Battles. Partie 2. Suède. Gotembourg. Clinique. Paul et sa dernière vision de Winger.
Monica soupira. Il lui faudrait du temps, à cet homme pâle et défait, pour tout remettre en ordre, lui dont la personnalité avait été saccagée.
-Paul, il est mort.
-J'avais de faux jugements esthétiques et une morale faussée. Avec lui, je ne mentais plus...Mais vous dites que...Une balle dans la tête !
De nouveau, il niait l'évidence, se battant.
-C'est impossible.
-Non, c'est vrai. Il vous aurait tué.
-M'abattre ! Qu'est-ce que vous dites ! Qu'est-ce que vous dites !
Il s'agitait trop. Elle se leva et revint avec un autre médecin, un homme.
-Il n'est pas mort. Il ne m'aurait jamais tué. Qu'est-ce qu'elle dit ?
-Monsieur Kavan, il faut croire le docteur Josephon.
-Notre lien est fort. Il est inaltérable. Il est vivant.
Les deux médecins se regardèrent consternés puis laissèrent Paul. Livré à lui-même, il s'endormit difficilement.
A l'entretien suivant, il semblait plus conscient de ce qu'il lui était arrivé.
-L'embuscade, ça me revient et les caches des partisans aussi.
-Ils étaient courageux ?
-Oui. Ils n'étaient pas aussi bien armés que leur ennemi mais tellement fiers et organisés...
Mais l'esprit de Paul s'en allait. Il pensait à ce qui s'était passé avec l'instructeur le dernier soir. Voilà bien des souvenirs qu'il ne pourrait jamais évoquer ici...En fin de journée, alors qu'ils étaient dans la chambre, Winger l'avait incité à aller se doucher et il l'avait accompagné. Nus l'un et l'autre, ils s'étaient contemplés. L'instructeur avait un très beau corps, un corps d'athlète auprès duquel celui de Paul paraissait trop pâle et peu entretenu. Toutefois, le détenu avait admiré la mansuétude de son jeune gardien qui avait tenu à l'aider à se sécher en déployant sur lui une grande serviette pourpre et l'avait invité à s'asseoir près de lui.
-Tu es beau, Paul.
-Non, Instructeur, c'est vous qui l'êtes.
De nouveau, il était resté émerveillé devant ce torse fin et bien découpé, ses épaules musclées, ses jambes solides et ce très beau visage.
-Tu es aveugle. Je t'assure, tu as belle allure.
-Oh, instructeur...
-Reste près de moi, Paul, nous sommes proches maintenant. Ne sois pas intimidé.
Markus avait un corps de soldat. Ceux ou celles qu'il approchait devaient être ravis ! Avec lui, Paul n’envisageait qu'une belle amitié virile car l'Instructeur lui était supérieur. C'était une belle idole et à ce titre, elle était inaccessible. Il pouvait certes le désirer mais il devait sublimer son désir. Pourtant, une fois habillés après la douche, il constata que l'attitude de l'instructeur était différente. Ils discutèrent, jouèrent aux cartes et burent des bières et Paul constata avec surprise que Winger avait posé son revolver et son étui sur une table près du lit. Il aurait du les garder. Il le regardait beaucoup et lui souriait et Paul, malgré son aveuglement, comprit tout de même que ce bel homme blond lui envoyait des appels sexuels. Il se souvint alors brièvement des prostituées qu'on lui avait envoyées et de leurs allusions à un bordel de garçons.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Rien, Instructeur.
-Si, tu jouais très bien et là, tu joues mal.
-Non, c'est que...
-C'est que ?
-Rien. Je vais me reprendre, Instructeur.