autre. Avant même d’arriver sur internet, quand elle dialoguait seule avec ces étranges « Maîtres » qu’elle souhaitait rencontrer, elle avait compris cela. Une identité euphorisante répondant à d’autres, plus inquiétantes.

N’a-t-elle pas choisi « Irène » ?

Au départ, elle s’est orientée vers la femme de paix. L’étymologie du prénom l’atteste. Jolie référence grecque. Celle qui contemple, apaise, guérit. Celle qui pacifie.

Puis, elle a pensé « Irène » autrement car c’était le prénom d’une romancière talentueuse que le hasard ou le destin avaient placé en France dans l’entre deux-guerres. Celle-là n’était pas une déité mais une vraie femme avait connu le sort qui frappait, qu’on le veuille ou non, tout individu portant l’étoile infamante. Juive. Russe d’origine et parlant un français merveilleux, l’écrivant aussi. Mais juive. Sachant que toute intellectuelle et bon écrivain qu’elle ait pu être, elle ne pouvait qu’avoir des démêlés avec ce qu’on appelle la police et la justice avant d’être sacrifiée par les exigences de sa terre d’accueil. L’époque le voulant ainsi.

En somme, la Paix, la Justice.

Puis, l’injustice.

Mais cela ne pouvait convenir à son évolution et son nouveau statut. Aussi a-t-elle, une fois qu’elle a rencontré le site spécialisé, donné à ce prénom une nouvelle orientation.

Elle est donc devenue la pourvoyeuse de plaisir qui aurait pu figurer dans une chanson des années cinquante : une rengaine nostalgique, un refrain simple à retenir et derrière les paroles l’histoire d’une femme mature qui donne son corps à qui sait guider celle qui est seule, quittée, frustrée. Sauf si une autre version, qui aurait pu aussi être une chanson, n’avait fait d’elle une épouse délaissée. Dans tous les cas, une femme dont le corps lui échappe car il veut être contenté. Contenté mais domestiqué. Et donc corrigé…

Un appel à la légalité propre au site, en somme : observation, sélection, questionnement, dressage.

Elle le sait. « Irène » c’est un appel à la convoitise, à la rencontre, aux rendez-vous seraient-ils virtuels. Un corps qui n’est pas bien propre car il a été souvent bien servi. Une parole hésitante. Une politesse envers ces « Maîtres » qui cachent toute trace de leur identité.

Elle sait.

Elle a vécu et peiné déjà.

Pour les contacts divers, elle garde « Irène » car elle donne à ce pseudonyme sa valeur première : l’apaisante.

Pour lui, l’homme qui apparaît, elle devient « Julia ».

Un peu émue, elle se dit qu’après tout…

Lui, est content. Elle est douce. Elle vit en France. Le compte y est.

Alors, les soirs se succèdent. Blottie dans ses draps tièdes, elle ouvre l’ordinateur et Elle dit « bonsoir » car ça de fait. Il répond. Ils se parlent. Les images d’eux-mêmes qui se forment et apparaissent sont d’emblée mentales. Il ne demande rien. Elle préfère cela, désireuse d’esquiver. Comme ça, c’est bien. Chacun dans l’ombre.

Puis, un soir, la timidité s’en va. Peut-être cela vient-il de l’obstination tranquille dont il fait preuve et de sa réserve polie. Elle ne sait. Toujours est-il qu’elle accède à son désir de voir son visage. Sur l’écran, elle apparaît. Elle est là, oui.

Indécise, elle se demande ce qu’il observe, lui qui se dérobe à sa vue : des cheveux noirs encadrant un ovale imparfait, des sourcils épais, des yeux petits ? Elle sait ses lèvres minces et la courbe maladroite de son nez En chandail noir, à demi cachée par les draps et les couvertures, elle sourit légèrement. Est-il conscient de cela ? Que pense-t-il secrètement de la structure de son visage, de sa chevelure qui coule sur sa nuque et de l’arrondi de ses épaules ? Aime –t’il l’intensité de son regard ?

L’homme attend à peine. Aux compliments qu’il lui adresse, elle devine qu’il est satisfait. Elle est belle, elle sourit joliment, elle a de l’esprit. Et tout cela, il le sait. Ne parlent-ils pas depuis un moment ?

Étonnée d’abord, elle comprend vite qu’il a vu de son visage un harmonieux assemblage et non le découpage hostile qu’elle peut en faire. Alors, mise en confiance, elle s’alanguit, sourit davantage et s’interroge. Qu’en est-il du sien ? Le montrera t’il, lui qui jusqu’alors ne montrait de sa vie que le petit avion jaune et noir qu’il pilote quand il se rend à son club d’aéronautique ou cette gentille voiture rouge dont les italiens raffolaient dans les années soixante ? Un instant, France est dans l’expectative. Il fera ou ne fera pas.

Déjouant ses craintes, l’obstiné homme lointain se montre. Le visage est fin, équilibré. France note la vivacité du regard et la tension qui l’accompagne. L’observateur est observé et s’en amuse.

Elle aime tout. La pose sage, l’attention. Elle aime la couleur claire des cheveux, si loin de ses ascendances et ce qu’elle devine du corps, fin et nerveux. Elle aime les vêtements bleu-marine.

Elle dit « Philippe ».

Il apprécie.

Précautionneuse, attentive, elle ouvre grands ses yeux bruns.

Maintenant, ils savent qui ils sont. Si tant est que le jeu soit maintenu.

Car il l’est ?

Elle hésite sur ce point puis cède. Pour lui, elle ne sait rien.

Mais pour elle, c’est sûr, maintenant : les portes se sont ouvertes.

Il la regarde. Il la regarde « elle » au-delà du masque des « Irène ».

Elle est éblouie et inquiète.

Le sentant, XX qui était plus distant, la contacte avec insistance. Obéissante, elle lui répond. Elle va bien. Elle dialogue. Non, rien d’important.

Le soir vient. Un nouveau soir. Ils se parlent. Il veut la voir. Son visage à elle change et vite.

Une attente et un bonheur. Une anxiété.

Les portes s’ouvriraient-elles sur des perspectives nouvelles : une relation qu’elle n’a pas encore vécu éloignée des rituels, des barrières liées aux interdictions, des plages de liberté aussitôt limitée par l’intervention du dominant qui veut s’assurer du pouvoir qu’il a sur elle ? Si c’est le cas, alors, c’est important et inattendu. Sans savoir vers quoi elle se dirige, France rencontre le regard clair de l’homme lointain et accepte sin sourire. Quelque chose l’avertit qu’elle change lentement.

Toutefois, nouvellement arrivée, elle reste encore très liée à XX et c’est lui qu’elle se tourne pour évoquer des dialogues fréquents qu’elle a avec un nouvel interlocuteur. D’abord indifférent, le jeune homme autoritaire se montre vite curieux. Il scrute Julia et derrière elle, Nina. Les réponses qu’il reçoit semblent lui suffire. Des milliers de kilomètres l’éloignent de sa soumise mais celle-ci garde à son égard une politesse et un respect exemplaires. Donc, rien d’important ne se passe.

Pleine d’ambivalence, elle pense souvent que c’est vrai tout en espérant que toutefois, l’homme différent confirme son intuition grandissante.

Et il semble qu’il soit prêt à le faire.

Cela, elle ne le dit pas à XX.

 

4 juin 2021

Attentive. Chapitre 8. Lianes. (1)

 

liANES

 

 Chapitre 8

Lianes

 

Si la vie secrète de Julia lui fait penser à une éventuelle libération de son effectivité et de sa sensibilité, il n’en va pas de même ailleurs.

Dans son emploi, elle butte toujours sur de douloureuses réalités, chacune étant plus emprisonnante que d’autres, à tel point qu’elle se sent bientôt ligotée. Se libère t’on de telles entraves, pense t’elle, et si oui comment ?

Julia comprend mal ce qui lui arrive. Elle continue de traverser chaque matin la cour désuète et laide de son collège pour aller chercher une classe d’adolescents qui, vaquant à droite à gauche, semblent plus désireux de converser que d’aller en cours. Des ces collégiens uniformément vêtus de gris et de noirs –jeans, bottes, anoraks, sac à dos- elle ne sait que penser. Ils viennent, attendent, entrent pesamment en classe et s’assoient quand la consigne est donnée. Là, ils sont encore réceptifs. Ils le restent quand l’appel est fait. Pour le reste, il faut commencer le cours. Ils en acceptent l’ordonnance, au début du moins. Elle vérifie les exercices, interroge nominativement, inscrit une correction au tableau puis donne aux élèves qui ne disposent d’aucun manuel scolaire (deux classes sur quatre) des fiches de travail. Ensuite, elle lit ou fait lire, questionne, fait formuler puis reformuler, passe à la trace écrite puis aux exercices. En fin, de cours, elle donne une synthèse et du travail puis la séance suivante. Il lui semble ainsi être méthodique sinon très rigoureuse et fournir un support de réflexion et de travail. Mais, pendant tout le temps où elle est activement tendue vers eux, les élèves prennent leurs aises, estimant que leurs conversations interrompues peuvent reprendre. Julia pose son cours comme elle le peut, fixant ses objectifs et s’astreignant à solliciter ces adolescents tantôt repliés sur eux-mêmes tantôt expansifs avec l’exagération qui sied à cet âge. Elle obtient des résultats modestes et se l’avoue. Décidemment, c’est difficile. Forte de ses expériences passées et sans doute aussi d’une naïveté qu’il la pousse à choisir cette voie, elle poursuit sa trajectoire en usant d’une arme qu’elle croit utile : l’autorité. Là, les résultats obtenus sont contrastés. Les élèves les plus âgés, loin de plier, redoublent de vivacité : ils parlent en même temps qu’elle et se plaignent. Elle va trop vite ou trop lentement. Tout est trop facile ou trop compliqué. Rire est bien préférable à se taire. Et se taire est, de toute façon, impossible. Elle doit se rendre à l’évidence : ce qu’elle a tenté pour obtenir une écoute et du travail a entraîné plus de désagrément que d’amélioration. Il faut trouver autre chose. Le souci est de savoir quoi…

Heureusement, il reste les autres élèves qui sont à un âge différent. Ceux-ci semblent apprécier sa fermeté. Ils prennent « bonne note », expression qu’elle aime, de ses demandes. Les classes se calment et dans une atmosphère nettement plus propice, on copie le cours, on pose des questions, on cherche en jouant comme cet âge le veut et on reste actifs. En ce cas, elle est contente. Elle fait bien. Elle est utile. Les classeurs sont correctement tenus. Les devoirs sont retournés.

Mais l’expectative est là.

Malgré sa réussite avec deux classes, Julia se trouve dérisoire. Quand bien même ferait-elle taire la vindicte de deux autres classes – ce que d’ailleurs elle parvient lentement à faire- il n’en demeure pas moins qu’elle reste dans l’attente. Et cette attente, elle le sait, sera sans réponse. A quoi sert –il en effet que ses élèves « prennent bonne note » puisque de toute évidence, ils souhaitent avant tout s’amuser ? De tout et pour certains, d’elle…

Il reste à continuer de se lever le matin pour aller travailler et à rentrer le soir surveiller les leçons de sa fille. C’est ennuyeux mais toujours forte d’une certaine fraicheur qu’elle transporte partout avec elle, France parvient à trouver dans chaque journée, quelques moments de bonheur. A d’autres cependant l’habitent deux sentiments forts : le regret et la nostalgie. Elle se tourne vers l’année passée. Tout y était différent…

Dans l’île, les Chinois réservés côtoyaient les indiens hautains. Les créoles de couleur ceux de souche blanche. Et c’était sans compter sur les français de métropole arrivés dans ce là-bas ensoleillé et sur les autres : malgaches, comoriens, sud-africain ou hollandais parfois. Elle retenait d’eux la nonchalance certaine, la douceur, le goût inégal pour l’étude mais le plaisir d’être ensemble. Heureux de se retrouver, ils rencontraient leurs enseignants. Gentillesse, animosité parfois. Peu de violence réelle. Des « incivilités » comme il existe partout mais toujours accompagnées de reprise en main, d’apaisement, d’excuses proférées. C’était un univers professionnel et scolaire qui n’était pas sans défaut mais elle avait appris à en aimer les paradoxes. Et puis, il t avait le beau collège blanc accroché à la montagne et faisant face à la mer. Un autre monde.

Là bas, elle était quelquefois ennuyée ou gênée par un problème à régler mais pas entravée.

Ici, elle l’est. Normalement les lianes sont de l’autre côté du monde.

Il reste les dialogues qui nourrissent son imaginaire. Elle en maintient plusieurs qui l’intriguent et l’amusent. Du site spécialisé qu’elle a fréquenté et fréquente encore, il lui reste quelques amateurs de fantasmes et dans les temps difficiles qu’elle traverse, Julia est heureuse de ces échanges souvent crus où elle est vue différemment. Loin du douloureux cheminement de Nina et des étapes difficiles qui ont précédé l’apparition de celle-ci, elle joue plus librement de sa sensualité qu’elle sait vive. Elle parle beaucoup, provoque, fait rebondir une remarque, laisse entendre qu’elle se montrera, le fait au bout d’un moment et se dénude partiellement. Un visage par écran interposé lui apparaît tandis que des jeux érotiques qui n’ont plus de caractère punitif se mettent en place. Elle devient non plus la  « Julia » qui se débat mais une « Irène » plus mutine, plus naturelle que la précédente. Une « Irène » joueuse et sinon paisible du moins apaisée par ces jeux excitants qui la mettent hors de toute réalité. Après tout, ces hommes qui lui parlent sont des interlocuteurs qu’elle ne verra que virtuellement, dans le cadre bien délimité de jeux adultes qui n’ont de but que le plaisir physique de l’un et de l’autre. Que l’un commande, qu’elle obéisse ne révèle pas de perversion. Tout est ludique, peu impliquant mais à coup sûr, l’expérience est gratifiante car il est toujours de s’entendre dire qu’on est belle et excitantes. Surtout quand on n’est plus une jeune femme.

Parallèlement, Julia a une aventure puis une autre. Des rencontres concrètes cette fois où elle un « vrai » corps face à un homme réel qui prend son plaisir et lui en donne.

 

4 juin 2021

Attentive. Chapitre 8. Lianes (2)

 

FEMME YEUX BLEUS

Pourtant, elle ne peut le nier, ni les guides virtuels ni les amants concrets n’ont pour elle l’importance grandissante de son interlocuteur suisse que rien ne semble lasser. Soucieuse d’être droite, Julia dit les autres dialogues et les « vraies » rencontres sans qu’il semble en prendre ombrage. Elle a une vie propre, des désirs et des fantasmes et elle les assume. Quant à lui, il n’a jamais nié qu’il était engagé. Il lui semblerait malvenu de jouer les inquisiteurs. Elle reçoit ce qu’il dit avec une surprise d’autant plus grandissante qu’il n’exige d’elle que fort peu. Le jour, il donne quelques directives de temps en temps : ne pas avoir de sous- vêtements, porter un bijou significatif, se caresser à une heure précise ou au contraire, ne pas le faire du tout. Le soir, quand ils commencent à se parler, elle rend compte de ces petits engagements qu’elle a respectés sans qu’il soit très pressé ou sévère. Il se montre content qu’elle ait obéi et prêt à donner de nouvelles directives, toujours peu sophistiquées, toujours abordables. Elle abonde dans son sens, surprise tout de même qu’il ne cherche pas à la pousser plus loin. De même, quand ils se voient virtuellement, elle s’étonne qu’après avoir contemplé son visage, il ne demande guère qu’à voir ses seins. Dans la pénombre de sa chambre, elle retire un chandail presque toujours noir et, torse nu, livre à la vue de l’homme lointain, sa poitrine un peu lourde aux pointes doucement érigées. Quelquefois, elle frémit immédiatement quand elle caresse sa peau. A d’autres moments, toute concentrée sur son image renvoyée par l’écran, elle attend d’avoir trouver la bonne pose et le bon éclairage pour rencontrer les yeux bleus de son interlocuteur et se sentir troublée de ce qu’elle y découvre : un désir tenace et en même temps tenu, contrôlé et une volonté qui le sous-tend, le poussant à ne pas exiger trop. Interprétant mal, elle pense qu’il conduit un jeu pervers et joue sur sa frustration puisqu’il n’autorise que très peu d’exhibition et très peu de caresses ; mais à l’examen, cette hypothèse ne tient pas car les propos qui accompagnent la contemplation de sa semi-nudité ne contiennent aucune malice, aucun double-sens, ce qui, en pareil cas, serait de mise. Non, il faut chercher ailleurs. Peut-être cet homme n’est-il dominant que de nom et ainsi a-t’il menti. Il ne demande pas car il ne sait pas. Après tout, l’expérience récente qu’elle a de ce site spécialisé n’est pas à négliger. On avance souvent preuve à l’appui. Et les preuves sont le plus souvent des photos. Lui n’a jamais rien montré, juste raconté. Est-il crédible ? Peut-être que non…Mais là encore, elle sait très vite qu’elle fait fausse route. Son interlocuteur reste calme, parfois distant et rien ne le démonte, ce qui lui donne une assise que n’aurait pas un menteur, toujours soucieux d’artifices. De plus, alors qu’elle s’apprête un soir, à lui poser des questions plus directes, il la devance comme si, intuitivement, il avait deviné son dessein et il est très clair. La soumission, ce sont des situations concrètes et non un monde d’images. Il est ravi de la voir ainsi car elle suggère plus qu’elle ne montre et il ne veut que cela, pas plus, puisque si plus il y a, il ne remplacera pas un face à face. Là, la peau de la soumise est à nue, son corps se présente dans sa force et sa fragilité et toute son émotivité, toute sa sensualité sont mobilisés par l’attente des jeux puis par leur concrétisation. Rien en virtuel ne remplace cela. Aussi ne doit-elle pas attendre de lui qu’il lui demande d’être nue et de se livrer dans des postures comme on le demande si souvent sur le site spécialisé qu’elle fréquente.

Muette, étonnée, Julia hoche la tête.

Elle comprend. Cependant, il manque un élément à son argumentation. Car si tant est que la distance est un obstacle, elle ne peut cacher qu’il est en Suisse et elle, en France. Les rencontres du soir risquent donc de garder longtemps leurs exigences raffinées et leur douceur sans que la réalité prenne le pas sur elle. Mais de cela, elle ne dit rien, l’homme ne donnant aucune prise à un questionnement.

Elle a d’autres interrogations et de celles- là, elle lui fait part. Elle s’étonne qu’il garde avec elle une grande égalité de ton et ne soit jamais vindicatif en pensées ou en paroles alors qu’elle sait très bien combien un dominant peut utiliser le langage comme source de pression ou d’humiliation. Elle-même a été contrainte ainsi par XX jamais insultant mais très contraignant dans ses propos. Or, jamais « Arthur » qu’elle n’arrive pas à appeler Philippe n’est grossier avec elle. Et il est encore moins glacé ou manipulateur dans ses propos, ce qui sur elle, produit un effet bien plus important que les paroles insultantes car celles-ci peuvent heurter sur le moment avant d’être relativisées tandis que les autres blessent longtemps et de manière très sûr, assurant à celui qui les profère un assujettissement chaque fois plus ancré.

A son questionnement, il répond sans détour. Insulter une femme qu’il ne voit que sur un écran ne l’intéresse pas plus que de la malmener en paroles dans la réalité. Il ne voit à ces pratiques aucune utilité ayant pour principe que la contrainte ne repose pas sur la menace. Une attitude physique un peu hiératique, un regard ferme, des gestes précis, une absence d’hésitation dans les buts recherchés amènent l’obéissance et le consentement. Il a laissé des femmes entravées longtemps, les a caressées et fessées en alternance faisant naître une légère crainte avant le plaisir, sans jamais consentir à humilier verbalement. A tout prendre, il lui arrive d’utiliser quelques termes qui, dans un contexte bien défini, font leur effet. Et c’est tout.

Demi-nue, Julia, rêveuse, accepte ces propos et les comprend. L’homme subtil a raison. Mais il s’écarte délibérément d’un schéma de soumission contraignant et cruel. Il lui arrive de punir mais il reste pondéré.

De toute manière, il est calme et modéré. Ce qui pourrait la faire sourire venant d’un autre lui en impose venant de lui. Sur le site où ils se sont d’abord croisés et il apparaît quelquefois, il est égal à lui-même et défend les mêmes positions en les développant moins, bien entendu. Cette cohérence l’impressionne comme la rend admirative sa façon de passer outre les remarques amusées ou perfides de dominants se posant comme de « vrais maitres ». S’ils se considèrent comme tels car ils demandent beaucoup sexuellement aux soumises qu’ils prennent en main, les frappent, les punissent en les privant ou les malmenant, il n’a rien à leur objecter si ce n’est qu’il n’a pas leurs représentations et que son expérience passée et les bonheurs qu’il y a trouvés l’empêchent de se mettre en cause. Son assurance tranquille et dénuée de prétention ainsi que le fait qu’il ne montre pas son visage irritent beaucoup ses interlocuteurs qui cherchent à le déstabiliser. En général, il ne quitte pas d’emblée le dialogue mais soit par lassitude soit par désintérêt, il finit par disparaître. France, au début, lui préfère le salon où l’on s’affiche avant de comprendre que son ami nocturne lui en apprend plus que toutes ces figures ambivalentes, le sourire de bienvenue masquant mal les rivalités, la volonté de capter à son profit, d’évincer ou de concurrencer et celle surtout de mettre aux normes qui ne l’est pas.

Julia, qui tard le soir, quittait le salon virtuel, commence à l’abandonner.

Celui qu’elle appelle A. est en ligne le jour et le soir. Il n’est pas une journée où il ne soit présent et ces moments-là deviennent pour elle des espaces radieux tandis que la réalité de sa vie devient chaque jour plus attristante. Les lianes mentales ont définitivement envahi France qui, encore courageuse, ne cesse d’enseigner ou de tenter de le faire. Au sortir du collège, quand mal à l’aise, elle se heurte aux cours à mettre en place et aux copies à corriger, il est heureux qu’elle sache qu’au moment d’ouvrir son ordinateur elle le verra en ligne et qu’ils pourront se parler. De la même manière, elle est heureuse qu’il l’appelle de plus en plus régulièrement. Sa voix jeune, un peu haute est pourvoyeuse de paix et de sérénité. Et la paix, en elle, France en a peu.

Pourtant, un jour, les lianes l’étouffent. Julia pleure beaucoup. A. n’est pas là. Quand il la rejoint virtuellement le soir, elle se montre agacée, ce qu’elle est rarement avec lui. Encore un soir où il la regarde et la trouve belle. Encore un soir où il « veille » sur elle. Veiller un être qu’on ne verra jamais puisqu’on ne s’approchera pas de lui ? Que saura –t il de tout ce qui la fait « elle »concrètement : parfum naturel, pilosité, intensité du regard et du sourire, formes des mains, arrondi du ventre, douceur humide de son entrecuisse ?

Loin de s’offusquer, il dit qu’elle a raison. D’ailleurs…

Elle relève le « d’ailleurs » : a-t-il un plan ?

Oui, il vient à Paris et compte qu’elle l’y rejoigne. Julia, interdite, se demande ce que l’homme veut. Se moque- t’il ?

Non. Il a deux stages de suite à faire dans la capitale. Cela fait dix jours. Elle sera donc avec lui. Elle objecte qu’elle a une fille mais manque son effet. L’une et l’autre étant en vacances scolaires, il va de soi que tous deux sont conviées. La jeune fille aura une chambre pour elle.

«Vraiment ? » dit Julia pour qui A. est l’homme lointain et raffiné qui s’empresse autour d’elle sans qu’elle lui prête autre chose qu’un corps et un esprit virtuels.

«Vraiment ». Il répond avec aplomb.

Arrive sur internet une confirmation de réservation pour un hôtel près des Invalides. Leurs deux noms y figurent bien. Ainsi, France doit se rendre à l’évidence. Et, comme dans un conte de fées où une héroïne prise dans une forêt maléfique a senti des plantes inconnues lui enserrer le cou pour l’empêcher de respirer avant qu’un guerrier égaré et valeureux, comprenant le danger, n’aille la délivrer en tranchant les lianes destructrices les unes après les autres, elle se sent soudain à même de respirer librement.

Le danger recule. La vie à laquelle elle aspire se montre plus clémente.

Cependant et jusqu’au départ du train qui les emporteront vers Paris, elle demeurera inquiète, entre l’abandon au désir de A. et la crainte que ce désir s’arrête quand la réalité les mettra face à face.

Il n’en reste pas moins qu’elle sourit beaucoup plus librement la nuit à celui qui l’attend et pour lequel elle enlève son corsage, dévoilant ses seins lourds et pâles sur lesquels il promet de poser des mains créatives. Dans ses attitudes comme dans ses regards, ce n’est pas tant le dévoilement qui interpelle Julia mais plutôt l’émerveillement qu’il suscite chez lui comme chez elle. Comme si se montrer ainsi était libérateur puisque celui qui vous regarde semble non pas tant vous dresser que vous guider en en vous aimant.

Il l’aimerait ?

Mais il n’existe pas vraiment. Pas encore.

Les semaines s’écoulent, les deux dernières très lentement. Vient le temps des vacances et du départ.

Elle sera à l’hôtel avant lui et devra attendre.

 

4 juin 2021

Attentive. Chapitre 9. Capitales (1).

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Ce n’est pas la nuit à Toulouse dans un hôtel simple ni le lever matinal et l’attente à la gare qui gêne Julia ni même le long trajet dans un train confortable dont la trajectoire leur permet de traverser une partie du pays. Non, cela, en fait la ravit car elle a toujours quand elle voyage un cœur de jeune fille, comme si les lieux intemporels que sont les gares ou les aéroports la mettaient hors d’atteinte, elle et tous ceux qui sont là, ce qui fait, au bout du compte, une belle communauté. Entre les murs, juste en attente, on retrouve l’innocence. Non, ce qui la perturbe, c’est son histoire personnelle qu’elle la regarde de loin ou de près, et le fait que sa fille l’accompagne. En effet, si elle s’est ouverte à A. de ses histoires passées, elle sent bien qu’il lui faudra les évoquer en réel et que la charge émotionnelle sera toute différente, bien plus forte et charnelle. Que fera-t-il ? Elle suppose que, toujours calme et maitre de lui, il saura l’apaiser. Quant à la déculpabiliser, il ne pourra faire car on ne maitrise que ce qui vous appartient. Et là, il n’est pas propriétaire. Elle devra trouver comment faire.

Quant à la fille adolescente, il a affirmé pouvoir la mettre en confiance en parlant simplement avec elle et cela, intuitivement, elle le croit.

Toutefois, pour l’instant, elle ne sait comment réagira son enfant face à cet inconnu invitant qu’elle a longtemps présenté comme un « correspondant ». Lui ayant expliqué que cet homme lui devenait cher, elle a vu sourire l’adolescente. Encore faut-il lui faire admettre qu’elle va à la rencontre d’un homme qu’elle n’a vu que virtuellement et que ce rendez-vous inattendu se passera bien…

La jeune fille aux yeux en amande et au joli nez retroussé semble accepter les choses : des vacances à Paris, une chambre individuelle, des sorties. De ce qu’elle ressent vraiment, France ne sait rien et préfère, pour l’heure, ne pas pousser sa recherche plus avant.

Elles voyagent. A travers les vitres du grand train, les paysages défilent, un peu tristes et gris : campagnes marquées par l’hiver, arbres aux longues branches nues, chemins déserts, villes frileuses. Quelquefois, elle regarde, à d’autres moments, elle lit ou dort. En face d’elle, sa fille regarde un film sur leur ordinateur portable et son visage doux et sensible change très souvent d’expression. Il est débonnaire et rieur quand la scène est triste, tendu quand elle est grave. Cela donne à tout son être une tonalité à la fois enfantine et émouvante que Julia interprète comme elle peut puisqu’elle ne sait ce que son enfant trouve drôle ou inquiétant. Les sourires ou les rires plus ou moins francs, les lèvres pincées et la dureté ou la douceur du regard traduisent l’évolution d’une mise en images qui lui est dérobée et c’est là un spectacle dans le spectacle qui l’amuse. C’est, pense t’elle, un délicat documentaire sur quelqu’un qui regarde ce qu’on ne peut voir. Mais cette diversion faite, la mère et l’enfant se retrouvent face à face dans une incertitude diffuse : qui vont-elles rencontrer ?

Au bout du compte, la réponse arrive puisque après les heures lentes du voyage, il faut accepter que le train s’arrête et qu’on en descende. Peu chargées, elles se rendent à la station de taxi et de là roulent vers les Invalides. Somnolentes dans le train, elles sont désormais réveillées. C’est une journée de Février sans charme particulier et Julia, qui n’a pas eu l’occasion de fréquenter ce quartier de Paris, est déconcertée par sa froideur aristocratique. De belles avenues rectilignes se succèdent avant qu’apparaisse le dôme majestueux du musée de l’armée. Là, le taxi oblique vers la droite et s’engage dans une nouvelle artère, flanquée de part et d’autres d’immeubles cossus, de belles boutiques et de restaurants dont l’aspect n’a rien de populaire. Quelques arbres dénudés tendent vers le ciel leurs branches noires et les bancs qui sont placés là à intervalles réguliers n’accueillent aucun passant désireux de se reposer. Il y a peu de trafic et les passants sont peu nombreux. Il est quinze heures, on est en semaine et c’est un horaire où l’on travaille. Elle observe que les rares promeneurs marchent vite le long de l’avenue, en manteau d’hiver, les mains gantées ou protégées par les poches d’un vêtement. Un homme âgé promène un chien blanc. Deux femmes se hâtent vers une porte cochère. Tous ont la tête baissée de sorte que leurs traits sont indistincts. La saison n’est guère incitative à la flânerie.

Et puis, le taxi s’arrête et l’aventure commence. En montrant au réceptionniste son bon de réservation, Julia le sent ne serait-ce que parce ce qu’elle n’aurait jamais pensé à un tel lieu : entrée sobre au charme un peu désuet mais raffinement des boiseries, des miroirs et des fleurs. Et puis, petits cadres évoquant des scènes intimes : enfants joueurs, femme au bain, paysage enneigé ou écrasé de soleil. Accueil feutré. Sourires. L’hôtel que rejoignait Julia avant d’aller aux rendez-vous posés par XX, ne ressemblait en rien à celui-là, la modestie des constructions cédant le pas à l’exubérance d’un jardin tropical aux plantes odoriférantes variées et aux couleurs violentes, à l’ampleur d’une belle piscine et aux charmes des transats, le tout sous un soleil rigoureux et un ciel immuablement bleu. C’était un monde différent qui cultivait la nonchalance. Elle l’a quitté et en prenant les clés que lui temps l’employé de l’hôtel, elle prend la mesure de la différence. Après tout, quand elle allait dans le sud de l’île, l’hôtel était un lieu d’attente puisque les jeux avec XX avaient lieu chez lui ou dans la nature. Là où tout est plus formel et surtout inconnu elle devra vivre cet assujettissement parfois blessant qu’aucun lieu annexe n’adoucira. Elle le sait mais, s’efforçant de rester calme, elle sourit en se dirigeant vers l’ascenseur. Sa fille, qui reste sereine le lui rend. Bientôt, on glisse dans les serrures prévues à cet effet les cartes qui tiennent lieu de clé et les portes s’ouvrent sur des chambres où règne une diffuse lumière d’hiver. Pour la jeune fille, c’est un émerveillement : un lieu à la fois neutre et sien et ceci, pour plus d’une semaine ! Elle s’empare tout de suite des lieux. Déposant son sac de voyage, elle en extrait les livres et les cd qu’elle veut utiliser et y adjoint son journal de bord puis elle sourit et France comprend qu’elle peut la laisser à son installation puisque de toute évidence, cette appropriation d’un nouveau lieu la ravit.

Quant à elle, elle est perplexe mais quand la porte s’ouvre et qu’elle découvre un décor sage et lisse, elle fait le choix de l’acceptation. L’étrangeté de ce rendez-vous devance son inquiétude réelle bien que masquée et d’emblée, elle s’assoit sur le lit, ses bagages à ses pieds. Tout de suite, elle s’amuse de n’avoir oublié dans ses valises ni la belle lingerie noire qu’il souhaite voir, ni les jouets sexuels qui leur seront utiles, ni le lubrifiant facilitant les ébats érotiques et ni même le petit masque noir qui permet de ne plus savoir où on est, si tant est que dans un lieu aussi exigu, on ait envie d’être oublieux. Non, tout est là jusqu’à la lingerie bien choisie où ne figure aucune culotte mais soutien-gorge, des bas et des porte-jarretelles. Et pour couronner le tout, elle a un body en dentelle qu’elle ne tardera pas à revêtir puisqu’il s’en dit friand. Elle portera des talons hauts et des bas auto-fixant à petite résille. Il a prédéterminé cela et elle va obéir.

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Elle prend un long bain chaud et vérifie qu’elle est bien épilée puis elle oint son corps d’une huile douce et parfumée. Ensuite, se basant sur l’heure qu’il a indiquée, elle s’allonge et attend, non pas nue mais parée comme demandée. La dentelle noire sur son buste souligne les seins et ne dissimule pas la chatte glabre. La chair claire de ses jambes transparaît sous l’entre- lac des résilles et les escarpins noirs lui font les pieds cambrés. Les bras sont placés au dessus de la tête, encadrant un visage nouvellement fardé : fard à paupière marron doré, fard à joues rose pâle, rouge à lèvres pivoine. Le tout a un bel ordonnancement et elle ne doute qu’A. le trouve à son goût si tant est qu’elle ait, au préalable, placé ses affaires sur les étagères et les cintres de l’armoire, investi la salle de bain en y rangeant ses produits de beauté et ai mis en évidence un petit sac contenant les objets nécessaires à sa soumission. Alors, elle met tout en ordre et attend, silencieuse et douce, les yeux rivés au plafond, avec pour compagnie, un silence que rompt à peine le rythme se son souffle. Longtemps, France respire. L’heure tourne. Il va venir. Elle guette. Puis le moment où elle comprend qu’il fera une arrivée décalée. A l’intuition succède un coup de fil qu’il donne. Sa journée de stage est finie avec un grand retard et il lui faut la rejoindre. Ce n’est pas de son fait : il est en banlieue. Mais quoi qu’il en soit, il vient. Décontenancée, elle se redresse, cherche une parade, lit, attend. Le temps s’étire. La contenance que France avait su prendre s’en va et de sa « beauté » présentée, il semble qu’il ne reste rien, puisque se tournant et se retournant sur le lit, elle la défait progressivement. Vient le temps où les apprêts sont inutiles. Le présent est ténu. Le passé entre en force : le premier Maitre dérisoire, si verbeux et fugace ; Marc aux insultes lapidaires, qui la frappait ; les échanges glaçants sur internet quand on la mettait dans sa position de soumise, offerte, nue, utilisable. Elle commence à avoir peur et songe à XX. Il a été contraignant avec elle mais bienveillant, si longue a-t-elle été à le percevoir. Se repliant, elle songe au bel hôtel lumineux, à la route bruissante qu’elle faisait et à l’attente qu’elle avait de lui. Le parking de la résidence, le portail automatique, l’autorisation qu’il donnait et elle, nue sous un imperméable, des objets insérés en elle, un collier autour du cou, marchant vers lui. L’escalier, l’attente, l’inspection à l’entrée. Les mains du jeune homme sur sa nuque, ses seins, son ventre, ses fesses. Ses doigts entrant et sortant d’elle. Son haleine, sa respiration, sa précision. Les jeux crus. Le sperme, l’urine, les larmes. Une réalité qui a été la leur. Le dominant de l’île lointaine l’a assistée ces derniers temps, s’enquérant d’elle sans perdre de son autorité et elle, sentant venir un rite de passage, l’a admiré.

 

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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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