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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Reconstituer l'itinéraire d'un tortionnaire. Paul et Markus Winger.

 

 

Paul trouva celui qui était consacré à Markus Wingler et il était émaillé de photos.

- «Tiens, se dit-il, il est né à Dannick dans une famille bourgeoise plutôt ouverte aux idées socialistes. C'était un élève moyen dans les matières scientifiques et littéraires mais en sport, il était excellent. Fabuleux en course de fond, bon en lutte, bon en natation, bon en gymnastique au sol. Il a intégré l'armée très jeune mais à priori il a suivi un cursus plutôt réservé à des gens bien moins doués que lui. Il s'est fait repérer pour son autorité naturelle, son sens de la discipline et ses talents d'athlète et on l'a changé de cursus. Qui donc ? Un gradé...Tiens...Une unité d'élite pour cadrer les mauvaises têtes, on dirait bien...Il en sort major. Le gradé approche de la cinquantaine, pourtant. Un visage à faire peur. Quelles relations ont-ils ? Il est formé comme instructeur. Méthodes musclées. Pratique des arts martiaux. Bon tireur. Solide, entraîné à briser...Qu'est-ce que c'est que cette photo ? Il n'est plus à côté du même...Il était secrétaire d'état celui-là...A la défense...Comment l'a t'il connu ? Et là, il est invité à une réception avec le ministre de l'intérieur...Il a vingt-quatre ans... »

Paul ne pouvait s'empêcher de lire à mi-voix et de commenter et Monica, fascinée, le regardait.

«Instructeur à la prison d'état de Dannick après une formation intensive. Veut travailler avec les Politiques qui, selon lui, sont un fléau. S'est fait au préalable remarquer pour son efficacité. Tue à bout portant deux fuyards lors d'une manifestation interdite. Des Rouges...Ah oui, je me souviens de ça...Mais c'était Lui ! Cette photo ? Un autre instructeur, de son âge enfin, aussi brun qu'il est blond. Ils sont l'auteur d'un manifeste sur la suppression de toutes formes d'opposition au régime de Dormann. Ils justifient le fait de tirer à vue, d'éradiquer toute forme de désobéissance. Une balle dans la tête à une femme de soixante ans qui ne respectait pas le couvre-feu pour une raison pathétique : un petit fils malade ! C'est le brun qui se vante de ça. Une femme enceinte bousculée et qui a accouché en prison d'un enfant mort-né...Plein de tracts chez elle. Il l’a tuée, lui, Markus Winger et on l'a félicité. Félicité ! J'ai su ce meurtre horrible et j'en ai parlé dans une émission, oui, je me souviens. Lui, c'était lui ! Il a brigué un poste à la prison Étoile et on le lui a donné. Vingt-cinq ans. Très bien vu, très bien noté. Silence absolu sur ces liaisons bien ciblées avec quelques hommes puissants qui ont fait avancer son dossier. Bénéficie d'une étrange indulgence en un temps où les pratiques sexuelles sont normalisées et contrôlées. Obtient en deux ans des résultats exceptionnels avec les prisonniers qu'on lui confie et à qui il applique des méthodes redoutables. A l'arrivée de Paul Kavan, il demande, car il a suivi chaque étape de son procès, à s'occuper de détruire Battles pour faire naître Vision, celui qui sait se renier pour devenir un être neuf et embraser les foules. Il s'enthousiasme pour ce projet et plaide sa cause. On lui livre un homme de quarante-neuf ans sur lequel il a tout pouvoir. Tout est rondement mené. Winger prévoit déjà le futur de celui qui fut Battles. Continuer un dressage déjà bien maîtrisé et contrôler l'ex-détenu dans tous les aspects de sa vie. Et il a ces trois implants. Avec cela, il est conditionné et prêt à devenir Vision. » 

Paul reposa les feuillets, sidéré. Il tomba ensuite sur un manifeste rédigé par Winger, une sorte de profession de foi qui contenait des poèmes à la mort. Ils n'étaient pas très bons mais avec tout ce qu'il avait en main, Paul tenait son personnage...Il sut alors que tout ce qu'on lui avait dit sur son évasion, le rôle des partisans et la mort violente de son instructeur, était vrai et cette fois, il le crut. 

Vision ? Jamais il ne m'a appelé ainsi. Il l'aurait fait à Dannick, peut-être ? De toute façon, ça ne clôt rien...

Il rédigea sur la prison Étoile un court mémoire où il raconta la façon dont on l'avait traité, en détaillant les étapes de sa rééducation. Ses souvenirs étaient encore frais et sa vulnérabilité quasi intacte, ce qui donnerait à son texte, s'il était publié, des accents de vérité peu soutenables mais convaincants.

Il le fit suivre d'un court article sur Markus Winger et le mélange de répulsion et d'attraction qui l'avait relié à lui, en restant théorique. Il était trop intelligent, cependant, pour ne pas saisir quel effet pourrait avoir sur les lecteurs du magazine dans lequel il paraîtrait, un tel brûlot. S'exprimer en termes mesurés ne masquerait pas l’ambiguïté fondamentale de son propos. Il garda donc ce texte pour lui...

Il prépara pour la presse, une lettre d'excuses et de regrets pour des aveux qu'on l'avait contraints à faire et pour ceux qu'il avait dénoncés.

Rien de tout cela ne serait dévoilé avant son départ pour l'Angleterre mais il avait la conviction qu'il était temps pour lui de s'exprimer ainsi...

Il se promit de dédommager, comme il pouvait, les familles de ceux qu'il avait contribué à faire chuter, si elles existaient encore. Et il demanda à écrire à sa femme et à ses enfants.

Puis, demeuré seul, il pleura brièvement avant de se reprendre. Il ne serait jamais Vision, quoi que sa tête fût mise à prix dans son pays et qu'on offrît une prime à quiconque pouvait le tuer. Il redeviendrait Battles ou tout au moins un être lui ressemblant...

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9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Transfert à Stockholm

 

 

 

On lui annonça quelques temps plus tard qu'on le transférait à Stockholm où il serait hébergé par des militants qui avaient œuvré, entre autres, à sa libération et il ressentit un mélange de peine et de joie. Il salua plus particulièrement le directeur de la clinique, le chirurgien, Monica et Lynn. A la première, il promit d'envoyer le texte des articles de journaux qu'il écrirait. Elle y tenait. Elle resta digne, bien qu'émue, et refoula ses larmes. Elle avait vu Paul lutter pour se redresser et se battre contre des fantômes. L'aventure qu'elle avait vécue avec lui était singulière. Il en alla différemment de Lynn, la jolie aide-soignante qui lui avait lu avec cœur Selma Lagerlöf.

-On ne me donnera plus de patient comme vous avec comme mission de lui lire de belles histoires !

-J'en avais vécu de fort tristes. Il m'en fallait de belles. Vous avez su les rendre passionnantes.

Elle se mit à pleurer.

-Vous ne serez plus là !

-Quoi ? Vous me regretterez !

Il tentait d'être léger et de contourner le trouble de cette jeune fille si droite et si atteinte par lui. Allons donc, les vieux automatismes avaient dû reprendre leurs droits. Qui sait ce qu'elle avait capté de ses regards, de ses silences, cette petite fille. Il avait su si bien y faire autrefois...

-Lynn, vous avez une grande faculté d'écoute et ici, vous faites le bien.  Vous aiderez d'autres patients.

-Vous me plaisez, je vous aime.

-Non, vous croyez m'aimer.

-Ne parlez pas comme ça !

Elle sanglotait.

-Nous nous sommes charmés l'un l'autre et je me souviendrai de vous.

D'ici quelques mois, vous serez amoureuse...

-Comment savez-vous cela ?

-Mais vous le laissez entendre. Je sais écouter les paroles muettes. Il sera de votre âge et charmant. Et il sera suédois.

-Si vous pouviez rester, je pourrais vous dire comment ça se passe. Vous me conseilleriez. Physiquement, vous n'êtes pas du tout comme mon père, et vous seriez de meilleur conseil !

Pas du tout comme mon père ! Paul ne put que sourire.

-Comment cela ?

-Il a toujours peur qu'un homme me fasse du mal !

-Et votre mère ?

-Aussi je crois, mais elle parle peu.

-Vous avez vingt-quatre ans et je vous sens solide. Tout ira bien. Je l'ai dit, ce sera un très gentil garçon.

-Et vous ?

Il fut touché et amusé.

-J'étais en fuite puis en prison puis hospitalisé. Lynn, quelles perspectives voulez-vous que j’aie ?

-Vous êtes marié ! Vous retrouverez votre femme !

-C'est vrai...

-Il paraît que vous avez une fille.

-Elle est un peu plus jeune que vous. Après des années, je risque de la revoir. Et j'ai un fils aussi...

Elle se lova dans ses bras et il accepta cette étreinte qu'il considéra comme filiale puis il embrassa la jeune fille sur le front.

-Au revoir, Lynn.

-Au revoir, Paul.

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Paul quitte la Suède. Espoirs et craintes.

 

A Stockholm, Paul fut reçu par quelques hommes politiques, un ministre et un petit nombre de journalistes à qui il parla. On le logea dans une maison de maître d'un quartier périphérique où ses hôtes furent très déférents. Il visita la ville, sous bonne escorte et on lui adjoignit un chauffeur et un guide. Ce dernier se trouva être d'un blond commun en Suède mais trop évocateur pour Paul qui préféra écourter les visites sous couvert qu'il était encore fatigué suite à sa troisième opération. Personne ne commenta mais on céda.

Peu avant de s'envoler pour Londres, il revit le chirurgien qui l'avait opéré du cerveau. Celui-ci choisit la franchise :

-Vous savez, j'ai paru très sûr de moi mais ce que j'ai fait était si expérimental ! On vous avait déjà enlevé des implants dans le cerveau et les organes génitaux et j'ai été surpris de devoir vous opérer à nouveau. Des analyses nous ont montré que nous n'avions que partiellement réussi. Vous restiez partiellement sous contrôle...

-D'où la nouvelle intervention...

-Oui. Vous savez, je suis à la fois horrifié et admiratif. Comment des chirurgiens opérant dans une prison lointaine peuvent-ils parvenir à un tel degré de sophistication ? Je vous assure que ce qu'ils ont fait demandait un savoir-faire exceptionnel...

-Mais tout est bien désormais, non ?

Nikvist parut gêné.

-Cela peut paraître peu médical, monsieur Kavan, mais je n'en suis pas certain. J'ai pensé à un autre type de marquage...

-Inopérable.

-Oui, monsieur Kavan.

-Psychique ?

-C'est ce que je suppose. Vous seriez désireux d'agir avec droiture et tout d'un coup, vous tiendriez des propos irrecevables ; vous commettriez des actes répréhensibles que, bien sûr, personne ne comprendrait...Et sur le plan sexuel, vous auriez des phases où, disons, vous retrouveriez la sexualité que vous aviez auparavant pour en adopter où vous agiriez très différemment...

Le médecin se racla la gorge et baissa les yeux.

-Je voudrais le bien et ferais le mal alors que je ne le veux pas ?

-Vous savez, c'est une idée qui me taraude. Ça pourrait ressembler à cela, oui.

Paul parla avec sagesse.

-Je comprends. Ne vous inquiétez pas. Le suicide m'est toujours apparu comme le refuge des lâches mais j'ai eu un père philosophe qui ne pensait pas de même et citait des textes à l'appui. Vous me parlez de phases de normalité qui seraient suivies d'autres, totalement incohérentes...

-Par recoupements, oui je vois venir cela.

-J'ai recouvré ma mémoire. Je suis de nouveau doté d'un sens moral. J'aviserai.

-Vous aviserez ?

-Oui, vous m'avez compris !

-Ne pensez-vous qu'à cette seule solution ?

-Non, bien sûr que non car j'espère ne pas être réduit à cette extrémité. N'ai-je pas été Battles ?

-Si ; donc vous combattrez.

-Je combattrai.

-Vous avez mon estime et mon admiration, monsieur Barne.

-Merci. J'en ai besoin ! Et puis n'oubliez pas !

-Quoi ?

-J'aime la liberté.

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Paul et Lisbeth, sa femme. Retrouvailles et affrontement.

 

Ils se souriaient encore mais allaient s'affronter. Leur longue séparation n'avait pas effacé leurs différends. Lisbeth attaqua la première.

-Écoute, Paul, nous sommes restés des années sans nous voir. Je ne te cache pas si je me suis battue pour que tu puisses émigrer en Angleterre, c'est par humanité. Tu es ici maintenant et le cadre dans lequel tu vis est sécurisant. Ces gens -là vont t'aider à t'insérer et plusieurs associations aussi. J'ai beaucoup œuvré. Pour le reste, notre mariage, tu sais, était difficile. On ne se faisait pas que du bien quand on était ensemble !

-Je sais.

-Souviens-toi ! Nous n'étions pas d'accord ! Tu jouais la carte du libéralisme au début refusant de voir ce que Dormann allait faire ! Je t'ai haï pour cela, tu sais et je suis partie de mon côté. Je suis pour l'opposition franche et claire ! J'en ai payé le prix bien sûr mais je ne regrette rien !

-Tu as fait du journalisme avec intransigeance. Tu as pointé les failles du régime bien avant moi.

-Mais oui, tu sais bien !

-Et ensuite ?

-Ils m'ont traquée et on a failli me prendre.

-Tu as été protégée, malgré tout. Tu es très croyante, je le sais.

Elle grimaça et serra violemment ses mains l'une contre l'autre.

-C'est une moquerie ?

-Pas du tout, Lisbeth.

-J'ai toujours été religieuse...

-Non, tu l'es devenue et je ne te juge pas.

-Je vais te dire une chose : ce sont des religieux qui m'ont protégée et permis de continuer de dénoncer les exactions de ces monstres ! Et je l'ai fait jusqu'au bout ! Et puis, ça été la fin. Un jour, je voulais rejoindre une équipe pour imprimer des tracts et je ne sais pourquoi, j'ai eu un pressentiment. Tu te souviens de l'église Sainte-Marie à Dannick ? Et bien, je me trouvais devant la façade. J'entre pour prier et je tombe sur sœur Geneviève ! On se met à parler à voix basse et elle me glisse une adresse, au cas où. Je la quitte et comprends que je ne dois pas retourner chez moi car on m'y cueillera. Je me rends à l'adresse donnée par la sœur et là, on m'aide. Je suis cachée dans un monastère au fin fond d'une forêt des mois durant alors que j'étais recherchée. Ce sont également des sœurs qui se sont débrouillées pour me faire convoyer vers l'Ambranie et arriver en Angleterre. C'est l’Église qui m'a aidée !

-Je ne te mets pas ton récit en cause !

Elle avait parlé avec exaltation mais se calma brusquement.

-C'est mieux ainsi, Paul. Pour toi, je sais. Tu vas en parler de ton terrible périple dans les journaux ?

Il ne savait encore ce qu'il allait faire : les associations ambraniennes qui s'étaient manifestées à son arrivée ne lui plaisaient guère. C'était des gens qui s'étaient expatriés depuis longtemps et ne pouvaient le comprendre. Il était sollicité par des journaux anglais mais hésitait encore. Ses propos ne seraient-ils pas déformés ? Il pensait à écrire, à faire le récit de ce qu'il avait vécu.

Lisbeth sembla changée. Son visage se détendit soudain. Elle parut contrite. Il lui parlait depuis qu'ils s'étaient retrouvés sur un ton calme, presque humble qui la déstabilisait.

-Je suis désolée, Paul, je suis désolée, pardon...

Elle avait la tête dans les mains pour cacher son émotion et il se pencha vers elle.

-Ne crois pas que je ne t'ai jamais oubliée...J'ai pensé à toi si souvent ! Cette dictature...Il fallait qu'on se sépare pour résister chacun de notre côté. Je sais que pour les enfants, tu espérais que je me sauverais bien plus tôt. J'aurais pu le faire avant mais c'est juste que je voulais qu'on sache, je voulais crier qu'on se réveille, qu'on se révolte ! J'avais un rôle à jouer ! Un rôle différent du tien.

Elle ne parut pas convaincue.

-Ce que tu as fait m'a rendu admirative ; j'ai été jalouse aussi. Ils t'ont écouté encore et encore et tu as pris des risques énormes...Ah et cette voix...Quand ils t'entendaient, je comprends qu'ils aient eu envie de prendre les armes. Ta voix s'enflait, prenait des accents si profonds, devenait déchirante...Un grand comédien !  Tu les as galvanisés !

-Toi-aussi mais d'une autre façon !

-Moi ? C'est toi qui étais « grand ». Si tu savais combien j'en ai bavé avec ça ! Ces compliments sur toi et cette mansuétude feinte ou réelle...

-C'était une autre époque ; la dictature n'était pas établie. En tant que journaliste, j'avais du succès et j'ai été fat. Tu étais plus brillante que moi et bien plus engagée mais je t'ai mal comprise. Ce qui compte, c'est notre transformation. Tu as fait tout ce que tu as pu et moi-aussi. Ces prises de pouvoir, ces arrestations, ces meurtres gratuits...Je suis devenu un orateur. Il le fallait. Toi-aussi tu as parlé. On t'a cachée, on t'a fait sortir du pays. Tu as été courageuse.

-Mais...

Il eut un geste impérieux de la main car une serveuse approchait. Ils commandèrent un verre de vin. De nouveau, elle s'apaisa, sourit et rappela la serveuse pour avoir les menus. Elle fit ses choix très vite. Il fut plus long.

-Ah, tu as raison. Est-ce le moment de vider son sac, comme ça ! Dis-moi, cette prison...Mon Dieu, qu'est-ce qu'ils ont pu te faire ?

-Ce n'est pas si lointain et j'aurais du mal à être clair.

Elle tapa du poing sur la table.

-Ce qui est d'actualité c'est de te dire à quel point, mon cher mari, je suis heureuse de te voir ! Mais nous ne revivrons pas ensemble.

 

Elle était presque effrayante mais il ne recula pas, lui offrant un visage sincère.

-Le jeune homme de vingt ans qui est encore en moi t'aime toujours et en toi, la jeune fille a le même élan. J'étais plus volontaire dans l'amour que j'avais pour toi et tu te laissais regarder, tu aimais que je t'adule. Je ne vois rien à changer à cela.

Il était si limpide qu'elle tressaillit. Il avait raison.

-Je t'ai trompé…C'était souvent très bête car ton amour était très fort. Je me défendais de lui par moments et puis, je n'étais pas une belle femme et j'avais mauvais caractère.

Il lui sourit en guise de réponse.

-Tu as pris des maîtresses. Elles étaient voluptueuses, j'imagine...

-Oui et intéressantes aussi. Mais ne parlons pas de cela. C'était assez futile...

-Tu m'en as voulu des aventures féminines que j'ai eues. Pour un homme, c'est souvent vécu comme une offense, une atteinte à leur virilité...A vrai dire, je te provoquais, je dois bien l'avouer mais ensuite, j'ai compris qu'il y avait bien plus que cela. Avec les femmes, c'était plus simple et ça l'est toujours.

-Pas de guerre ?

-Moins. Pour te dire la vérité, je suis arrivée en Angleterre bien avant toi et j'ai une compagne. Nous nous entendons très bien et je l'aime. Nous vivons en Écosse.

-Bien.

Les plats étaient arrivés, ils mangèrent ; Paul commanda du vin.

-Tu as un travail ?

-Oui, elle s'occupe de chevaux, de très beaux chevaux et je travaille avec elle.

-Tu es philosophe de formation...Mais pourquoi pas...

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Londres. Revivre.

 

3. Londres. Une nouvelle vie.

Arriver à Londres, c'est pour Paul Kavan, retrouver une vie professionnelle et affective, ce dont il a été privé avec la vie clandestine, la prison et la maladie. C'est aussi se retrouver face à Lisbeth, sa femme, qui s'est réfugiée avant lui en Angleterre.

Une délégation l'accompagna à l'aéroport d'où il partit seul pour l'Angleterre où on vint l'accueillir. Des intellectuels anglais le logèrent un temps à Londres dans un petit appartement à Mayfair, qui jouxtait le leur. Habituellement, ils le louaient. Cynthia et Andrew Hawkins étaient l'un et l'autre maîtres de conférences. Il était professeur de littérature anglaise et elle enseignait la psychologie. Pour leurs carrières ou leur agrément, ils voyageaient sans prendre de grands risques, descendant dans de bons hôtels et louant les services d'un guide et ils prenaient beaucoup de photos. Ils approchaient la cinquantaine l'un et l'autre et n'avaient qu'un fils qui était à Oxford. Paul les trouva plaisant tout en devinant assez vite leurs limites. Ils avaient des libertés et de la démocratie, ces belles idées dont se targuent ceux qui se risquent peu hors de leur cadre élitiste dans lequel ils évoluent ; et sur les dictatures, une vision brouillée. Ils savaient, bien sûr, que la répression était sauvage dans un pays à parti unique mais ignoraient quelles formes sournoises et inattendues elle pouvait revêtir. Paul se souvenait de cet édit qui avait imposé aux boulangeries de ne fabriquer et vendre que certains types de pains parce que les autres étaient toxiques. Ils ne l'étaient pas mais ce jour-là Jorge Dormann avait eu envie de rire...Et il y avait ces couleurs qu'une femme pouvait difficilement porter avant qu'un autre édit ne les leur interdise totalement. Ni rouge ni violet. Pourquoi ? Madame Dormann avait-elle incommodé son mari en se dandinant devant lui, dans la chambre conjugale, en sous-vêtements rouges ? Le violet était-il trop semblable aux ornements liturgiques qui paraient les églises à certains moments de l'année ? Ou évoquait-il trop directement le teint de ceux qui sentait la mort venir quand on les étouffait ? Qu'est-ce que Dormann avait derrière la tête en lançant de telles interdictions sinon laisser le mal pur se manifester sous des formes abjectes...

 

Les Hawkins étaient loin de tout cela mais leur hospitalité était sincère et charmante et Paul leur fut gré d'être si attentif.

-Votre femme arrive ?

-Oui, elle sera là bientôt. Nous échangeons au téléphone.

-Bien, fort bien !

Il la vit seul cependant. Après plus près de sept ans, il la trouva changée. Elle était mince, portait un tailleur gris peu seyant et un grand manteau et ne s'était pas maquillée.

-Oh Paul, quelle émotion ! J'ai insisté pour que nous retrouvions dans un restaurant mais j'ai fait erreur !

Elle pleurait et riait en même temps.

-Attends, Paul, je reprends mes esprits.

-Je t'en prie.

-Comme je te l'ai dit, Paul, je préférais attendre un peu pour te voir. 

-Tu as bien fait, Lisbeth, je suis arrivé très troublé. En tout cas, merci de ton aide. Grâce à toi, je suis en Angleterre.

-Je tenais à t'aider. J'ai tellement espéré ta fuite...Bon, tu es là...Les enfants t'ont contacté, je le sais.

-Oui, je les ai eus au téléphone l'un et l'autre à plusieurs reprises. De très bons contacts avec Colin, moins bons avec Lisa...Il faudra du temps...

-Mais c'est que beaucoup de temps a passé ! Tu as dû souffrir beaucoup au milieu de ces chiens !

-C'était très étrange, oui.

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9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Discussion houleuse avec Lisbeth.

 

Elle était mal à l'aise, culpabilisée et complexée par ses aveux puisqu'elle les adressait à celui qui était toujours son mari.

-Tu voudrais divorcer ? C'est ton projet, Lisbeth ?

-J'y pense, oui mais pas maintenant. Nous allons bientôt revoir Colin et Lisa, nos enfants. Il faut qu'ils nous sentent liés. Et puis, nos biens nous ont été confisqués en Ambranie et nos comptes bancaires bloqués. Juridiquement parlant, ce serait une mauvaise tactique que de divorcer.

-Eh bien ! Quelle femme de tête ! Lisbeth, je suis un romantique. Je crois que malgré tous nos différends et toutes nos tribulations, je ne me séparerai jamais vraiment de toi.

Elle sourit mais redevins vindicative :

-Beau compliment. Tu es un homme à femmes.

-Pendant toutes ces années, je n'ai fait que croiser des femmes. Certaines étaient très courageuses. Je vivais difficilement et j'ai très peu fait l'amour. La cavale, la prison et l’hôpital.

-Tu es en Angleterre et tu redeviens très séduisant. Les femmes, elles te regardaient tout le temps là-bas ; elles vont recommencer ici.

Il sourit. Elle n'avait pas tort.

-Mais, ce que je veux te dire est autre.

-Eh bien, dis-moi...

-J'ai toujours trouvé que tu plaçais très haut les amitiés masculines. Pour moi, tu es l'homme d'une amitié amoureuse avec un autre homme, voilà tout. Je l'ai pensé très tôt et maintenant que je te retrouve, je le pense de nouveau. Je ne dis pas que vous auriez des relations charnelles car elles te gêneraient mais le fait est.

Elle le vit froncer les sourcils et pâlir. Qu'est-ce qui le tourmentait ?

-Ah, tu penses à l’université, à certains de mes amis...

A vingt ans, il avait beaucoup souffert de la mort brutale de ses parents et l'amitié avait beaucoup de sens pour lui. Qu'il ait eu des attachements excessifs pour des camarades d'étude ou quelques professeurs présumait-il de son orientation future ? Mais de là à parler d'amour...

-Cette période est lointaine.

-Il y a eu tes années cavale et la prison.

Cette fois, il blêmit.

-Je t'interdis ! On m'a arrêté, on m'a fait une parodie de procès et on m'a envoyé à Étoile où j'ai été brutalisé, drogué, mentalement torturé ! On m'a trafiqué le cerveau ! J'ai signé des aveux ! Je me suis renié moi-même ! Tu n'as pas la moindre idée de ce que j'ai enduré quand on m'a libéré ! Neuf mois en Suède. Deux opérations. Et l'Angleterre...Ce n'est pas mon éventuelle ambiguïté sexuelle qui occupe mes journées crois-moi, c'est ce qu'on a tenté de faire : me vider de moi-même, m'apprendre à dénoncer, à punir...

Lisbeth se mit à pleurer silencieusement.

-Je suis si désolée.

Il s'adoucit :

-Tu t'es éloigné d'un mari volage puis prisonnier je ne sais où et tu as trouvé l'amour avec une femme ? Si tu es heureuse avec elle, pourquoi pas ! Mais laissons les souvenirs abrupts, les rancœurs, les souffrances mal digérées car on va devenir fous avec ça !

Elle s'apaisa.

-Je suis heureuse que tu sois vivant, Paul. J'espère que ta vie sera belle ici.

-Je ferai mon possible.

Ils parlèrent encore et commandèrent des desserts. Puis, ils sortirent dans la rue et se saluèrent. Comme il marchait d'un pas vif dans la rue, elle le héla et il se retourna pour la voir. Elle n'était pas belle, trop maigre, trop pâle et il la trouva mal habillée mais il fut content. Elle s'approcha :

-C'était peut-être comme ça quand on s'est aimés.

-Je le crois.

-Et puis, on a eu si peur ! Je t'ai cru mort.

-Moi aussi, j'ai pensé que tu avais disparu.

Ils s'étaient retrouvés. Ils s'étreignirent.

Dans les semaines qui suivirent, ils s'écrivirent.  Ils n'avaient plus le cœur à se réprimander et cherchaient à se rassurer l'un l'autre.

Paul resta encore chez ses hôtes. Il connaissait Londres et le Kent pour avoir fait des années auparavant des séjours en Angleterre pour ses études. Sillonner une capitale transformée, aller au spectacle avec eux, dîner dans des restaurants huppés étaient après tout très agréables comme évoquer les grands écrivains anglais qu'ils avaient lus au cours de leur vie. Quant à l'excursion à Oxford pour faire connaissance de Matthew, elle fut délicieuse. Mais Paul ne pouvait rester à charge d'hôtes aisés, si charmants fussent-ils...Il devait travailler. On lui fit signer un contrat pour une école de journalisme à Londres et il se mit aussitôt à préparer ses cours. Elle se situait à Kensington où on lui trouva un petit appartement à louer. Pour la première fois depuis des années, il allait vivre libre dans un espace certes réduit mais qui lui permettrait de vivre et de penser comme il l'entendait.

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Londres. Rencontrer Daphne.

 

Alors qu'il commençait à travailler, Paul rencontra dans un pub une jolie fille venue là avec une amie. Elle était souriante, stylée et élégante.  Il la sentit sur la réserve sur sa réserve et cela lui plut. Paul se trouvait lui-même avec un enseignant de l'école de journalisme qui avait, plus que lui, l'air d'un homme établi. Paul la savait volage mais il ne tenait pas à passer pour un de ces époux qui craignent le passage du temps et se rassurent en plaisant à une fille jeune. La conversation s'engagea et il vit que la jeune femme savait faire la part des choses. Si l'un des hommes portait beau et parlait trop, l'autre savait se tenir. Elle l'observa. Quand la soirée prit fin, l'inconnu lui fit comprendre qu'il était charmé mais ne fut pas insistant. Curieusement, elle mit du temps à faire le lien. Cet homme, qui ne paraissait pas anglais, c'était ce Paul Kavan dont on lui rebattait les oreilles. Cet homme de l'est que la Grande Bretagne accueillait et qi avait connu bien des sévices. Elle fut flattée : il l'intéressait. Ne parlant ni de ses origines ni de ses études, elle lui expliqua  d'abord qu'elle travaillait dans une librairie. Mince, longiligne et gracieuse, elle s'habillait avec goût et audace, portant des jupes courtes qui lui faisaient tourner la tête. Ils ils se mirent à se voir régulièrement et échangèrent sur maints sujets. Ils s'entendaient bien et rapidement, cette rencontre prit une tournure inattendue.  Paul était très attirée par elle et elle par lui. Quand tout se noua, elle parla. C'était une fille de la haute qui vivait dans les privilèges.

-Donc, ton père est Lord Brixton ?

-Oui.

-Mais moi, tu sais...

-Tu es un immigré ? Laisse- moi rire.

-Moi, je ne ris pas vraiment.

-Paul, la presse anglaise t'encense et elle a raison. Difficile de ne pas être impressionné par ton parcours ! Il n'y a pas si longtemps, tu étais en prison et tu enseignes maintenant dans une école de journalisme très cotée. Tes étudiants raffolent de tes cours !

-Reste mon âge...

-Et le mien, j'ai vingt-huit ans...Laisse- ça, Paul.

Il obéit. Ils avaient une liaison. Elle l'enivrait. Elle lui parla de sa famille. Lord Alistair Brixton, son père, qui passait le plus clair de son temps sur la Côte d'azur, était un aristocrate lettré doublé d'un grand connaisseur de la philosophie grecque classique, qu'il traduisait à ses heures. Sa mère, très mondaine, était une bonne harpiste et une mélomane avertie. Daphné était la seule fille d'un ensemble de trois enfants. Elle était bien moins rangée que ses frères aînés, déjà mariés et pères de famille et bien plus ouverte et curieuse de tout. Quand elle retournait dans sa famille, elle montait à cheval dans le parc de leur manoir du Kent ou jouait au cricket mais à Londres, elle lisait beaucoup mais s'amusait aussi. Son intérêt pour la librairie dans laquelle elle travaillait était motivé par ses projets. Elle-aussi voulait créer un bel espace plein de livres mais elle le voulait inattendu et multifonctions...Paul la trouvait étonnante car, tout en respectant les conventions de son milieu, elle allait de l'avant, refusant de plier intellectuellement. Il aimait qu'elle eût les moyens financiers de réaliser ses rêves, qu'elle ne reniât pas ses origines et qu'elle surtout qu'elle le prît comme il était. Elle était libre d'elle-même, jolie et d'agréable compagnie. Elle lui plaisait. Elle avait écrit un roman d'espionnage parodique, avec une belle espionne et il relut son texte avec elle. Elle l'écoutait avec attention, tenant compte de ses remarques qui portaient davantage sur la trame que sur sur la langue, compte-tenu du fait que l'anglais n'était pas sa langue maternelle. Elle devait surprendre dès le départ et toujours créer la surprise !

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Colin, le fils prodigue.

 

 

Colin, ce fils qu'il ne voyait plus depuis huit ans, vint à Londres et il le rencontra avec appréhension, se souvenant de la rancœur de Lisbeth. Il se trompait en pensant que ce jeune homme de vingt-six ans, désormais avocat à New York, aurait contre lui la moindre rancune. Au contraire, il n'était que compliments. Alors qu'ils dînaient dans un élégant restaurant londonien, celui-ci lui dit lui dit :

-Beaucoup ont regretté de ne pas avoir fait les bons choix au bon moment ! J'avais dix-sept et la situation n'était pas encore aussi tendue en Ambranie, mais vous avez été très clairvoyants. Je pouvais plus vous voir, c'est vrai, et pendant quelques années, je n'ai plus eu aucun contact avec vous mais je n'ai jamais regretté quoi que ce soit. Je suis avocat en droit international et je sais bien ce qui se passe là-bas !

Il évoqua ses retrouvailles avec Lisbeth et la décision qu'ils avaient prise de ne pas revivre ensemble. Colin fut compréhensif.

-Maman est comme ça, elle s'emporte vite. Elle est venue deux fois en Amérique. Elle a adoré Boston et New York. Vous vous êtes éloignés l'un de l'autre et c'est dommage mais elle parlait de toi, elle avait peur.

Çà l'a retournée complètement qu'on t'ait mis à Étoile. Elle a vraiment cru qu'on te tuerait. Et quand elle t'a revu, je suis sûr qu'elle a été contente que t'en sois sorti vivant !

-Certainement...

-Vous êtes soudés malgré tout. Je le sais.

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Paul et Colin. Père et fils se ressemblent.

 

Paul pensa qu'il disait vrai mais il resta prudent. Colin vivait ailleurs. L'Ambranie était si lointaine ! Mieux valait se concentrer sur leurs ressemblances. Jeune homme, il avait eu cette faconde, cette assurance et physiquement, il avait été aussi charmant. Son fils avait des cheveux bruns et épais comme avaient été les siens et les mêmes yeux marron-vert. Et cette façon de sourire, il la reconnaissait ! Et il y aussi avait cette générosité spontanée qui ne devait pas toujours cadrer avec sa très sérieuse profession.

-Tu es un exilé, ce n'est pas une position facile mais à priori, tes cours ont beaucoup de succès...Tu sais, ça ne m'étonne pas ! Enfant, quand tu parlais, j'étais fasciné...Ici, les étudiants t'adorent...

-On dirait bien...

-Dormann est sur la sellette, tu sais...

-Car l'ONU prend trois vagues mesures contre lui ?

-Tout de même, ça le gêne. L'Ambranie ne reçoit plus autant d'armes, il n'y a pas de pétrole et plusieurs pays ne le livrent plus en matières premières...

-Eh bien, tu penses que ça suffira ?

-Il a reçu des remontrances de la part des USA. Il ne doit pas donner une image aussi rigide de gestion d'un état. On lui demande des comptes sur sa façon de gérer ceux qu'il appelle des opposants...

-Et que dit-il ? Qu'il ne comprend pas...

-Il a pris le pouvoir par la ruse, s'est appuyé sur l'armée et la milice…Ce que disent les dirigeants comme lui, tu le sais bien. Tu es un journaliste et pas n'importe lequel ! Et puis, il n'a que onze ans de pouvoir !

-Tu trouves que c'est peu ?

-L'échiquier politique est ce qu'il est. L'Ambranie a été laissée à elle-même et Dormann a pu y en place une dictature avec tout l'attirail nationaliste et progressiste qui accompagnent ce type de régimes. Beaucoup de grandes puissances ont fait preuve d'indifférence. Un si petit pays !  Mais, je crois que le vent tourne...

-A quoi penses-tu ?

-Il n'avait aucune difficulté avec les pays voisins mais tous sont en tension diplomatique avec lui ces temps-ci. Or, ces pays ont de puissants alliés qui depuis quelques temps trouvent ce tyran d'un autre âge de mauvais goût...

-Tu penses à un coup d'état fomenté par l'Amérique ?

-J'y ai pensé, oui, ça se tient. Mais je ne suis pas sûr que ce sera sous cette forme.

-Une insurrection populaire ?

-Ce serait magnifique, père, mais je pense que là, tu plaisantes...

-En effet ! C'est peu réaliste. Un référendum encore moins. Ce vieux monsieur qui appellerait aux urnes...

-Il tombera. D'ici deux, trois ans, il tombera.

-Il a un dauphin...

Colin hocha la tête.

-Tu sais, j'ai attendu pendant si longtemps de te revoir ! Tu as tenu bon pendant six ans là-bas, deux à dire ce que tu pensais en esquivant comme tu pouvais les intimidations et les menaces et quatre en faisant de la radio clandestine. Personne, dans ce pays, n'a tenu aussi longtemps que toi. Je suis ton fils, je suis avocat en droit international et quand ce régime de fanatiques se sera effondré, je t'aiderai ainsi que maman à récupérer tes biens. J'en aiderai d'autres, bien sûr. La démocratie reviendra dans ce pays. Je veux la voir fleurir à Dannick ! Et quand ce sera le cas, tu voudras y retourner...On te donnera peut-être même une place au gouvernement !

9 janvier 2025

Battles. Partie 2. Angleterre. Paul et son fils Colin.

 

Ce n'était pas le moment de dire à Colin qu'il n'était pas sûr de vouloir rentrer un jour...Son garçon était pudique. Il ne prenait pas certains sujets de front, la prison par exemple et la détention pour motifs politiques. Son père devait avoir des séquelles de son passage à Étoile. Les services secrets américains étaient de mieux en mieux renseignés sur ce qu'on y faisait subir aux détenus et il avait eu accès à quelques dossiers. Mon Dieu...Comment avait-on traité son père ! 

-Tu te sens en sécurité à Londres ?

-J'ai une belle petite amie...

-Père, je ne plaisante pas.

-Il n'y a que quelques mois que je suis ici et tu l'as dit, je suis un exilé. Je fais attention à qui je vois et je n'accorde d'interviews qu'à certains magazines. Pour le reste, je vis dans un immeuble sécurisé, mon appartement est sous alarme et j'ai une arme. J'ai appris à tirer.

-Tu n'es pas inquiet ?

-Non. Je devrais l'être sans doute.

-L'Ambranie a une représentation diplomatique en Angleterre, n'est-ce pas...

-Oui. Je crois comprendre ce que tu essaies de me dire.

-Jamais de courrier bizarre, de rencontre ?

-J'ai été abordé à mon arrivée par d'autres ressortissants ambraniens qui voulaient frayer avec moi, me convoquer à leurs dîners et me faire adhérer à ce je sais quelles associations...Mais j'ai fui. Une sorte de prémonition...A cause de mon arrivée peu classique en Grande Bretagne, j'ai pensé qu'il ne fallait pas rejoindre un groupe de ce type ou un autre. Je reconnais que pour eux, ça a dû être vexant...

-Peut-être mais c'est sage.

Paul n'épilogua pas mais il rassura son fils :

-Je sais ce qui m'est arrivé. Si je dois me défendre, je le ferai. Mais changeons de sujet, veux-tu ? Parle-moi de Lisa.

-Elle est restée à Boston, je la vois beaucoup moins. Je sais que vous êtes contactés plusieurs fois et qu'elle projette de venir te voir. Elle a vingt-trois ans, tu vois, et a n'a pas encore terminé son cursus en médecine mais elle est amoureuse et veut se marier. Elle devait venir en même temps que moi mais a différé...

-Qui est l'heureux élu ?

-Un médecin chef d'un hôpital où elle a fait un stage. Je l'ai vu plusieurs fois.

-Et ?

-J'ai du mal à en parler. Un quadragénaire un peu bourru, à cheval sur son boulot...

-Bon mais il y a autre chose : Lisa est fâchée contre moi.

-Elle avait à peine quinze ans quand on est arrivé en Amérique. Elle t'adorait et elle a mal vécu que tu la fasses partir. Elle ne voulait pas être séparée de toi et elle l'est depuis des années. Maintenant, elle se demande qui tu es.

Paul soupira.

-Et elle se sent très américaine...

-C'est clair. Mais elle viendra.

-Vraiment ?

-Oui, père et moi aussi, je reviendrai.

Cette conversation était lourde mais elle lui donnait de l'espoir. Il avait retrouvé Lisbeth et Colin. Il retrouverait Lisa.

Et en effet, elle vint. Son frère l'accompagnant, elle tenta de faire bonne figure. Paul avait laissé derrière lui une adolescente mince aux cheveux blond-roux ; il retrouva une jeune femme aux formes pleines et aux cheveux courts. Elle avait les mêmes yeux que Lisbeth et bien des traits de son caractère dont l'irritabilité. Ses débuts aux États-Unis avaient été difficiles mais comme elle aimait les études, elle s'était posée des défis et s'en était bien sortie. Cependant, dès qu'il s'agissait de ses parents biologiques, elle restait farouche, leur préférant John et Mary Frankenheimer, ceux qui les avait accueillis au départ, Colin et elle.

-Tu vas bien ?

-Oui, père.

-C'est difficile pour moi-aussi, tu sais. Tu as tellement changé !

-Au point que tu ne peux pas me reconnaître, n'est-ce pas ?

-Mais Lisa, si je te reconnais. Il y a une distance entre nous...

-Une grande distance.

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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
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