LUCAS ET KIRYLL. Dans le labyrinthe. Pensées multiples.
Près de Naples, à la Solfatare, Lucas, un jeune garçon et Caterina, une italienne mature visitent les champs de soufre. Mais Lucas entre dans un labyrinthe...
Lucas fit avec ce qu'il avait. Ayant conservé le caillou aiguisé qui devait lui permettre de combattre le monstre du labyrinthe qui le retenait prisonnier, il s'en servit pour faire des comptages. Il dessina des bâtons sur une paroi rocheuse à la chair tendre et s'en servit comme point de départ d'une nouvelle ère : celle de sa solitude en ces lieux.
Se référant encore à Robinson, il envia celui-ci. Voilà un naufragé qui avait pu chasser, s'emparer et domestiquer quelques animaux et pêcher. Il avait pu cultiver aussi et construire un abri puis un fortin avec les outils récupérés dans la Virginie...Lui, ne pouvait rien faire de tel. Par contre, il pouvait se souvenir ! Puisqu'il n'y avait dans ces souterrains aucune forme de vie animale ou végétale, il dessina. Sur les parois rocheuses, apparurent des animaux domestiques, comme ceux qui l'avaient entouré enfant et aussi des ciels et des maisons. Il y avait des papillons et des oiseaux. Et des fleurs, beaucoup de fleurs. Et pour finir, il dessina des êtres humains.
Stefano, Signorella,
Papa, Maman,
Lucas .
Il se dessina aussi car il craignait de disparaître et à côté de lui, il plaça Lucky. A sa manière, le jeune garçon luttait contre l'anéantissement. Il n'y avait peut-être personne pour lui, ici, mais là-haut, il y avait les siens. Figés dans sa mémoire, ils devenaient vivants quand il les crayonnait et c'était bien. Stefano, les cheveux tout bouclés, riait aux éclats dans la maison des gardiens de la villa Ada. Caterina, en jupe et chemisier se promenait dans Naples avec lui et achetait du poisson sur le port. Maman, telle qu'il l'avait connue, revenait de l'école avec son sac plein de cahiers et papa faisait du vélo avec lui sur une petite route de campagne. Quant à Lucky, il se comportait comme dans la maison de la Ferté Bernard, toujours prêt à jouer et protecteur. Il était dur de les dessiner tous et le résultat n'était pas exceptionnel, il s'en doutait bien, mais ça n'avait pas d'importance. Que papa et maman aient une tête trop grosse, le chien une queue interminable et ses amis italiennes des bouches immenses, qu'est-ce que ça faisait ?
Désormais, Lucas ne bougeait plus. A quoi cela aurait-il servi ? A parcourir encore d'interminables galeries ouvrant sur d'autres, le tout dans un silence effrayant ? Ici, au moins, il était bien. Il lui restait un dessin à faire et ça lui posait problème. Parce que représenter quelqu'un qu'on a jamais vu, c'est dur ! Et lui, il voulait figurer Honey ? Mais Honey, c'était quoi ? Une idée, un homme, une créature d'un autre monde ? Difficile de le savoir. Le temps passant, l'urgence resta. Alors, Lucas écrivit sur le mur :
Honey, vainqueur de Ah Thor.
A peine eut-il fait cela qu'il lui sembla qu'étaient devant lui ces deux Italiens qui avaient permis sa fuite. Caterina Signorella lui faisait face et souriait doucement. Au dessus de sa tête, Lucas vit apparaître le mot « Mansuétude ». Brune et courageuse, l'Italienne rayonnait de bonté. Il tendit les mains vers elle mais ce n'était qu'une apparition et il ne put la toucher. Ses doigts bougèrent dans le vide. Il en alla de même pour Stefano à qui était associé le mot « Courage ». Vif et bon combattant, le jeune homme l'avait scrupuleusement protégé.
Différentes furent les apparitions des parents. Lucas s'était peu soucié d'eux, tout tendu qu'il était vers Honey, mais il les découvrait tristes et défaits, rongés par le chagrin. Il n'osa se manifester et se sentit horriblement coupable. D'ailleurs, le mot qui apparut à ce moment-là était «Culpabilité » mais, il le sentit, c'est lui qu'elle visait...
Jamais l'enfant n'avait douté de sa mission. C'était le cas pour la première fois et de dures pensées le traversèrent.
Je n'aurais jamais dû m'enfuir de l'hôpital et entraîner Nicolas à ma suite. Et eux, est-ce que je devais leur faire confiance ? Il m'a lâché, lui, et elle, elle a fait pareil. Mon père et ma mère, ils avaient confiance dans la médecine. Et s'ils avaient eu raison ? S'il avait juste fallu attendre et non écouter ce chien magique qui me disait de m'enfuir pour guérir ? Si Honey, ce n'était rien du tout ? J'ai été fou !