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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
16 octobre 2024

Clive le Vengeur. Partie 3. Julian chez Lopez.

Toujours aussi surpris, il s’est approché de la porte avec moi et s’est étonné de mon air consterné ; tout d’un coup, l’évidence de la catastrophe s’imposait.

-Tu crains que Ricardo Lopez ne franchisse la porte ?

-On va dire ça.

-Comme tu veux.

-Partons

Et j’ai ouvert la porte. Je me suis figé et Erik aussi. Se tenant droit sur le palier du premier étage, Julian Barney, somptueusement vêtu, nous contemplait, un sourire froid aux lèvres.

- Merveilleux, Clive.

Je me suis senti mourir à petit feu.

- Je ne dirais pas ça.

- Bonjour Erik.

Le danseur, lui, a pris les choses froidement.

- Julian, comment es-tu ici ?

Manifestement, il ne comprenait pas grand-chose, le danseur, si ce n’est que l’arrivée impromptu de celui avec qui il avait renoué était vraiment étrange.

-Parce que je savais que tu y serais avec lui.

-De quoi parles-tu ? D’où peux-tu connaître Clive ?

-Je le connais.

-Et cette adresse ?

-C’est moi qui la lui ai donnée.

-Non mais, qu’est-ce ça veut dire ?

-Allons dans le salon et tu sauras tout.

Erik et moi sommes retournés sur nos pas. Je me suis assis, consterné. Erik s’est appuyé contre un mur et Julian a commencé à déambuler. Il paraissait très sûr de lui.

- Alors ?

- J’en viens au fait, Erik. J’ai fait la connaissance de monsieur Dorwell il y a un an environ, un peu plus non, Clive ? Une annonce que j’ai postée. Une chasse. Il a répondu.

Erik était écarlate.

-C’est vrai, cette histoire ?

J'ai eu mal à la gorge tout d'un coup et répondre m'a fait souffrir.

-Oui.

Barney a eu un rire faux.

-Eh bien voilà !

Après quoi, Erik a eu une sorte d’exclamation rauque, d’une tonalité vraiment bizarre. Barney en a profité pour attaquer.

-Erik, tu t’ingénies vraiment à tout compliquer. Je t’avais demandé de rester tranquille et de ne rien tenter pour voir celui vers qui tu t'es tourné pendant un certain temps.

-Et que tu nommes par son nom.

-Je suis en affaire avec lui. On va devoir parler. Monsieur Dorwell, ceci n’est pas dans votre contrat. Mais tout d'abord, c'est avec Erik que je veux m'entretenir.

-Un contrat ?

-Erik, tu sauras tout, je viens de te le dire.

Le danseur nous a dévisagé l'un et l'autre avec hostilité et m'a laissé me replier dans la chambre. C'était la fin, je le savais. Je suis resté tout habillé sur le lit, assis, la tête dans les mains. Je crois qu’au fond, ce que j’aurais voulu, c’est m’en moquer. Seulement, c’était devenu trop compliqué. Il m’inspirait des sentiments violents et contradictoires, le jeune danseur. Ça ne faisait pas l’ombre d’un doute et ça devenait inextricable. Un jeu cynique était-il encore possible ? Histoire de tirer son épingle du jeu. En attendant, j'avais comme une pierre dans le cœur.

Au bout d'un moment, j’ai fini par les rejoindre parce que Barney m'a appelé. Il me fixait avec dureté, le brillant décorateur. Il avait tout déballé. J’étais mort ou presque. L’autre, il le regardait sans ciller et il n’avait pas l’air d’une victime, vraiment pas. Et quand son regard s'est posé sur moi, je n'ai pas pu le soutenir. Lui-aussi est passé à l’attaque.

-Tu as répondu à l’annonce de Julian ?

-Oui

-Dis-moi quel en était le texte.

-Une histoire de chasseur aguerri, de proie, de travail long et de…poussière…

-Tu es un chasseur aguerri ?

-Bah, c’était une annonce, un rébus. J’ai été choisi et ça m’a surpris…Quant à être un bon chasseur, je crois oui, quand même… 

-Il t’a confié une mission et toi, tu l’as accomplie, c’est ça ?

-Oui

-Tu es content de toi ?

Qu’est-ce que je devais répondre ? J’ai fait preuve de patience :

-Ton ami ici présent semblait à la fois mal en point et rageur car tu lui échappais. Je devais te montrer comment faire pour que de nouveau ça colle bien entre vous.

-En faisant comme tu as fait ?

-Ben oui ! Ce n’était pas très orthodoxe mais tu vois, ça a fonctionné. Tu recolles les morceaux avec lui. Comme quoi, il sait ce qui te convient.

-Et c’était supposé finir comment ?

-Il m’aurait remis dans le circuit au bout d’un certain temps. Comme ça, on aurait recommencé à se voir comme jusqu’à maintenant, sous sa haute bienveillance bien sûr.

-Tout est bien, alors ?

-Je ne peux pas te répondre oui. Si j’avais obéi, je ne serais pas là. J’afficherais chez moi un contentement imbécile en attendant l’heure du rappel. Mais, je t’ai fait venir sans l’en informer. De toute façon, il ne voulait pas que je te voie en douce.

-Cynique, alors ? Tu as tenté le coup pour toi…-Non, tu sais pourquoi j’ai tenté le coup. J’escomptais que tu n’apprendrais jamais rien et je ne voulais pas te perdre.

-C’est raté.

-Oui, c’est raté.

-Tu n’auras rien de plus, jamais.

J’ai soupiré.

-Ce qui est dur, c’est de te dire que j’ai été bête et lâche et que j’en suis malheureux.

-Tu as raison, c’est difficile, ça…tu as menti tout le monde. Même à ta femme.

-Je ne suis pas fier de moi. Seulement vu ce qu’il se passe là, je doute que ça te convainque.

-Tu n’es pas convainquant et tu es minable !

Barney, il ne disait rien et je trouvais cela vraiment bizarre. Il évitait même de regarder. Qu’est-ce qui l’avait en tête ?

-Bon, je vous redonne les clés et avant, je mets les draps à la machine. Ils ont servi. Pas bonjour à Riccardo Lopez qui ne revient pas du Mexique…

-Merci, Clive. Qu’en est-il du dernier chèque que je vous ai adressé ?

Évidemment ! Quel salopard !

-De toute façon, je n’en veux pas. Je le déchire ou vous le renvoie…

-Réfléchissez tout de même…Vous avez encaissé les autres sans sourciller…

Eh ben, Erik, t’es bien loti avec un connard pareil !

-Ben là, non. Carolyn continue sa formation. Je paierai. Je peux même vous retourner tout le reste. Ça vous ira ?

Barney m’a regardé froidement mais sans aucune hauteur. Au contraire, il avait l’air de trouver que je ne manquais ni de cran ni de vilenie. Oui, c’est exactement cela, il saluait au-delà le porc qui sommeillait en moi, quelqu'un de plus humain.

 

 

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