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LE VISIBLE ET L'INVISIBLE. FRANCE ELLE.
27 mai 2024

Battles. Partie 1. Rééducation phase 1. Winger tisse sa toile.

 

Sa mémoire qui avait été mise à mal lui revint et il apprit sans difficulté les textes de Dormann.  De la même façon, il ingurgita ceux des chantres du régime et ne fut plus pris en défaut. Devenu efficace, il savait résumer tout texte politique émanant du pouvoir en place. Et il commençait à rédiger des confessions que l'inflexible Winger exigeait de lui. Il devait se décrire enfant, adolescent, jeune homme puis homme fait et ceci sous divers angles et le rigide formateur l'interrogeait impitoyablement sur ce qu'il avait écrit. Cette tâche lui était encore difficile mais l'instructeur se montrait pédagogue.

-Tu es toujours en phase 1, détenu mais tu as beaucoup changé. Tu mémorises et récites bien, c'est parfait. Revenir sur toi-même est un processus difficile mais sache que je veille sur toi. Je l'ai toujours fait !

-Oui, Instructeur.

-Tu es sincère ? Il y a eu des passages difficiles...

Paul avait peur.

-Parle. Tu n'oses pas peut-être...parler.

-Non, instructeur.

-Tu ne devrais pas. Je sais ce qui est bon pour toi. Tu comprends ?

-Oui, Instructeur.

-Non, pas encore... Mais c'est vrai.

Le temps continuant de s'écouler, Paul était devenu très performant à l'atelier où, ne commettant pas la moindre faute, il était rapide. On signalait aussi sa politesse.  On le changea de travail cependant et lui demanda de faire de la manutention. Il était assis, ce qui était moins fatigant, mais il côtoyait cette fois des droits communs qui avaient le droit de parler entre eux. Lui ne devait s'exprimer sous aucun prétexte. On attendait qu'il le fasse, bien sûr, mais il ne céderait pas !

L'instructeur Winger était incontournable et Paul qui l'avait détesté lors de leurs premières rencontres, attendait désormais leurs entretiens avec impatience. Hiératique, jeune et beau, ce rééducateur ne savait-il pas tout ?

-Tu as bien intégré les notions que nous t'avons inculquées, Paul. Tu fournis un travail impeccable. Xest ne se plaint plus jamais de toi et tu ne fréquentes plus guère l'hôpital...

-Je fais mon possible, Instructeur.

-Moi, j'en suis certain ! J'ai des éloges à te faire !

-Merci, Instructeur.

-De rien. Maintenant tu as les idées plus claires !

-Bien plus claires, Instructeur.

-Tu vois ! Je ne te bats même plus !

Pourtant, vint un moment où il dormit si mal qu'on dut l'hospitaliser quelques jours. Il ignorait bien sûr que les puissantes drogues qu'on lui administrait avait des effets pervers et que, parfois, on suspendait son traitement. On lui faisait tant de piqûres pour le maintenir en bonne santé qu'il en perdait son sens commun. Fiévreux, il délira. Quand il s'éveilla dans une chambre tendue de blanc, le bel instructeur était penché vers lui. Paul, qui flottait entre rêve et réveil se surprit à dire :

-Je suis si désolé...

-Mais de quoi ?

-Vous vouliez que je donne des noms mais c'est ma mémoire qui se dérobe tellement !

-Ah, les noms de ceux qui écoutaient tes absurdités ? Tu viens de le faire, tu as parlé dans ton sommeil. Nous avons pu faire les recoupements nécessaires, ne t'inquiète pas pour ça.

-J'ai parlé...

-Mais oui, Paul...Je te l'ai dit : ne t'inquiète pas. Ce que nous voulions savoir, nous l'avons su...

-Je ne suis pas certain, Instructeur...

-De quoi ? S'il manque des noms, tu compléteras la liste, voyons. Tu as fort bien fait. La délation est une vertu.

-Je ne suis pas un traître.

-Absolument pas : tu as fait ton devoir ! On va arrêter qui doit l'être et on réglera nos comptes. Rien de plus.

-Oui, Instructeur.

-A bas la vermine !

-Oui, Instructeur.

-Vous m'appelez toujours par mon prénom, désormais...

-Mais c'est naturel.

L'instructeur souriait légèrement.

-Et c'est la procédure. Tu comprends ?

-Non, Instructeur.

-Ici, la plupart des détenus ne sont plus personne. Ils sont habitués à n'être que des numéros ; ils sont interchangeables. L'un d'eux meurt : on prend ses vêtements de prisonnier et on les attribue à un entrant. Toi, c'est différent. Il n'est nul besoin de t'aider à oublier ton identité. Elle reste identique mais tout en toi est transformé.

-Oui, Instructeur.

-Tu es là pour nous servir...

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