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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
17 octobre 2024

Clive le Vengeur. Partie 1. Restaurant chic et explications.

 

Je me suis levé d’un bon et lui ai donné un numéro de téléphone où me joindre ainsi qu’une adresse électronique. Il a acquiescé. Il m’a salué d’un mouvement tête très élégant et je me suis alors rendu compte qu’il était vêtu avec raffinement. Les assemblages de matières et de couleurs qu’il portait étaient non seulement inattendus mais superbes. A sa manière, c’était un seigneur. Et de fait, mes commentaires sur lui s’arrêtaient là. Je n’étais pas à même de dire s’il était tordu ou pas d’autant que moi-même…

Quant à savoir ce que ce « beau » danseur du Lac des cygnes avait pu lui faire subir, j’étais loin du compte ou pas. Après tout, je n’en savais rien. Sauf que, vu le « deal », je partais du principe que Julian B. était l’offensé et « Erik non américain » l’offenseur. Je devais me le tenir pour dit, comme le fait qu’il était plutôt bien de sa personne. Un bel offenseur. A voir…

J’ai quitté le bar chic et j’ai foncé vers une salle de sport. Sans quoi, je n’aurais pu, décemment paraître devant Kristin et Carolyn.

 

On approchait de la fin novembre. Je m’étais calmé en famille car il le fallait vraiment. Je jonglais toujours entre la maison, le bureau dans le Bronx et mes déplacements en dehors de New York. Je démarchais des entreprises afin de placer mes polices d’assurance et, aussi surprenant que cela puisse paraître, j’étais plutôt doué pour ça. J’avais du bagout mais aussi des connaissances et je ne prenais de trop grands risques. Ça faisait de moi un cadre moyen très actif, apprécié de ses supérieurs et regardé non sans envie par ses subalternes. Avec Kristin, on s’en tirait bien. En fin de compte, grâce à mon job et au sien, on avait pu s’acheter un appartement assez joli dans un quartier assez côté du Bronx. Carolyn ne manquait de rien. Elle trouvait qu’on faisait couple modèle. Je l’ai déjà dit, Kristin savait juste ce qu’il fallait qu’elle sache sur les jeunes mecs que je voyais de temps en temps. Elle avait pigé que je ne la laisserais pas tomber pour partir avec l’un d’entre eux ! Lui faire ça, quand même, non…

Ça a traîné en longueur quand même et quand il est arrivé, le soir du spectacle, j’ai soupiré d’aise. J’avais inventé un mensonge qui me rendait absent quarante-huit heures. Je m’explique : depuis mon éblouissement lointain face au Lac des cygnes, je ne m’étais guère approché de la danse classique. J’avais assisté aux spectacles de fin d’année de l’école de danse de Carolyn ; ça, bien obligé ! De temps en temps, j’avais vu un spectacle ou un autre mais toujours dans de petites salles. Kristin, plus clémente que moi, avait cédé aux doléances de notre fille. Elles y étaient, elles, au Lincoln center, encore que ça faisait un moment qu’elles n’y allaient plus. Moi, le New York City ballet, je l’avais négligé. Pourquoi, je n’en sais rien. Comme quoi, là, je rattrapais le temps perdu.

Avant de quitter la maison pour « partir à l’aéroport », j’ai vérifié que le costume que j’avais acquis pour la circonstance était bien rangé dans ma valise et j’ai regardé avec étonnement le billet à cent soixante-quinze dollars que m’avait généreusement offert Julian B.

Allez, c’est ce soir.

Minablement, j’ai attendu dans un hôtel. J’ai rassuré ma femme sur ma bonne arrivée à…J’avais choisi une ville proche où il m’arrivait d’aller pour affaires. Vive les portables ! Kristin, ce n’est pas le genre à fouiller pour fouiller. Il y a des affirmations qu’elle préfère croire. C’est entendu entre nous.

Il était dix-huit heures, j’ai mis le costume. J’étais resté un temps fou dans mon bain.  Je n’en pouvais plus d’attendre.

Comment tu vas être « Erik » ? C’est quoi qu’il veut me dire le « Riche laissé pour compte » ? Hein ? On va voir…

Ça commençait à dix-neuf trente précises.  Je suis arrivé en avance. Superbe lieu. Classe, cette salle toute rouge. Deuxième rang. A ma droite et à ma gauche, du beau monde. Il y avait une vieille en super robe rouge agrémentée de nombreux bijoux – le genre à être assise à côté d’un homme qui n’a pas développé la même aptitude à parler sans discontinuer- et elle pérorait, elle pérorait…Un coup à développer une migraine…

-Georges, je te l’ai dit et redit ! C’est ce soir qu’il faut venir ou des soirs où il danse ! Mais enfin, tu te rends compte ? Qui danse comme lui Le Spectre de la rose ! On n’a jamais vu ça depuis, depuis…disons…Noureyev !

-Chérie, c’est un ballet monté partout dans le monde, même encore aujourd’hui…

-Non, Georges, non ! Je te dis tout net. Tu m’aurais convié à ce spectacle demain soir, je ne serais pas venue ! Thomas Hornes, ce n’est pas Erik Anderson ! Enfin, il faut être …myope…Et puis le New York City ballet, c’est incomparable.

Convaincu, il ne l’était pas, le vieil empaillé qui parlait avec ma délicieuse voisine mais souhaitant le calme, il abondait dans son sens ? Psychologue, cet homme… Tout en continuant d’écouter la vieille harpie comparer deux danseurs dont l’un était manifestement un grand nul et l’autre une splendeur, j’ai ouvert le programme que j’avais acheté et j’ai regardé les photos des artistes qui allaient se produire. Ils y étaient bien, les deux danseurs dont débattaient la dame et d’emblée, je lui ai donné raison. Pour le physique, tout au moins. Hornes avait l’avantage d’être un vrai américain mais il avait un visage assez disgracieux. La qualité de la photo ne rattrapait pas tout. Son nez était trop long, sa bouche trop mince, son front trop bas et j’en passe. L’autre, par contre, était d’une beauté à la fois affirmée et émouvante.

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