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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
20 août 2022

George D. Celui qui meurt. Partie 1. Je vous reconnais !

GM STREET ART

Sur une plage du sud de la France, en hiver, deux jeunes promeneurs sauvent d'une noyade volontaire un inconnu épuisé. Or, il s'agit de la star George Daniel...

J’ai servi un grand bol de café à « George » tandis que Jonathan s’éclipsait pour se changer. J’ai tranché de belles tranches de pain français que j’ai posées sur une assiette devant lui puis j’ai sorti du beurre de frigo et attrapé des pots de confiture sur la desserte.

-Elles sont maison. Et le pain est génial ! C’est la France !

Il s’est à manger avec un tel appétit que j’en ai été suffoqué. Pour quelqu’un qui voulait mettre fin à ses jours quelques instants plus tôt, il faisait preuve d’une belle voracité. Jonathan est revenu avec Carolyn sur ses talons.

-Les garçons, ce n’est pas du jeu. Depuis quand laisse-t-on des vêtements trempés dans la salle de bain de la chambre jaune ? Lequel d’entre vous a pris une douche tout habillé ?

Son regard s’est arrêté sur moi :

-Mais toi-aussi, tu es trempé !

Et puis, elle l’a regardé, lui. Il s’est levé alors et avec une noblesse et une dignité incroyable et lui, qui nous était apparu comme un Anglais d’âge mur plutôt laid et défait, s’est mis à étinceler :

-Veuillez les excuser, mademoiselle ou madame. C’est moi qui les ai contraints à être dans cet état…Ils m’ont sauvé la vie et ils m’ont conduit ici.

Elle est restée saisie totalement.

-Sauvé la vie ?

-Oui, j’étais très agité…J’ai tenté de me noyer…

Tandis qu’elle restait sidérée, je me suis éclipsé pour aller me laver et me changer aussi. On s’est ensuite occupé de lui. Il était grand et seuls les vêtements de Guillaume pouvaient lui convenir. Quand il est revenu vers nous vêtu d’un jean, d’un grand pull bleu-marine et de bottines, on s’est trouvé face à une autre personne. Il était dépressif, c’est clair mais il avait désormais belle allure. Carolyn a soigné sa coupure à la joue. Elle était bégnine. C’était émouvant de la voir, elle, toute blonde et jolie, poser sur la joue de notre illustre invité un coton imbibé de désinfectant.

-J’avais des lunettes….

-On les a retrouvées dans la poche de votre manteau : voici l’étui, monsieur.

-Nicholas, vous pouvez m’appeler George.

-D’accord, George. Vos vêtements sont dans la machine à laver, sauf ce qui risquerait d'en souffrir. Nous les avons confiés à l'intendante de cette maison. Elle en prendra le plus grand soin. Sinon, voici votre portefeuille avec vos cartes de crédit et tout le reste.

La voix de Carolyn s’est élevée :

-Je pense ne pas me tromper…Vous avez eu une grande carrière, n’est-ce pas ? Est-ce que vous êtes George Daniel ?

-Oui, je le suis. Vous avez raison de parler au passé. J’étais une Pop star. Je devais plaire et faire courir les foules. Je devrais couvrir chaque année beaucoup de grandes capitales européennes. C’était ainsi, les tournées et ça a duré vingt ans environ. C’était fascinant et oppressant. Mais comment une jeune femme comme peut-elle m’avoir identifié, surtout dans l’accoutrement où j’étais ?

La télé anglaise diffusait avant-hier une émission sur vous…

-Ah, une rétrospective, j’imagine...

-Oui. C’est votre visage que j’y ai vu. Je vous reconnais.

-Quelle chaîne anglaise ?

-Channel 5.

-Oh, je vois ! Que des compliments sur moi, bien sûr ?

-Non, ce serait mentir mais vos chansons sont au-delà de tout…

Il l’a regardée avec déférence. Il se tenait très droit et il était digne.

-Messieurs, mademoiselle, je vais regagner mon auberge.

Aucun de nous n’était d’accord. Il n’a pas lâché tant que les deux danseurs n’aient envahi la cuisine. Plus personne ne jouait du piano. C’était donc eux. Guillaume a parlé d’abord :

-Qu’est-ce qui se passe ?

-Monsieur Daniel est notre invité ce jour.

-Ah c’est bien.

Il n’a pas fait le lien avec les vêtements qu’on lui avait chipés et n’a pas fait le rapprochement entre ce « monsieur Daniel » ici présent et la star George Daniel. Erik ne l’a pas fait non plus. Il a adressé à notre invité anglais un sourire juvénile avant d’avancer une remarque :

-On parle plusieurs langues ici mais le dénominateur commun est l’anglais et vous êtes anglais, n’est-ce pas ?

-Oui.

-Un bon point pour vous, alors.

Afin de les rendre moins lunaires l’un et l’autre, j’ai précisé que nous étions en présence d’un invité de marque…Guillaume a compris de qui il pouvait s’agir mais Erik, rêveur et distrait comme il était, pas du tout. Il s’est éclipsé sans avoir le moins du monde conscience du problème que nous posait cet homme de par sa renommée et son état de santé…

George est resté toute la journée, dorloté par Jonathan et moi-même puis il a insisté pour retrouver son hôtel. Il semblait très sûr de lui et nous avons cédé. Le lendemain cependant, bourrelés d’inquiétude, nous sommes passés le prendre à l’y prendre. Laisser quelqu’un comme ça tout seul, après ce qui venait de se passer nous paraissait aberrant. On devait être encore trop jeunes pour être insensibles et on était aussi très spontanés. Il aurait changé de plage ou de tactique.

Tu vois, tu vois bien. Tu n’avais rien à faire à Paris. Pourquoi marcher encore et encore dans ces lieux qui ont vu ta tristesse. C’est bien à Paris que tu as compris que j’allais mourir ? Ici ils ne t’attendaient pas et tu les surprends beaucoup. Mais Ils sont jeunes, ils sont créatifs et ne crois pas qu’ils n’aient rien vécu. Reste avec eux. Je suis ton ange.

 

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