Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
10 janvier 2025

Battles. Partie 2. Suède. Gotembourg. Retrouver le goût de vivre.

 

Monica, chaque fin de journée lui apportait des livres d'art. Ils les feuilletaient et ils s'arrêtaient sur un tableau ou un autre pour le commenter. Il était heureux de ces moments et finissait par les attendre avec impatience. On lui trouva aussi une jolie aide-soignante pour lui faire la lecture et quand il fut à même de mieux se déplacer, on le conduisit dans une petite salle où un interne lui joua du Chopin. Il aimait les Nocturnes et les Ballades. Peu à peu, il retrouvait ses souvenirs, ceux d'un temps où il était loin du journalisme, des tentations du monde, de la dictature et de Battles. Il avait dix ans et écoutait sa mère jouer au piano ces mêmes airs qui des années après le ravissaient. Comme il l'avait aimée ! Et elle-aussi d'un amour spécial. Tous les parents s'épuisent à prodiguer le même amour à chacun de leurs enfants mais il avait su très tôt que beaucoup n'y parvenaient pas. Il était le seul à admirer à ce point son talent de pianiste, il le lui disait avec ses mots d'enfants et il la rendait heureuse, c'est pourquoi elle le chérissait davantage. Et il aimait ses robes, ses parfums, ses cheveux. Son père, il l'avait aimé aussi mais différemment car il était distant. Il avait mesuré l'envergure de l'intellectuel et beaucoup parlé avec lui au sortir du lycée et il savait qu'au fil du temps, l'affection qu'ils avaient l'un pour l'autre aurait été plus démonstrative. Mais il avait perdu ses parents très jeune et avec leur disparition, un contact autre que superficiel avec ses frères. Tout de même, ce tableau de Watteau, elle l'avait aimé et cette fugue de Bach qu'il demanda à réentendre, il l'écoutait souvent. Et puis il y avait ces vers de Rilke que ses parents aimaient tous deux et que la jeune fille lui lisait en allemand. Il retrouvait sa jeunesse et c'était bon !

 

Avant que vous comptiez dix

 

Avant que vous comptiez dix
tout change : le vent ôte
cette clarté des hautes
tiges de maïs,

pour la jeter ailleurs ;
elle vole, elle glisse
le long d'un précipice
vers une clarté sœur

qui déjà, à son tour,
prise par ce jeu rude,
se déplace pour
d'autres altitudes.

Et comme caressée
la vaste surface reste
éblouie sous ces gestes
qui l'avaient peut-être formée.

 

Ce fut d'ailleurs à cause de cet éclat enfantin qui brillait dans ses yeux que le chirurgien qui avait opéré Paul et craignait pour son rétablissement, sut qu'il n'avait pas échoué. De telles opérations, parce qu'elles ont un caractère mutilant, n'existent pas en dehors de ces geôles infernales où la méchanceté humaine donne toute sa mesure. Attendu qu'il n'existait aucun protocole en la matière, c'était une première pour lui et un vrai défi puisque son patient pouvait souffrir de graves séquelles. Mais il se remettait...

-Vous êtes mieux.

-Oui, docteur Josephon.

-J'en suis ravie et toute la clinique aussi...

Publicité
Publicité
Commentaires
LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
Publicité
Archives
Publicité