Clive le Vengeur. Partie 3. Le Spectre de la rose.
Après, il admirait un tel ou un tel et il me disait des noms mais j’avais une culture trop limitée en ce domaine pour les retenir.
Il avait quand même remarqué que je savais bien plus de « choses » qu’au départ (oui, je sais, heureusement que « chose » et « truc » existent, parce que je serais souvent en panne de vocabulaire…) et ça m’a valu de discrets compliments. Erik, il pouvait vraiment être tout d’un coup simple comme un enfant pis roué et futé comme tout et dans ces cas-là, il pouvait se montrer dur. Mais dans le cas présent, l’enfant parlait.
Bref, je l’ai vu, son spectacle.
Je savais déjà qu’il était super-bon comme danseur mais là, ça a dépassé tout ce à quoi je m’attendais.
Il était meilleur que la première fois dans le Spectre de la rose et non, Barney n’avait signé ni les décors ni les costumes. Quand il arrivait en bondissant, il était vraiment une apparition d’un autre âge. Il était moins « mignon », moins « dansant » que la fois précédente peut-être parce qu’il avait retravaillé son style et lui avait enlevé toute facilité. Ses ports de bras restaient magnifiques et très contrôlés mais là-encore, on sentait qu’il avait tout revu de près. On avait plus envie de dire qu’il était une belle fleur et elle une jeune fille endormie. Il était un esprit aux aguets et il traversait l’espace avant de se poser près d’elle pour la troubler. Le décor était très simple. Il ne portait qu’un justaucorps vert pâle et sa danseuse aussi était vêtue simplement.
Ce coup-ci, il n’y avait plus la vieille carne avec son Georges. J’étais flanqué de deux couples qui avaient l’air sympathique et faisaient, très discrètement, des commentaires plutôt intelligents. Ils parlaient de sa technique. Ils citaient les figures qu’imposaient ce ballet et débattaient de la façon dont Erik les avait faites et ils tombaient d’accord. Anderson, c’était vraiment un grand danseur…
Ceux-là, ils venaient vraiment pour la danse. Erik respectait des gens comme ça, quel que soit leur milieu, il me l’avait dit. Il recevait souvent des lettres et beaucoup, enfin des lettres comme on fait maintenant avec internet et des fils d’actualité. Il m’a dit qu’il faisait des réponses privées quand ça l’attrapait trop et qu’il avait de brefs échanges incroyables avec certains correspondants. Et puis, il lui arrivait de temps en temps d’échanger de vraies lettres, à l’ancienne, et il aimait beaucoup cela…