Battles. Partie 4. Retrouver la prison Etoile.
-Et le bloc opératoire ?
-Venez.
Tout y était intact. Il régnait là un silence assourdissant. Paul frémit. Les implants. C'est là qu'on les lui avait mis. Combien de temps cela avait-il duré ? Ce devait être, à en croire les médecins suédois et anglais qu'il avait vus, des interventions délicates. Où était Winger à ces moments-là ? Quand tout était fini, jubilait-il ? En pensant au sourire de l'instructeur quand il avait appris que tout s'était bien passé, Paul serra les points.
-Il servait beaucoup ?
C'était une fausse question.
-Il était réservé aux membres du directoire et à leur famille et aux seuls politiques en phase de mutation positive. Pour les autres, il y avait une autre section, appelée salle de soins. On n'en ressortait pas vivant,monsieur Kavan, vous le saviez ?
-Oui.
-Quand tout a sombré, un certain nombre de dirigeants et de gardiens ont saccagé ce qu'ils ont pu. Cette « salle » a fait partie de la liste...
-En même temps, l'effet de surprise a été massif. Pas le temps de détruire toutes les traces ! L'armée est intervenue.
-Oui, vous avez raison, monsieur Kavan, il en reste beaucoup.
Esmed très pâle l'observait. Il souffrait beaucoup. Paul tenta de le rassurer.
-Tu vois, tout est vide maintenant.
-Oui...
De nouveau, ils déambulèrent longtemps pour gagner l'aile des prisonniers de choix.
-Dix cellules pour les Politiques...
-Oui, ça devait imposer une sacrée sélection...
-Oui, être choisi n'était pas aussi honorifique qu'on aurait pu le croire ! Vous venez de le signaler. Les vrais rééduqués étaient peu nombreux.
Ce devrait être trop brutal pour Esmed que rien n'avait préparé à cette visite. Paul demanda à Ersand s'il était possible de le faire se reposer ailleurs.
-Bien sûr, je téléphone.
Le jeune homme s'interposa.
-Je veux continuer.
-C'est concentrationnaire, tu vois bien. Tu es si loin de tout cela.
-Paul, ça me regarde. Je poursuis.
Le petit guide lâcha son téléphone.
-Allons-y.
Il fallut marcher encore. Paul retrouva la cellule qui l'avait abrité et il demanda à y être seul un moment. Il y avait près de de dix ans qu'il avait échappé à Étoile et trois qu'il n'y avait plus de politiques ni détenus normaux. En dernier lieu, il était resté des droits communs...Cela signifiait qu'après avoir reçu ses successeurs, sa cellule était restée vacante...Il en retrouvait bien la configuration. Le petit lit, la salle de bain glaçante, le bureau fixé au sol, les chaises et les pauvres rayonnages... Mais cette fois, il revoyait des visages : celui de Xest, l'immonde gardienne qui le lorgnait quand il était nu et celui de cet imbécile de Koba, qui le réveillait la nuit pour le battre. Il revivait les cris, les gifles, la fouille au corps et cet immonde accouplement que Winger lui avait reproché alors même que probablement il l'avait programmé...Plus d'un an de souffrance...Et l'Instructeur, bien sûr, omniprésent et cruel...
Esmed, muet et en souffrance, ne disait rien. Une nouvelle fois, Paul dut le rassurer.
-Ce ne sera plus jamais une prison, tu sais !
-Ce n'est pas le sujet, Paul, je ne peux pas comprendre.
-C'était une machine à broyer. Je l'ai écrit et ne suis pas le seul.
-C'est la fin de tout. Une désespérance …
Il dut lui serrer le bras pour lui dire de se reprendre. Pauvre Esmed qui réalisait soudain que le sort de ses parents n'était pas le pire !
-Allons voir les bureaux d'interrogatoire.
-Oui, monsieur Barne.
Ce n'était pas si loin, il s'en souvenait et c'était à dessein. Plus on avançait vers le bureau où on était attendu, plus on avait peur...Il se souvenait très bien du bureau de Winger et de nouveau, il demanda être seul. Son courage, encore présent, s'amenuisait et une sourde détresse le remplaçait. De nouveau, et bien que la prison eût cessé toute activité, il était au cœur du mal...
-C'est le bureau où j'ai été interrogé. Je veux y être seul.
-Bien, monsieur Kavan.
Esmed se débattait, comme si Paul lui échappait totalement.
-Non, Paul, écoute !
-Reste avec le guide. C'est le mieux que tu puisses faire.
-Je refuse.
-Pourriez-vous vous écarter ? Je vous appellerai quand j'aurais terminé.
-Bien sûr, monsieur Kavan. Nous quittons ce couloir.
Esmed lança à Paul un regard noir mais obéit.