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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

11 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Un jeune homme apparaît...

BEAU ET ARBRE

 

2 Deux ou trois choses à savoir sur eux.

Pour mieux les comprendre et entrer dans certains jeux, Isée, jeune française un peu naïve, s'informe sur Vincent, le jeune compagnon de Phillip Hammer, un Américain qui la fascine

Il était originaire de Cortland, petite ville de l’état de New York qui ne lui avait vraiment laissé un souvenir mémorable. Il y avait été un écolier qui ne brillait ni par ses succès scolaires ni par une grande carrière de cancre. Un parcours ni bon ni mauvais. Le genre qu’on oublie vite. Il avait suivi son père dans le Queens mais à l’âge de dix-huit-ans, il était déjà à Manhattan, toujours dépendant de son unique parent vivant mais partageant un appartement avec deux autres étudiants. Il s’était débrouillé avec l’argent paternel avant de trouver des petits boulots puis de s’accrocher à la musique…

Il n’y avait rien à dire, le dossier que m’avait donné Hammer était, pour peu qu’on y consacrât du temps, si riche en renseignements sur le jeune musicien qu’en effet, l’approche peu conventionnelle qu’il me demandait de faire de lui était possible. Je disposais du nom des écoles primaires et du lycée où il avait été inscrit à Cortland et bien sûr des années où il s’était trouvé là. Et bien sûr, j’avais à ma disposition toutes sortes de petits détails sur cette période. Le genre qui fait crédible dans un échange…

J’avais le nom de l’école de musique où il avait étudié et des photos. Dans certains mails que Phillip avait regroupés pour moi, il évoquait sa formation. Il nommait certains de ses professeurs et parlait de ses amis d’ailleurs. Ses apparitions publiques, toutes modestes au départ, faisaient l’objet d’une présentation minutieuse. Encore mineur, il s’était produit dans deux groupes qui s’étaient vite dissous puis, lentement mais sûrement, il avait trouvé les bonnes personnes. Depuis trois ans environ, il jouait avec quatre autres coéquipiers. Ils se produisaient dans les salles new-yorkaises les plus réputées et attiraient de plus en plus de monde. Ils pratiquaient un jazz éclectique qui, à priori, plaisait. Je passai presque autant de temps à regarder les images d’un garçonnet tout blond qui rayonnait auprès de sa mère qu’à m’interroger sur celles d’un pré-adolescent mal dans sa peau que son père contrôlait mal. Je m’attardai sur les images d’un trompettiste encore très jeune puis sur celles d’un artiste qui paraissait plus aguerri. Il était assez grand et mince. Et il avait un assez beau visage…Je plongeai…

 

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11 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Aller vers l'intime.

NAGO

 

Un nouveau jeu entre Phillip, Américain aisé et rusé, et Isée, jeune enseignante fascinée par son élève : en savoir assez sur l'amant pour lui parler sous le masque sans qu'il réalise la manipulation...

Je lus beaucoup de mails et des historiques de conversation qui me firent comprendre qu’amoureux de la musique, le jeune homme était souvent par monts et par vaux. Dès qu’il avait un moment, il écrivait à celui qu’il aimait et si celui-ci était en ligne, ils se mettaient aussitôt à échanger. Il me fallut deux soirées pour prendre connaissance de leurs échanges et je ressentis très vite l’impudeur qu’il y avait à le faire. Ils devenaient vite passionnés l’un et l’autre et se faisaient des déclarations si vibrantes que j’en fus émue. En même temps, ils se repoussaient pour mieux se rapprocher et ils échangeaient des propos durs. A priori, ils avaient vraiment dû se heurter car leurs échanges s’arrêtaient sur des dialogues cassants où le mot rupture n’apparaissait cependant jamais…Leurs styles étaient différents. Celui de Phillip était reconnaissable à une langue toujours contrôlée, riche en métaphores et en oppositions. Il n’imageait pas tellement ses propos, préférant les redire sous une forme un peu différente que les réduire à des illustrations. Vincent faisait le contraire. Il utilisait un anglais plus simple, des phrases plus courtes et des images matérielles très claires. Il lui arrivait de dire : « tu vois, là où nous étions, c’était un peu comme ça » et, s’il n’avait de photo du lieu sous la main, il en trouvait une approchante sur le net et l’utilisait. Il s’amusait beaucoup du langage de Phillip, faisant mine de prendre ce qu’il disait au pied de la lettre. Il mettait à plat les belles figures de style utilisées pour son amant d’une manière si spirituelle que l’autre, à qui on faisait rarement remarquer que son anglais était moins riche qu’il n’y paraissait, finissait par s’en amuser. Chacun à sa manière jouait avec la langue et y trouvait beaucoup de plaisir. Il arrivait à Vincent de renvoyer son interlocuteur à des airs qu’il aimait jouer et de lui en envoyer des extraits en guise de réponse. C’était notamment le cas quand le galeriste ombrageux s’emportait. Au lieu d’utiliser le langage, l’autre lui envoyait un air de trompette agressif ou plaintif et ne commentait pas. Il était clair que pour Vincent, c’était la musique qui exprimait le mieux ce qu’il était. Il usait d’elle en encore, ce qui ravissait souvent son compagnon. Celui-ci, cependant, était friand de démonstrations affectives et de déclaration. A l’évidence, en effet, il attendait que son jeune amant soit tendre et s’épanche mais il ne le faisait pas toujours. Il s’y refusait par jeu ou simplement en réponse à un moment commun qui avait été difficile. L’inverse était bien moins vrai que prévu car au jeu des sentiments, Hammer ne biaisait pas. Lui, il disait les choses. Il est vrai qu’il vivait une histoire d’amour forte, qu’il faisait tout pour maintenir vivante. Jamais il ne faisait mine d’être tiède. S’il s’emportait, il s’expliquait et ensuite revenaient ces échanges que seul l’amour fait naître et qui sont si intenses et si profonds… Je lisais, je lisais…Les semaines, les mois défilaient. D’abord balbutiante, une relation s’établissait. Je comprenais que Phillip poussait ce beau jeune homme blond à ne pas être aussi négligent car ce côté bohème lui avait déjà fait perdre de bonnes opportunités pour sa carrière. C’était sous son influence que Vincent tenait son rang dans son groupe actuel où peu à peu il commençait à se distinguer. C’était aussi grâce à Phillip qu’il travaillait sa façon de paraître en scène, moins débraillée, d’une séduction plus raffinée mais toujours immédiate. Il lui évitait les dérives, cela se sentait, même je devinais les coups de gueule quand le trompettiste était ivre-mort où lâchait tous ses rendez-vous suite à un cocktail de pilules…Il le poussait vers une réussite plus étincelante. Mais Vincent, je le comprenais, était encore rattaché à l’adolescence. Il tenait aux membres de son groupe et n’envisageait pas d’intégrer une nouvelle formation. D’échanges de photos en morceaux de musique, de citations de grands poètes américains aux paroles de chansons-phare, ils échangeaient sans cesse et ils s’aimaient. Je ne disposais évidemment que la partie émergée de l’iceberg. Le fond de leur relation, leurs rencontres qui étaient très régulières, leur intimité charnelle qui semblait très belle, je ne pouvais l’atteindre. Portant, il y avait d’autres photos, plus personnelles. Elles donnaient la mesure de leur connivence. J’y découvris Vincent photographié nu, en couleurs et en noir et blanc, par un Phillip soucieux du cadre et de la lumière. C’était de belles photos intimes, très clairement sensuelles mais mystérieuses malgré tout. Le jeune homme semblait heureux de sa nudité et donc du contexte mais il avait l’air très rêveur comme si son paysage intérieur allait bien au-delà de ses draps défaits, de ce store à demi-remonté et des odeurs de l’amour physique…Il existait aussi des nus de Hammer. Vincent avait dû lui prendre l’appareil. Une fois de plus, je fus surprise de la façon dont Phillip procédait. C’était des nudités frontales, qui ne cachaient rien de sa virilité. Elles n’étaient pas graveleuses, ces photos, loin de là. Elles le montraient tel qu’il devait être après les rapports physiques avec son amant, impérial, dominant et en même tendre et heureux. Il me faisait de l’effet, le savait et m’imposait ses photos de lui tantôt rieuses et tantôt graves prises après l’amour sachant que je devrais m’en arranger…Je croyais le faire plutôt bien d’ailleurs, allant et venant dans les nombreux documents qu’il m’avait livré mais inconsciemment, ce corps massif et nu me travaillait, m’impressionnait. Je me remémorais les épaules larges, le grain de la peau, les hanches étroites, la verge au repos. Et je revoyais ce visage pacifié par la densité de leurs échanges physiques…Il me mettait tellement à mal que je préférais revenir aux passages où Phillip parlait de sa galerie d’art, qui, à priori, avait le vent en poupe. Là encore, je me délectais de leurs échanges. Hammer s’ingiénant à montrer l’intérêt de la sculpture d’un tel ou de sa peinture à force de commentaires judicieux et de photos pouvait rencontrer l’oreille attentive de son amant comme sa vindicte. Celui-ci utilisait alors toutes les injures qu’il connaissait et en inventait d’autres non sans ponctuer son mécontentement d’airs de musique particulièrement discordants. Je riais, je m’amusais puis je revenais au corps fin du jeune homme blond et à celui-ci décidemment plus stéréotypé de son massif amant brun…Et de nouveau, je chavirais… Plusieurs jours, malgré mes cours, mon esprit fut plein d’eux d’autant que, comprenant qu’il me manquait des éléments, Hammer m’envoya trois enregistrements de la voix de son compagnon. Il disait un poème, discutait avec son groupe puis tenait gentiment tête à Phillip au sujet d’un film que celui adorait tandis qu’il le détestait. Dans chacun d’eux, même si le phrasé restait le même (groupes de mots entrecoupés de pauses dubitatives), la voix était plus ou moins chaude et d’intensité variable. Plus aiguë lors d’une discussion informelle, elle était plus prégnante quand elle se soumettait à la beauté d’un texte et empreinte d’un grand élan dès qu’il était question de musique. Dans les trois cas, cependant, elle restait d’un homme jeune dont l’enfance et l’adolescence étaient encore assez proches. Elle manquait de fermeté mais elle était séduisante et pleine de vie. Tout ceci, je m’en rendais compte, me rendait apte à me mettre à la place de l’amant, si singulier que cela parut. Une fois réglé le problème de leur discorde, je pourrais me lancer dans l’aventure. Sur ce point, Hammer signala un faisceau de problèmes. Vincent en pinçait pour une jolie chanteuse et en profitait pour mettre en doute son homosexualité. Comme beaucoup d’hommes encore jeunes, il était en évolution, suivant une trajectoire qui le conduisait des hommes vers les femmes. En outre, il se rebellait contre le caractère autoritaire de son compagnon. Et pour finir, il avait envie de repartir à zéro, écartant de son entourage, pas mal de ses connaissances dont Phillip. Pour lui montrer qu’il se trompait, mon trépidant Américain n’y était pas allé par quatre chemins. Il l’avait pris au mot et, laissant le champ libre, avait organisé son séjour à Paris. Il était clair qu’il ne le contacterait pas avant un bon bout de temps, histoire de savoir si les positions du beau Vincent tenaient la route…Voilà le genre d’attitude que, timorée comme j’étais, j’aurais eu bien du mal à tenir mais je n’étais pas Phillip Hammer

11 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 1. Zachary.

jeune AMERICAIN

 

6. Zachary Jones. Courtisée par un jeune Américain à qui elle donne des cours, Isée, jeune enseignante, est fascinée par un autre...

Je dus me rendre à l’évidence : Faire des rêves érotiques où Phillip était très impliqué ne me valait pas grand-chose. Après ma rupture avec Paul, j’avais été comme anesthésiée. Je ne désirais personne et, de mon point de vue, personne ne me désirait. C’était parfait, sauf que maintenant, tout se délitait. Je ressentais une sorte de fébrilité, j’étais inquiète. En cours, tout allait à merveille si ce n’est que Zachary, mon étudiant américain, cherchait beaucoup mon regard…Je n’y accordai pas grande attention jusqu’à ce que je le rencontre dans mon quartier. Il n’y avait à cela rien de très surprenant puisque la Tour Eiffel aimantait les touristes mais je trouvai un peu singulier de le trouver seul. Il avait l’air d’un boute en train. Je parlai un peu avec lui et lâchai que je vivais dans ce quartier. Il me félicita pour mon choix ce qui me fit sourire puisque j’habitais ce studio par obligation…Je me buttai contre lui deux fois et la dernière, il me dit qu’il espérait me voir. Je compris tout de suite et me sentit gênée. Il n’y avait pourtant pas de quoi ; On avait quasiment le même âge et si j’évitais absolument de me trouver séduisante (une fois pour toute, j’avais décidé que je ne l’étais pas), lui, il l’était sacrément. Il était plus grand que Phillip et il avait une silhouette mince et élancé ; Avec cela un assez beau visage très plein avec une bouche sensuelle. Il ne se dégageait de lui aucune morgue, ce qui le rendait différent de celui que j’appelais désormais « mon client américain ». Au contraire, il y avait de la douceur en lui, une fraîcheur certaine et beaucoup d’attention à autrui. Il voulut prendre un verre. Avril se terminait et il faisait assez beau. Je ne sais plus de quoi nous parlâmes en terrasse mais nous nous sentîmes très joyeux. Il demanda ensuite, de façon très naturelle, si j’habitais loin du café. Non, j’étais à cinq cent mètres tout au plus. Je me sentais un peu grisée quand j’ouvris la porte de mon studio, et ce n’était certainement pas à cause de ce que j’avais bu puisque j’avais sagement bu de l’eau minérale. Mon lieu de vie, petit mais très coloré lui plut. Il me fit des avances. Je ne le repoussai pas. Il m’embrassa. Ses yeux bruns brillaient de contentement. Il avait l’haleine douce. De l’autre Américain, je ne lui parlai pas et j’eus rapidement l’intuition que ne serait pas toujours le cas…Je passai seule une soirée heureuse. J’avais un nouveau rendez-vous avec Hammer mais aucune consigne. Pourtant, il préparait quelque chose, mais quoi ? Comme souvent, je rêvais de lui avec impétuosité et finis par jouir en me caressant. J’avais un lien avec lui et je devinais bien qu’il n’était pas très sain mais que faire ? Rien ne me permettait de le soupçonner de quelque mauvais dessin à mon égard. Il me payait pour que lui raconte des histoires qu’il remaniait ensuite avec moi. Ce qu’il me demandait était inattendu mais il s’était toujours montré courtois. Il avait beaucoup d’exigences mais je retirai excitation et plaisir de cette aventure. La distance qui existait entre nous ne me permettait pas de connaître sa vie mais rien dans celle-ci ne me paraissait inquiétant. C’était un Américain nanti qui avait le sens des affaires et menait bien sa barque. Qui pouvait le critiquer de faire un échange d’appartement avec un ami pour avoir le loisir de mener quelques mois durant la vie parisienne ? Personne. Le rendez-vous approchant, je ne pus malgré tout cacher mon anxiété. Je fus, à mon travail aussi souriante que possible mais un de mes collègues me fit remarquer, comme je laissai s’échapper par inadvertance une tasse de café sur le sol de la cafétéria, que je ne passais par pour maladroite et que je devais être bien tendue pour commettre une pareille bévue. Heureusement, en cours, personne ne me fit de remarques.

La veille, quand le téléphone sonna chez moi, je fus persuadée que c’était Hammer qui était au bout du fil. Il allait me parler de notre entrevue du lendemain qui était sans thème. Je décrochai.

-Allô ? C’est Phillip ? Phillip Hammer ?

-Non, c’est Zacharie.

Il m’avait donné son numéro de portable, c’est vrai et j’avais le sien…Mais prise par ce rendez-vous qui me mettait dans tous mes états, je ne l’avais pas appelée depuis le baiser échangé.

-Ah, ça va ?

-Je suis en bas de chez toi. Je peux monter ?

-Ah non, non…

-Tu n’es pas seule ?

-Ah si !

-Je veux te dire quelque chose. Mais peut-être que tu attends…Comment déjà ? Hammer, Phillip Hammer…

-J’ai rendez-vous avec lui demain. Je lui donne des cours particuliers de français.

-Des cours ? Si c’est demain, tu as tout préparé. Je te connais : tu es très professionnelle…

Je soupirai. Je ne voulais pas me heurter à Zacharie. Il était aussi jeune que je pouvais l’être et sans malice. Qu’avais-je à tergiverser ?

-Ce qu’il me demande est difficile mais oui, c’est prêt. Allez, viens prendre un verre !

Je l’entendis rire au téléphone puis je descendis lui ouvrir. Une fois dans mon studio, il me prit dans ses bras. Je me dégageai gentiment pour lui servir une bière (il la préférait au vin, que celui-ci fût français ou autre) et pour ma part, je préparai un kir à la pêche. Il parla beaucoup, fit allusion à mon cours de ce matin, qu’il avait beaucoup aimé puis entreprit de me montrer, sur son portable, des photos du Montana. Comme il avait autant envie de m’embrasser que moi qu’il le fasse, le visionnement fut assez rapidement interrompu. Je me retrouvai allongée sur le canapé’ (qui, déplié, faisait office de lit), et il se mit sur moi. Toute la force de l’amour physique me revenait et avec elle, celle du désir de l’autre. Zacharie était bien fait et sa peau était unie et douce. Il embrassait bien et tout en lui me plaisait beaucoup…Les préliminaires furent délicieux et ils durèrent jusqu’à ce mon téléphone ne sonne. Je fus certaine que c’était Phillip, cette fois. Laisser sonner ou éteindre mon portable aurait été discourtois. Me redressant, je me saisis de l’appareil et le portai à mon oreille.

-Phillip Hammer à l’appareil.

-Bonsoir.

-Tout est maintenant pour demain et je vous recevrai comme convenu. Toutefois, j’ai quelques scrupules. Ce que je vais vous demander est difficile et je vous demande de me faire confiance.

Je marquai un temps d’arrêt qui le décontenança. Il crut peut-être que ce qu’il avait dit en français n’était pas clair et il le répéta en anglais, ce qui me fit changer de langue moi-aussi. Zacharie, qui me caressait le dos et attendait la fin de la communication, parut intrigué et se redressa.

Je dis à Hammer que je lui accordais ma confiance. Il parut dubitatif au bout du fil et insista encore. Puis devant mon aplomb, il me souhaita une bonne soirée. Je me sentis mal quand la communication s’interrompit. Malicieux, Zacharie me prit dans ses bras.

-Hammer ?

-Oui.

-Pour demain ?

-Oui.

-Il est Anglais ?

-Américain.

-Quel genre ?

-Le genre qui a de l’argent. Il passe plusieurs mois à Paris…

-Moi-aussi !

Je ne pus m’empêcher de rire mais je poursuivis en français puis en anglais car il fronçait les sourcils.

-Les gens qui demandent des cours particuliers sont souvent exigeants et un peu capricieux. Ils comprennent mal qu’un petit détail cloche. Il faut que tout soit parfait. La dernière fois, il n’était pas de très bonne humeur et j’ai été mal à l’aise.

-D’où la demande de confiance…

-Oui, si tu veux…

-Tu vas faire l’amour avec un Américain très gentil avec toi. Demain, tu te sentiras très forte…

Évidemment, c’était un programme très convaincant. C’était ma première fois avec lui mais ce fut tendre et doux et en effet, quand vers minuit il s’en alla, je me sentais ragaillardie…

 

10 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Quelle stratégie ?

ISEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE

 

Faire semblant d'être l'autre pour séduire celui qui s'écarte...Isée joue le rôle de Phillip...

Le gros problème pour moi était de faire parvenir à mon « étudiant » une quantité de renseignements équivalents à ceux que j’avais reçus. Or, en six ans de vie commune, Paul et moi avions vécu en symbiose, nous séparant peu. De temps en temps, l’un de nous faisait un stage et alors nous échangions par mails ou téléphone mais cela représentait peu de papiers et aucun enregistrement. Il existait bien des photos de nous en famille ou tous les deux mais aucune n’était intime. J’avais fait quelques jolis portraits de lui mais ils restaient très sages et il allait de même pour les photos qu’il avait prises de moi en vacances ou dans notre appartement. Nous avions bien eu une histoire mais elle était feutrée et ne laissait que peu de traces. J’envoyais cependant à Phillip une série de photographies, des notes que j’avais prises sur Paul à divers moments de notre relation ainsi que quelques poèmes que j’avais rédigées. J’adjoignis à mon « dossier » quelques historiques de conversation, la liste des cadeaux que nous nous étions faits, celle des livres que nous lus chacun de notre côté et lui fit part de nos opinions souvent divergentes. Je fis de même pour les films ou les séries télé. A sa demande, je précisai le style vestimentaire de mon ancien compagnon et ceci de façon exhaustive (jusqu’aux sous- vêtements, pour être plus claire) ainsi que ses goûts en matière de parfum. Je lui donnai les adresses des boutiques qu’il aimait tant que nous nous connaissions et lui mentionnai les lieux où il aimait flâner. Enfin, malgré mes réticentes, je répondis à ses questions sur ma vie sexuelle avec Paul. Elle avait été très classique, en somme, ni lui ni moi n’étant de grands novateurs en la matière. Phillip s’abstint tout de même d’aller plus loin mais l’aurait-il fait, il disposait d’un si grand pouvoir sur moi que j’aurais répondu par l’affirmative. Il ne souhaita pas cependant connaître la fréquence de mes orgasmes et surtout leur pauvreté.

Je m’attendais à ce qu’il fit sur mes envois des remarques peu amènes mais il se montra compréhensif. Ce que je lui livrais n’était pas énorme, c’est vrai, mais il pouvait en tirer un premier portrait de Paul. Pour ma part, j’eus envie de lui répondre que tout ce qu’il permettait de connaître de Vincent me permettait d’en dresser plusieurs mais je me retins. L’exercice s’avérait très difficile à conduire. La prudence était de mise.

Zacharie me vit plusieurs fois à l’extérieur et dans l’intimité. Qu’il me serre dans ses bras comme il le faisait me procurait une intense satisfaction. Il était franc et droit. Même sa sexualité, très généreuse, était sans détour. Je me bénissais de lui avoir plu en cette étrange période…

10 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2.Parler à l'amant terrible...

HOMME JEUUUUUUUUNE

 

Isée devient Phillip qui parle à son amant lointain à travers elle...

Je retrouvai Hammer chez lui, dans son intérieur de plus en plus réaménagé, et nous parlâmes peu. J’avais deux scénarios en main : le premier supposait que Vincent serait absent quand je me connecterai, le second, qu’il était en ligne. On était un lundi. Il était dix-neuf heures à Paris et treize à New York. J’escomptais ne laisser qu’un bref message mais horaire et jours rendaient très plausibles que Vincent fût chez lui…Hammer monta au créneau.

-Connectez-vous. Et écrivez en anglais. Je sais que vous en êtes capable.

Je le fis avec son adresse et je lançai sur l’écran un salut que j’espérais voir sans réponse. Ce ne fut pas le cas, malheureusement…

-Phillip ?

-Bonjour Vincent.

-Phillip, mais ça fait longtemps ! Tu ne réponds jamais à mes messages. C’est pour ça que je t’ai plus contacté.

Skype. Il était devant son écran. Ma gorge se nouait.

- Où en es-tu ?

-Beaucoup de concerts. Ça marche bien, tu sais. Et toi, Paris ?

-Je travaille beaucoup moins. J’écris un petit roman sur un faussaire en peinture et sinon, je vais au spectacle…

-Un roman ?

-Oui. J’aime écrire.

-Je sais cela.

-Il faut qu’on parle vraiment. Tu te sens prêt ?

-Quand reviens-tu à New York ? Tu es parti depuis longtemps maintenant. Je n’aime pas savoir ton appartement fermé et…

-Un ami est dedans. Réponds. On parle ?

Je sentis une hésitation. Manifestement, le beau jeune homme pesait le pour et le contre. Plusieurs secondes s’écoulèrent avant qu’il ne se remette à écrire.

-Quoi ? C’est un ultimatum ?

Hammer me fit un signe de la main. Le texte que j’avais sous les yeux était trop sec. Il fallait temporiser. J’écrivis aussitôt :

-Cette situation me met en souffrance.

Il me fit un signe de tête positif. Vincent réagit immédiatement.

-Mais moi aussi, elle me fait souffrir ! Enfin quoi, tu es parti !

Froncements de sourcils, doigt pointé sur cette ligne du texte. Mécontentement.

-Il fallait te laisser prendre tes décisions.

Nouveau silence puis reprise sur un rythme plus bousculé.

-Cette fille, bien sûr ! Tu as pris ça de plein fouet ! Elle est belle et c'est mon droit, d'accord ! Mais toi, tu es…tu es tellement adulte…Comme si, comme si ça se passait pas comme ça…On n’a pas les mêmes schémas…Enfin, tu …Mais…

Il n’avait pas pu s’empêcher. Il écrivait à ma place ! Bel Hammer au profil dur et buté…

-Vincent…

-A-DUL-TE. Ne prends pas ça pour un compliment.

-Je ne cherche pas les compliments.

-Oh que si ! « Je veux que tu me répondes ; Vincent, oh Vincent, oui, Vincent,réponds-moiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Nous serons si heureux enseeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeemble ! »

-Tu es dans ton état normal ?

-Selon mes normes, oui.

-Alcool ?

-Tu sais bien. C’est de ta faute, tu es parti…

Il venait de se redresser, Phillip mais je ne le sentais pas vraiment atteint. La conversation ne s’arrêtait pas. C’était sur cela qu’il comptait… Il s’était mis de nouveau dernière moi et me laissai reprendre les rênes.

-C’était salutaire.

-Ah ah, salutaire ! Et tu sais quoi, elle me fait la tête, elle m'évite.. Tu as peur, petit garçon ? Toi, elle ! Pourquoi à la fin ?

-Vincent, le fait que je reste silencieux ne signifie pas que je ne suis pas soucieux de toi.

-Je t’aime. Reviens. « Et je serai gentil comme je sais l’être avec toi qui es si A-DUL-TE ! ». Plus de Kate ! Je le juuuuuuuuuuuuuure...

 

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10 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Un beau visage étrange.

 

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Difficile d'entrer dans les nouveaux jeux proposés par Phillip. Isée doit se faire passer pour lui et parler à son compagnon...

-Je ne peux pas revenir.

-Et pourquoi ça ?

-Je n’aime pas n’importe quel Vincent…

-Blablabla. Tu parles très bien français maintenant et à Paris, tu as tout vu, alors ?

-Je parle beaucoup mieux en effet.

-«Oh, c’est si chic, oh my dear, tes progrès ! Merde alors, ce que tu parles bien. » On fera l’amour en se parlant en français ! J’espère que tu as appris tout le vocabulaire qu’il faut avoir en ce domaine...

-Tu ne prends pas soin de toi. Tu as des amis qui sont sûrs. Tu les vois ?

-Oui.

Le ton changea.

-Il y a des semaines que tu ne me contactes pas. Me laisser prendre mes décisions. C’est ça, oui. Cette fille, je l’aimait bien, elle était tendre. D’ailleurs, peut-être que je l’aimais plus que bien. Et puis quoi, tu as gagné puisqu'elle a fichu le camp ! Faire l'amour avec elle, ça m'a changé, tu sais...Il y a le gin et les pilules mais je tiens debout et j’assure tous mes concerts. Il y a bien deux ou trois types qui me sollicitent, le genre ton âge et il s’est bien passé deux ou trois trucs mais bof. Le souci c’est que je me sens de moins en moins « gay » quand je les vois et surtout quand je les entends parler. Et ces eaux de toilette masculines, franchement ! Sans parler de ces peaux rugueuses, de cette virilité affichée dans la voix. Et ces histoires de mensurations ! La gerbe, ça me donne...

-Tu es très agité. Calme-toi, je t'en prie.

-Oui, Phillip chéri, mon maître... Sinon, Je joue tous les jours de la trompette, même si on ne se produit pas sur scène. On a, on a de nouvelles chansons. Tu les entendras et tu les aimeras. C’est compliqué la vie, hein ? Et moi, j’ai vingt-huit ans et je ne sais pas mettre de l’ordre. Enfin, pas comme toi, tu veux…

-Je le veux pour ton bien.

-Tu veux mon bien ?

-Oui.

-Car tu m’aimes…

-Tu en doutes ?

-Franchement, oui ! Ou alors c’est parce que je suis jeune…

-Non. Envoie-moi vos nouvelles chansons.

-Et les airs que j’ai composés tout seul, loin d’elle et des touche-pipis new-yorkais ?

-Je suis content que tu aies composé.

-Tu vas revenir ?

-De toute façon, oui. Il faut que je m’occupe de la galerie.

-Je viendrai avec des fleurs à l’aéroport. Tu verrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrras ! Des roses jaunes…Pas rouges…

-Elles auront peut-être changé de couleur... De toute façon, ce ne sera pas avant deux mois.

-Je serai mort.

-Non, je ne pense pas.

-Tu me tues, tu me tues, tu me tues, tu me tues. Je dois le hurler ?

-Je veux que tu prennes soin de toi. Promets-moi que tu vas le faire.

-Oui, mon chéri.

De nouveau, le ton changeait. Vincent semblait fébrile mais joyeux.

-Attends, tu attends ?

-Oui.

Il venait d’ouvrir sa caméra. Un beau visage effilé, un peu fébrile et aux yeux clairs venait d’apparaître. Le sourire était pâle.

Hammer avait repris la main.

-Tu as encore sommeil, on dirait.

Sourire plus marqué de l'intéressé.

-Tu vas sortir ?

-Oui, mais je vais revenir après. Je ne joue pas ce soir mais ensuite, par contre, toute la semaine.

Il se leva, alla chercher sa trompette et la plaça devant la caméra. Tandis qu’il se déplaçait, nous vîmes qu’il portait un grand pull bleu-marine et un jean. Il était pieds nus. Ses cheveux, très blonds, étaient dans tous les sens. Ceci étant dit, sa grâce était ineffable.

-Tu as perdu un peu de poids, on dirait…

-Œil de lynx !

-C’est vrai ?

-Oui-non. Allez, oui...Tu sais, j'ai charrié.

-Dis-moi cela...

-Les voix viriles, les queues, les eaux de toilette...Tu ne l'as pas pris pour toi, j'espère ?

10 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Un jeune homme insaisissable.

DE BASHER HOCKNEY

Difficile de se faire passer pour celui qu'on est pas. Isée devient Phillip Hammer par personne interposée et cherche à séduire le jeune Vincent...

-Je vais te laisser Vincent.

-Comme ça ?

-Oui. C'est une reprise de contact.

-Tu ne veux pas me montrer ton visage ? Phillip, s'il te plaît. Tu vois, je demande poliment.

-Pas ce soir. Mais je vais t’écrire d’ici une heure ou deux.

-Et sinon ?

-Je tiens à « Vincent » à condition qu'il soit ce jeune homme brillant et charmant qu'il peut être, ce musicien, ce compositeur original....

-Oui, Phillip.

Le regard du jeune homme brillait étrangement. Il ne souriait plus. Il attendait, tout sarcasme l’ayant quitté. Il se laissa contempler quelques instants puis éteignit sa caméra et ferma Skype. Je demeurais pantoise.

-Je m’y suis très mal prise.

-Non, ça va. Il pense que c’est moi.

-C’est moi et c’est vous.

-Il ne le sait pas.

-Vos rapports sont durs.

-Vous jugez, là….

-Mais comment voulez-vous que je suive ce rythme ? Il est frontal et railleur puis il esquive. Vous êtes froid, presque sentencieux puis désarmant de bienveillance. Et vos déclarations d’amour…L’un comme l’autre…

-Sont ce qu’elles sont mais elles sont vraies.

-D’accord…

-Vous êtes au cœur d’un vrai affrontement entre deux êtres qui ont besoin de se retrouver. Ruth, Carolyn et Louise sont avec vous. Pensez à leur pragmatisme.

-J’y penserai…

De son côté, il commença son travail avec Paul mais je lui fis clairement comprendre que je ne voulais pas être présente. Le cas « Vincent » me préoccupait suffisamment…

Il commença par envoyer à mon ancien compagnon un bref message postal qui lui parvint sur son lieu de travail. Il avait déménagé et de façon officielle, je ne disposais pas de son adresse matérielle. Quant à le contacter virtuellement, n’ayant plus ses coordonnées, je ne le pouvais pas. Hammer attendit un peu puis envoya un second message aussi sobre que le précédent. Cette fois, Paul laissa un petit texte sur ma messagerie. Une reprise de contact était possible. Paul fut rapide et concis. Se mettant à ma place, il me présenta telle que j’étais maintenant, une jeune femme plutôt alerte aimant les situations complexes. Dans le même temps, il sondait Paul. Celui-ci était seul et s’ennuyait de l’être, c’est ce qu’il en déduisit. Après quoi, il maintint un rythme de croisière et envoya des messages assez brefs mais toujours sympathique à mon ancien compagnon. Celui-ci devait être tenu en éveil : j’avais changé…

Quelque chose me dit rapidement qu’il avait la part belle car communiquer avec Vincent, était autrement difficile. Il passait du coq à l’âne, le joli jeune homme et répondait rarement aux questions posées. Employer un ton posé ne marchait pas nécessairement mais être très sec ne fonctionnait pas forcément non plus. Tantôt, il répondait deux lignes, tantôt, il était intarissable. Ce qui était sûr, c’était qu’il maintenant le contact et avait besoin d’être rassurée. Ça, on ne pouvait en douter. J’utilisais un ordinateur que Phillip m’avait passé et il faisait de même pour moi. Qu’il utilise le mien aurait été impensable puisqu’il avait accès à toutes mes données. L’inverse était vrai. Les précautions étaient prises.

Le printemps fila à toute allure et bientôt l’été s’annonça. Zacharie me rendait toujours visite. Pour moi, c’était un flirt très agréable. J’espérais qu’il en était de même pour lui mais je le trouvais beaucoup moins rieur. Il me regardait quelquefois étrangement, comme si je lui cachais quelque chose mais jamais, il ne posait de questions. C’était peut-être aussi bien.

 

7 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Un roman sur un faussaire.

manon bessiere

3. Anthony Gilbert.

Le fait qu’Anthony Gilbert, le héros de Phillip Hammer fût un faussaire aurait dû me mettre en éveil. Mais le livre semblait s’écrire tout seul et alors que l’un et l’autre étions pris par nos respectifs plans de séduction, il m’en envoya un premier jet. Son héros était passé maître dans l’imitation d’œuvres de grands peintres du XX° siècle ; il fallait avoir un œil sacrément aiguisé pour se rendre compte que le Matisse payé une fortune n’en était pas un et des années durant, tout avait bien fonctionné. Au bout du compte, c’est sur un Chagall que Gilbert avait achoppé. Cette fois, on avait découvert que c’était un faux. Construite comme une enquête classique, l’histoire de cet homme étrange persuadé de ne jamais être inculpé, sonnait étrangement. Quand justice était faite, on se prenait à regretter que ce personnage pourtant peu sympathique eut été condamné. C’était un comble. Je félicitai Hammer pour le brio dont il faisait preuve et flattai sa vanité. Il allait revoir le tout avant de contacter des éditeurs. Sachant qu’il avait déjà publié des livres d’art, je ne doutais pas que ce court roman trouverait preneur. La maison d’édition qui le choisirait aurait raison : son texte était bon. En attendant, nous progressions. Paul était devenu bavard et s’épanchait. Il me félicitait de mon évolution. J’étais beaucoup plus ouverte. Il ne se trompait pas sur le fond mais ignorait que c’était Hammer qui lui faisait une cour discrète. Celle-ci semblait plutôt ravir mon ancien compagnon mais il lui manquait des éléments. Les aurait-il eu en mains qu’il se serait senti très mal à l’aise…

Quant à mon Vincent, je commençais à buter sur un problème de taille : il voulait aller sur skype et me parler en direct. De plus, il insistait pour qu’on se voie. Les semaines défilaient et il doutait maintenant que Hammer ne souhaite résider encore longtemps à Paris. Son retour n’était donc plus qu’une question de temps…Il devenait beaucoup plus patient et tendre face à l’amant protecteur qui l’écoutait, soucieux sans doute de le faire fléchir. Sur le plan affectif, il était si rusé que j’avais du mal à le suivre. Quelquefois, mes réponses le décevaient, et d’autres moments, elles le faisaient beaucoup rire. Me cachant derrière mon ordinateur, je craignais toujours qu’il n’en vint à avoir des doutes. S’il allait trouver que son compagnon faisait trop de remarques qui lui ressemblaient très peu, j’en prendrais pour mon grade…Pour l’instant, cependant, il ne faisait aucune remarque en son sens. Parler avec lui sous le masque avait beau être un exercice périlleux, il était fascinant. Il en avait de la ressource, ce Vincent ! Certains de ses messages étaient de petits bijoux érotiques et un brin pervers.

 

7 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Jeux de rôles.

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Comment se faire passer pour celui qu'on n'est pas? Isée joue le rôle de Phillip qui parle à son jeune compagnon. Mais ce n'est pas si simple...

Quant à mon Vincent, je commençais à buter sur un problème de taille : il voulait aller sur skype et me parler en direct. De plus, il insistait pour qu’on se voie. Les semaines défilaient et il doutait maintenant que Hammer ne souhaite résider encore longtemps à Paris. Son retour n’était donc plus qu’une question de temps…Il devenait beaucoup plus patient et tendre face à l’amant protecteur qui l’écoutait, soucieux sans doute de le faire fléchir. Sur le plan affectif, il était si rusé que j’avais du mal à le suivre. Quelquefois, mes réponses le décevaient, et d’autres moments, elles le faisaient beaucoup rire. Me cachant derrière mon ordinateur, je craignais toujours qu’il n’en vint à avoir des doutes. S’il allait trouver que son compagnon faisait trop de remarques qui lui ressemblaient très peu, j’en prendrais pour mon grade…Pour l’instant, cependant, il ne faisait aucune remarque en son sens. Parler avec lui sous le masque avait beau être un exercice périlleux, il était fascinant. Il en avait de la ressource, ce Vincent ! Certains de ses messages étaient de petits bijoux érotiques et un brin pervers.

« Phillip, Phillip, si tu étais un peu moins abscons quelquefois, si tu voulais te simplifier…Hein, qu’est-ce que tu en dis ? J’ai relu quatre fois ton dernier message et je…je…Je l’ai imprimé, voilà. Ensuite, ton absence m’a contraint à faire ce que je voudrais tellement faire avec toi (et toi avec moi, je le sais) en me contentant d’une feuille de papier. J’aurais adoré que tu voies ça car tu aimes me voir jouir. Les lettres étaient brouillées et ton message se défaisait. Je me m’en suis pas servi pour aller au plaisir, n’aie pas peur, je l’ai juste arrosé de ma semence et j’ai senti le tout ensuite. Je voudrais pouvoir te les renvoyer ces mots, avec mon foutre et cette odeur ! Je sais combien ça t’exciterait… Mais on ne peut pas faire ça ; La technologie actuelle ne le permet pas. Ne me dis pas que tu es fâché ! Pour ce que j’ai fait, pas pour la technologie. Je pense à toi quand même »

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« Un des morceaux que j’ai composé pour la trompette s’appelle Scarlett Blue. C’est le nom d’un mélange de couleurs mais ça pourrait être celui d’une belle pute ou d’un trans qui fait le trottoir. Qu’est-ce que tu en penses ? »

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« Je t’ai demandé si tu avais envie de me la mettre bien profond et tu n’as pas répondu. C’est une question claire pourtant ! Tu devrais répondre oui et me dire quand tu rentres. Est-ce que tu te rends compte que j’ai dépassé le stade de touche pipi avec Andrew juste parce que…J’en avais envie. Et parce que tu n’es pas là. Je me demande vraiment ce que tu as dans la tête. »

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Tu m'as envoyé Anthony Gilbert et je l’ai lu en deux fois. Franchement Hammer, vous avez une bonne plume ! C’est incisif, c’est tranché, c’est enlevé, c’est très booooooooooooooooooooooooooooooooon. Ils diront ça, les potes que tu as dans l’édition, surtout celui qui t’éditera. Promis, je te ferai pas d’ombre, je n’aurai pas un coup de trop ou avalé des trucs quand on te fera des compliments sur ton bouquin, et que je serai avec toi. Jurrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrré ! Je me tiendrai bien »

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« Kate m’a filé une gifle. Je suis trop mais vraiment trop pédé. Elle avait pensé que….et puis, elle a vu que…et donc….Je te vois d’ici. Ragaillardie, hein ? Je te l’avais dit, Vincent…Non, mon cher, car je ne t’avais pas laissé parler ! Je suis sûre qu’au fond, elle hésite. Elle a dans l’idée qu’elle peut me sauuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuver ! Ah, la belle Kate, ses grands yeux verts, sa jolie taille ! Elle me fait venir l’eau à la bouche…

Pourtant j’aime Kate

Et ses yeux jolis

Elle est délicate

Aux longs traits pâlis

Oh que j’aime Kate

Ma mère aimait ce poème. C’est bien que la fille dont parle Verlaine dans A poor young sheperd s’appelle comme celle qui me plaît. »

 

7 mai 2023

ISEE ET LES DEUX VISAGES. Partie 2. Qui parle à Vincent ?

 LE CORPS DES HOMMES

 

A Paris, Isée, jeune enseignante, accepte un marchandage avec l'Américain Phillip Hammer auquel elle donne des cours de français. Elle se fait passer pour lui et parle sous le masque à l'amant de celui-ci resté à New York et lui, de son côté, l'aide à recoller les moceaux avec son ancien compagnon...Ainsi Isée découvre t'elle Vincent...

«Il y a un morceau qu’on joue beaucoup en ce moment : c’est Chrysalide noire. On a composé ça à plusieurs. Je t’envoie l’enregistrement. On va faire un cd, je sais que tu le sais. C’est sûr maintenant. Il y a un jeune mec qui nous tourne autour pour nous coacher. Il regarde ce qu’on joue et ce qu’on compose. Il essaie de nous faire croire que certains morceaux qu’on interprète sont bons à jeter à la poubelle et, tu sais quoi, il a vraiment du bagout et on finit par le croire. Il n’a rien dit pour Chrysalide, rien de mal en tout cas. J’ai un long solo de trompette que je trouve assez majestueux dedans. Tu l’écoutes et tu me dis »

«Ouvre ta caméra Hammer et regarde-moi nu. Je sais que tu en as envie. C’est quoi cette pruderie ? »

«Ton visage est sévère : il est d’un pâtre grec

Il reste frémissant aux creux de mes mains closes.

Ta bouche est d’une morte et tes mains sont des roses

Et ton nez d’un archange est peut-être le bec...

C’est Jean Genêt pour un amant, tu le sais. C’est splendide mais un peur dur. Piquant. Ça ne tu ne te surprendras pas. Ce que tu m’as écrit, c’était très beau aussi. J’en ai pleuré, tu sais… »

Car Hammer lui envoyait, par mes soins, des messages tendres et réconfortants et bien que pouvant être incisif, il l’était, tendre lui aussi, le jeune musicien.

Ses exigences pour se parler en se voyant devinrent si fortes que Phillip prit brièvement la relève. Je fus désappointée. Depuis cinq semaines que je lui parlais, à ce Vincent blessé mais facétieux, il était un peu mien. Ne pas savoir ce que son amant et lui se diraient me frustrait. Dans quelle étrange aventure m’étais-je engagée pour j’en arrive à de telles pensées ? J’ajouterais que moins que les paroles, la façon dont ils s’observeraient qui me fascinait. Et je manquerais tout cela ? Ils allaient se mettre nus, Vincent, j’en étais sûre et l’autre, je l’escomptais. Ce serait intense, ce serait beau ; ils se regardaient l’un l’autre et se verraient eux-mêmes, leurs corps offerts tout auréolés de lumière douce. Et de cela, je ne serais pas témoin. Je pensais brusquement à ces vers peu connus du poète William Cliff :

Mon voyage au-delà de l’écumante
mer Atlantique à rechercher ta trace
fut-il tant éprouvant ? Ça me tracasse
très peu cette blancheur de mes cheveux
qu’elle soit blanche ou noire ma tignasse
m’importe peu car c’est Toi que je veux

Hammer portait beau mais avait son âge.... Il était dans la situation du poète qui voyageait et désirait à distance et ce « Toi que je veux » si intense dans le texte était au cœur de sa vie, peut-être parce que celle-ci n’était plus si jeune…

La mort dans l’âme, je le laissai parler seul à son amant avant que, quelques jours plus tard, il ne me repasse la main. Quand je le revis, Il avait l’air serein et en même temps sa sensualité à fleur de peau n’était plus bridée comme si le moment de faire concrètement l’amour avec son compagnon retrouvé n’était plus si lointain…



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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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