DOUCEUR DES FEMMES ET AUTRES CHIMÈRES. ACCUEILLANTE. Cannes.
Anna, fille d'officier, cherche à échapper à son éducation guindée. Pourrait-elle devenir actrice ?
Un jour, c’est la fin du Festival à Cannes et Naomi Hustler est là, dans la chambre d’un hôtel dont la presse parle souvent et dont Anna se dit en riant qu’elle est chanceuse de pouvoir contempler et non seulement, puisqu’elle la remet en ordre, ce qui lui donne sur elle une sorte de pouvoir. Cette fois, une anglaise d’un âge certain la regarde comme il arrive parfois quand elle doit mettre de l’ordre dans une chambre dont l’occupant ne souhaite pas sortir. Ronde, grande, hiératique, la femme impressionne car son regard est fixe et sagace et sa voix étrangement éraillée. En remettant le lit en ordre, Anna se demande qui est cette femme ; en cette période, seuls les gens de cinéma fréquentent les lieux encore que les journalistes soient aussi présents et que la liste des occupants n’est pas si rigide. Mais au moment où la jeune fille souhaite le plus fort que la femme imposante qui l’observe appartienne au monde du septième art, celle-ci se met à parler. Elle est décoratrice depuis fort longtemps et cette fois a travaillé pour un réalisateur dont le film vient d’être primé. Anna, interdite, interroge. Elle connaît et le metteur en scène et le film. C’est vrai, elle ne chante plus comme passé un temps, elle regarde des films. Elle y va le lundi ou le matin quand elle peut car c’est moins cher et sinon, elle regarde dans la chambre où elle vit avec une énième colocataire, toutes sortes de DVD. Alors, cette anglaise !
Elle émet encore un vœu : celui que cette inconnue fasse à Cannes un séjour qui aille au-delà de la durée du Festival et comme si tous ses souhaits se réalisaient, elle apprend de la bouche de cette étrangère qu’en effet, son séjour est prolongé de quinze jours.
Au fond, le temps peut sembler compter et s’étirer à loisir car en peu de temps, Anna apprend bien des choses ; notamment qu’un décor, même discret peut créer un fort univers intérieur et que le travail des comédiens s’y trouve stimulé car les conditions sont meilleures pour exprimer ce qui, de vous ou du rôle doit sortir, l’idéal étant que les deux se mélangent.
Le travail de l’acteur ? Le décor ? Le jeu et la personne ? Mais que dit-elle ?
Anna estime être là pour accomplir un travail simple mais l’anglaise, quant à elle, dit qu’elle l’a observée. Non, elle n’est pas une femme de ménage « ordinaire » ; elle est une actrice née. Il suffit de la regarder, de l’observer, pour le savoir. Rien que cette robe noire moulante, qu’elle doit porter, ce petit tablier, ces collants marron clair et ses chaussures plates ! Avec cela, elle fait « exister » quelqu’un. Anna sourcille. Que ferait ce « quelqu’un » ? L’anglaise rétorque qu’une chambrière met en place un lieu précis. Et cela, Anna sait le faire.
Troublée, la jeune fille se laisse convaincre, et, consciente de jouer un rôle va et vient avec une nouvelle inspiration dans les couloirs du grand hôtel. Après tout, il peut y avoir une autre façon de pousser un chariot, d’entrer dans une chambre et de tout mettre en ordre et c’est de cette différence que peut naître l’exactitude d’un geste, la pureté d’un profil et elle ne sait quoi d’autre qui la rend plus belle.