Clive le Vengeur. Partie 4. Clive et ses errances. Rêve et réalité.
1. Ne rien lâcher.
Parce que le danseur Erik Anderson, qui pourtant ne vit plus à new York, pourrait s'y trouver, Clive ne cesse d'arpenter Manhattan dans l'espoir d'une rencontre.
Bientôt, j’ai repris mes tours à pied dans Manhattan. Les fêtes sont arrivées et avec Kathleen, on a dîné dans des endroits chics. Elle n’était vraiment pas compliquée, elle. Sexuellement, ce n’était vraiment pas une gourmande, encore moins une vorace. Je ne sais ce qui s’était passé pour elle, elle ne m’en a jamais parlé mais le fait est qu’elle me demandait de moins en moins de lui faire l’amour. On aurait dit qu’il lui suffisait de recevoir des cadeaux pour être comblée. Je lui achetais des robes bling bling car lui plaisait et avec cela, des parfums français très épicés. Et elle aimait les grands bouquets de fleurs multicolores, alors, pour oui pour un non, je lui en rapportais à la maison. Je dis « la maison » car j’étais toujours fourrée chez elle. Je reconnais qu’une femme comme ça, c’est bizarre. Que je ne la touche pas beaucoup, elle trouvait ça très bien et si je ne l’avais plus abordée du tout, elle ne serait pas plainte. Moi, je ne voulais pas tout abandonner. On ne sait jamais ! Je voyais bien quand même que me faire dire oui pour une virée à Las Vegas, c’était pour elle très motivant. Mais attention, hein, n’allez pas croire qu’avec tout ce que je raconte, je ne sais pas faire jouir une femme ! Kathleen, avec moi, elle en avait eu des orgasmes !
Bon, sûr que ça m’arrangeait bien. Kristin, elle, ne serait jamais devenue si peu motivée ; la sexualité était une dimension importante de la vie pour elle et je devinais bien qu’avec son nouveau compagnon, elle s’épanouissait de ce côté-là. La prude Kathleen, à une époque où son mari texan et elle se livraient encore à des boum-boum très bibliques, ne s’était peut-être pas doutée que son manque d’enthousiasme et ses peurs qu’elle trimballait avaient eu un effet anesthésiant sur un homme encore qui avait, je l’espère pour lui, trouvé plus de compréhension dans son second mariage.
Que Kathleen se restreigne comme ça, ça m’avait étonné mais on s’entendait bien. Que je disparaisse un jour ou deux pour déambuler dans Manhattan, elle s’en fichait. Si je lui disais que New York recelait des trésors architecturaux et que, tant qu’à marcher, je préférais autant le faire en découvrant ou redécouvrant des merveilles, elle allait dans mon sens. Pas l’ombre d’une question montrant qu’elle avait des doutes…Je m’en allais, elle était contente ; je revenais, elle était radieuse. Elle était pomponnée, parfumée. Elle avait fait la cuisine. Ses tartes aux pécans étaient délicieuses…
Un qui n’était pas dupe, c’était Barney. Après sa belle conférence, je ne l’ai lâché pas sur internet et lui a fait de même. Il voulait savoir quel virage j’avais opéré. Je lui ai dit que j’avais des objectifs clairs. On venait chez moi pour consommer puis on assistait à un spectacle. Si on faisait les deux en même temps, on ne retenait rien car le spectacle n’était pas un accompagnement. Cette erreur-là, je l’avais commise au début mais j’avais compris. Et puis, je tenais à donner sa chance à des étudiants d’école d’art dramatique, de danse ou de chant qui devaient financer leurs études, ça me semblait important. Ces jeunes-là, personne ne serait venu les voir si je les avais programmés. Je leur demandais donc, deux fois par semaine, d’assurer le service en chantant, dansant où se renvoyant un texte. J’étais sûr que ça marcherait. On les écouterait, on les regarderait. Bon et au moins, ils seraient plus payés que de simples serveurs. Après, si je pouvais leur faire monter un spectacle ensemble, pour mon restaurant, ben, je le ferais et ce serait super ! Il a trouvé ça très bien. Une nouvelle année s’ouvrait. Il me la souhaitait bonne et heureuse. J’ai dit que moi, pareillement. Mais on est resté prudent. La page de présentation des Grands Ballets canadiens de Montréal, il la regardait aussi souvent que moi. Dans la liste des danseurs, le nom d’Erik Anderson arrivait avec celui des autres danseurs étoiles. Il y avait des photos aussi, d’eux et donc de lui. Bon, c’était clair ce qu’on voulait Barney et moi mais on ne pouvait pas se le dire.