Clive le Vengeur. Partie 3. Clive se met à lire.
Elle les a trouvés et je les ai lus. Mais la trahison sous un angle gay, ce n’était pas une bonne idée. Il me regardait de nouveau, l’autre, le danseur au beau visage. Il était dans la rue après l’expo naze et il m’écoutait parler en restant sur ses gardes et il avait ce mélange de retenue et d’amusement qui m’était allé droit au cœur. Il ne savait rien encore. Tout pouvait arriver…
Je suis revenu à la littérature générale, avec des thèmes élargis et, en quelques moi, je suis devenu un lecteur correct. Je m’étais ingénié à tout oublier de mes années de lycée où j’étais loin d’être ignare et de refuser de lire. C’était juste cela, suivant Kirsten. Elle avait un peu raison.
Bon, fort de Philip Roth, d’Updike, de John Irving, de Paul Auster, j’ai enchaîné sur les femmes « brillantes » dont mon amie me conseillait les écrits : Joyce Caroll Oates entre autre. Et bien sûr, je n’égrène pas la liste. Elle, elle lisait depuis des années et des années et elle en avait fait sa profession. Moi, tout d’un coup, j’acceptais…
Elle ne faisait aucun commentaire négatif mais m’encourageait. Notre connivence a commencé comme ça, puis elle s’est poursuivie.
Un jour, elle m’a surpris en me disant qu’elle m’avait toujours considéré comme quelqu’un de bien et que le fait que nous ne nous soyons pas vus des années durant lui avait paru tout à fait judicieux. Après tout, elle n’était qu’une jeune fille de dix-huit ans éprise d’un garçon de son âge qui ne lui mentait pas sur ses tendances. Il était droit avec elle, ce jeune homme-la. Une fois sa déception surmontée, elle avait pu se tourner vers un autre jeune homme avec qui l’amour était possible. Elle ne regrettait rien. Du reste, Brad était quelqu’un de très compréhensif. Ils s’appelaient souvent et il quand quittait le Texas pour venir voir ses enfants, il venait lui dire un petit bonjour. Il dormait sur le canapé.
La sexualité pour elle était liée à la maternité. Elle avait trouvé très beau de faire, des années durant, l’amour avec un homme qui lui avait donné un garçon et une fille adorables mais maintenant qu’elle était seule, elle ne ressentait aucun manque de ce côté-là. Elle se posait bien sûr la question d’un nouvel amour mais elle ressentait une grande plénitude et n’était pas aux aguets, ce qui, selon elle, était son atout le plus fort. Elle croyait en Dieu depuis toujours et avait acquis la certitude qu’Il nous veut heureux, là où nous en sommes dans notre vie. Et elle, elle était à sa place, à cet instant et à cet endroit.
Fort bien…
Heureusement pour elle plutôt que pour moi, il y a des questions qu’elle ne posait pas ou évitait de retourner. Sous mon optimisme de surface, elle flairait de temps en temps ma mélancolie mais elle ne cherchait pas à en savoir trop. Mon mariage avait sauté à cause de ce goût que j’avais pour les hommes jeunes. Kristin, sentant que je l’aimais moins, n’avait plus supporté mon manège. Elle s'en tirait plutôt bien. Elle avait son travail et elle voyait un homme à ce que j'avais compris. Je l'avais délaissée ; s'il s'occupait bien d'elle, j’étais content. Quant à ma fille, elle continuait une formation assez infernale dans une école de danse haut de gamme mais aurait bientôt terminé. Elle allait présenter des concours et travailler pour une compagnie de danse. Bientôt, elle saurait ce qu'elle valait.