Clive le Vengeur. Partie 3. Recontacter Julian Barney...
« Clive, monsieur Dorwell…
Voilà une page du passé qui s’ouvre et pas la plus glorieuse…Je suis sensible à l’admiration que vous me portez mais pas dupe. Pourquoi m’écririez-vous si ce n’est pour que je vous parle d’Erik Anderson ? Je ne tiens pas à le faire. Je n’y ai jamais tenu depuis de lointains événements...
Merci de l’intérêt que vous portez à mes livres. Ils sont disponibles dans de très nombreuses librairies et, pour certains d’entre eux, dans de bonnes bibliothèques. Quant à mes contributions récentes aux productions de l’Opéra de New York, vous avez toujours la possibilité d’acheter des billets…En vous souhaitant bonne réception de la présente, je vous souhaite le meilleur dans la nouvelle profession que vous avez embrassée, à vous lire, avec succès.
Votre dévoué Julian Barney »
Bon, c’était dit. Mais ça ne m’a pas découragé, loin de là.
Bien sûr, il était encore fragile et tout griffé, je lisais cela et je me suis dit que ce n’était ni de la faute d’Erik ni de la sienne. Cette passion, elle lui était tombée dessus et elle l’avait tellement ravagé qu’il avait dû, certains jours, se demander comment il s’en sortirait. Quant au Joli-Joli, sûr que ça l’avait impliqué lui-aussi et même si ça lui plaisait bien que ce lettré friqué en pince pour lui, ça avait dû quand même l’effrayer un amour aussi difforme…
Il avait dû jouer au lapin de garenne, certains jours ou à l’oiseau migrateur mais pas tout le temps. Il lui avait ronronné dans les jambes aussi, à l’autre. Les chats c’est opportuniste et tendres et surtout, c’est tellement attachant…Mais j’arrête avec le carnaval des animaux.
J’ai insisté. Je découvrais ses livres, lisais ses articles et en surlignais des passages pour pouvoir lui poser des questions. J’allais à l’opéra pour être à même de lui parler de ce qu’il faisait. Et je lui écrivais. Au début, ça n’a pas fonctionné du tout, puis, à la dixième lettre (vous remarquerez que quand même…), il a réagi. Cette fois, il a trié mes questions par ordre d’importance et n’en a écarté aucune. Puis, méthodiquement, il a répondu. Pour La Flûte enchantée, il avait pris telles options parce que…Tandis que pour Le Tour d’écrou, il avait le contrepied de ce qui se faisait habituellement car…
J’ai continué. On est passé sur Facebook. Puis, j’ai fait entrer Kathleen en scène. Elle et moi, on l’admirait. S’il acceptait d’animer une causerie sur l’opéra au lieu d’envoyer un émissaire, s’il nous faisait ce cadeau-là, il rendrait heureuse une librairie qui avait créé à Newark un lieu unique et accessoirement un homme banal qui commençait à comprendre que l’art lyrique pouvait transformer une vie…
Il a dû quand même se demander s’il y avait un coup fourré là-dedans mais il a bien vu que je ne le harcelais pas et que Kathleen, avec qui il discutait aussi sur la toile, était vraiment quelqu’un de sérieux. Il a donc fini par dire qu’il réfléchissait mais que oui, il allait se laisser tenter. L’un comme l’autre, on lui a laissé toute latitude. Ça l’a rassuré.