Battles. Partie 1. Winger harcèle Paul. Interrogatoire et dureté.
Winger se tut un instant puis reprit, rageur:
-Alors, ces explications ?
-Je vous les ai données, Instructeur.
-Je n'ai pas saisi.
-Je n’ai rien contre les ouvriers qui sont sur cette chaîne de montage, quels qu'ils soient, ni contre les contremaîtres...
-Si, tu t'estimes au-dessus d'eux.
-Non !
-Détenu, tu te demandes s'il ne manque pas quelque chose à la fin de tes phrases ? Tu as raison. Termine-les par « Instructeur Winger ».
-Oui, Instructeur Winger.
-Tu es prévu pour l'usine de montage, alors fais ce qu'on te demande. C'est compris ?
Paul se mordit les lèvres. La position debout le lassait Paul. Winger le voyait mais ne changeait rien.
-Bref. Tes rapports avec la gardienne Xest sont bons ?
-Ils le sont, Instructeur Winger.
-Elle a rédigé plusieurs rapports sur toi. Les premiers montraient une évolution normale de ton état. Le dernier est négatif. Elle signale un manque de courtoisie. La politesse est importante, détenu.
-Instructeur, je suis poli avec la gardienne Xest.
-Elle fait erreur alors ?
-Non, c'est une chienne. Je la traite comme telle.
Il y eut un silence. De nouveau, Paul se sentit transpercé par le regard du jeune homme. Celui-ci restait d'un calme olympien mais il était déjà menaçant.
-Fin de phrase ?
-Instructeur.
-Continue.
-C'est une immense prison et je m'interroge sur le nombre de détenus qu'il y a ici, leurs fonctions, la durée de leurs peines. Et puis, je me suis étonné que dans l'aile des politiques où tout est silencieux, il y ait du bruit certaines fois. On malmène des prisonniers. Je me demande si...
Winger lui coupa la parole.
-Un certain nombre de politiques ne sont plus avec toi. Ils ne remplissent pas les critères pour être rééduqués, en conséquence, nous mesurons nos erreurs et les évacuons. Actuellement, vous êtes moins nombreux à mériter d'être redressés.
Paul perdit patience.
-Alors, c'est ainsi ! La nuit, vous condamnez à mort ceux qui ne vous conviennent plus.
-Tu sais que tu mécontentes ?
Paul saisit sa chance.
-Je l'espère !
-Termine tes phrases, DS. Cinquante-huit trois. Deux cent sept neuf. Et ne t'emporte pas, c'est un conseil.
-Ces hommes ont été suicidés, Instructeur.
-On est dans une prison, ici, tu n'es pas au courant ? Rappelle-moi la posologie des médicaments que tu dois prendre.
Paul se tut, hostile.
-Tu disposes d'un écran de télévision qui t'explique comment suivre ton traitement. Tu as un rappel papier dans ta cellule et Xest te donne des consignes. C'est trop difficile ?
Paul soupira, agacé.
-Tu ne les prends plus. Ta gardienne m'écrit qu'à la façon dont tu te déplaces dans les couloirs et en cellule, il est clair que tu t'en passes. Au cas où tu ne le saurais pas, elle est autorisée à regarder ta merde et ça se voit aussi. C'est un acte de liberté ?
-Oui, Instructeur.
-Si tu prenais les traitements adéquats, tu ne te réveillerais pas la nuit. Tu aimes les feintes, toi.
-Elle-aussi ! Vous-aussi ! Je suis filmé tout le temps !
Winger parut amusé.
-Tu aimes la liberté ?
-Plus que tout, Instructeur.
-Alors tu te trompes. En toute logique, tu es un détenu et qui plus est, un détenu borné. Tu travailles mal et jettes tes pilules dans les toilettes sais qu'on est indulgent avec toi, plains tes pauvres camarades qu'on a fait mourir, veux le sacrifice mais parades. Et tu te dis bien sûr qu'un héroïsme aussi désespéré mérite le peloton d'exécution !
-Oui, instructeur. Je ne serai pas rééduqué. Vous ne me transformerez pas. Moi aussi, une nuit, vous viendrez me chercher. Je sais ce que j'ai écrit, je sais pourquoi j'ai vécu. J'ai été un homme futile, inintéressant mais j'ai tenté une fois dans ma vie d'avoir quelque grandeur car mon pays sombrait dans le chaos. Je ne céderai pas.
Cette fois, Paul regarda l'instructeur droit dans les yeux et soutint son regard. Il s'attendait à une explosion de rage mais rien ne vint.