Clive le Vengeur. Partie 3. Clive en vacances aux Chutes du Niagara.
Comme j’allais me balader seul un matin parce que je voulais voir sans beaucoup de monde l’extraordinaire spectacle des chutes, j’ai profité du silence et d’un moment presque volé. La lumière était très belle, les écureuils paraissaient au pied des arbres et il régnait encore une grande paix. C’est souvent le cas dans une ville qui vit la nuit. Les matins sont d’autant plus paisibles que tout le monde dort encore…Je me suis assis sur l’herbe et j’ai contemplé l’inlassable remuement de l’immense cascade. C’était un superbe spectacle qui favorisait l’intensité des sentiments et la méditation romantique et là, j'ai été attiré par la silhouette d'un homme jeune et blond, assez beau. Il aurait se promener et continuer son chemin mais il s'était arrêté et de temps en temps, il me jetait un regard. Deux fois, ça ne signifie rien ; six ou sept fois, on va dite que ça devient significatif. Du reste, je le regardais aussi et il a fini par s'approcher.
-Américain ?
-Européen !
C'était bien ça, il ne resterait pas dans les parages. On était du côté américain.
-Quel pays ?
-Le Danemark. Copenhague. Et toi ?
-Américain. New York.
Danois…A y bien regarder, il y avait des similitudes entre Erik et lui. Les yeux bleus, les cheveux blonds, la même teinte ; mais ses traits moins fins, son visage moins beau.
-Touriste ?
-Oui. Je suis avec des amis. Ils dorment encore. Et toi ?
-Moi, je suis comme qui dirait en voyage de noces. Elle est lève tard.
-Tu fais quoi à New York ?
-En fait je suis à Newark. J’ai un café restaurant qui présente des spectacles : divers groupes.
-Génial ? Moi, je fais de la danse contemporaine. Je suis professionnel, pas amateur.
Intérieurement, j’ai été secoué : tiens donc. Il était tout à fait poli ce jeune étranger mais bon, on ne me la fait pas. Il m’observait, cherchant à savoir si une ouverture était possible. Une aventure, même très rapide, ne lui aurait pas déplu. Je devais être son genre…
-Tu t’appelles comment ?
-Bjorn. Tu as déjà rencontré des Danois ?
-Il y en a qui arrivent par l’aéroport de Newark.
-Il s’est raclé la gorge.
-Oui, enfin…
-Ce n’est pas vrai ?
-Si mais on arrive plutôt par d'autres aéroports. Sinon, c’est très joli, ici. On fait un tour?
Je l'ai regardé mi- amusé mi -mélancolique.
-Tu penses qu’il n’y a pas d’obstacle ?
Il a eu l’air surpris.
-Comment ?
Il avait raison, il n'y avait pas d'obstacle si on n'était pas étouffé par la morale mais dans mon cas, ce n'était pas possible. Tout de même, je me suis approché de lui : visage encore un peu adolescent. Il n'avait pas trente ans. Corps mince mais ferme. Pas mal.
-Je proposais juste de marcher un peu…
-Non, désolé.
-Ta femme ? Des scrupules ?
-Non. Enfin si. On est en vacances. Et puis des souvenirs aussi.
-Ah ? Ils sont tristes ?
-Oui et non.
-C’était un danois ?
-Quelle importance…
Je lui ai souri.
-Tu as de la chance Bjorn. Les Américains sont très nombreux et il va s’en trouver plusieurs qui auront des choses à te dire. Dans ce coin-là, il y aura bien un trappeur ou deux !
-Mais tu es séduisant…
-Il y en a d’autres !
Il a ri mais je l'ai laissé là où il était et il n’a pas insisté. Cette rencontre, ça ouvrait une brèche, c'est sûr ; pas celle qu’il croyait car il imaginait sans doute me croiser de nouveau, mais une autre.